Transmutation crisique

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Transmutation crisique

• Le drame du week-end en Israël doit désormais se poursuivre avec l’action de riposte que préparent les Israéliens, et qui peut être terrible. • En soi, la crise entre Israël et les Palestiniens répond toujours aux mêmes paramètres et blocages, et en cela l’attaque de dimanche ne change rien. • Ce qui peut amener un changement politique de nature, non pas de la crise elle-même, mais de l’importance de la crise, c’est justement la nature et, au-delà, la puissance de la riposte israélienne. • Dans ce cas, cette très vieille crise s’inscrirait dans la GrandeCrise.

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Cela fait plus d’un demi-siècle qu’existe sous forme de crise avec des pics paroxystiques le “problème palestinien” tel qu’il s’est encore une fois manifesté, et avec quelle violence, ce week-end. En effet, seul l’aspect quantitatif le plus morbide (le nombre des morts, des attaques, etc.) différencie cette crise-“guerre” des précédentes. L’on retrouve également ces graves entorses faites à l’infaillibilité des services de renseignement israéliens et par conséquent à l’invincibilité d’Israël. Ce seront les deux seules affirmations qui survivront : malgré les revers constants depuis 1973, les forces de sécurité israéliennes, comme les américanistes sur lesquelles elles sont modelées depuis les années 1970, seront à nouveau qualifiées sans plus tromper personne désormais, d’infaillibles et d’invincibles. Israël suit le même chemin que les USA depuis qu’il s’est complètement soumis à eux avec la Guerre des Six-Jours.

C’est évidemment pour cette raison qu’il n’y a guère de réflexion politique de grand intérêt à sortir de cette crise au stade où elle se trouve maintenant. De la déploration, sans aucun doute et sans aucune restriction, à cause de l’importance terrible des massacres et de l’aura de lamentation qui englobe Israël depuis les origines. Pour le reste, le problème est toujours le même et les responsabilités complètement similaires.

La grande différence politique, – pour l’instant encore, – réside sans le moindre doute dans la lenteur, sinon la sidération jusqu’à l’inexistence, de le diplomatie américaniste pour réagir et remplir son devoir de ‘sponsor’ de cette région comme elle l’a fait depuis un demi-siècle. Certes, on sait que Sullivan-Blinken additionnés l’un l’autre n’arrivent pas à donner un huitième d’un Kissinger des années 1970, quelle que soit l’inimitié que l’on porte au vieux diplomate. Tout juste sont-ils capables d’ordonner à un groupe de porte-avions, puisqu’ils en disposent d’un disponible avec des équipages multiraciaux et multiculturels, de faire route vers les côtes d’Israël. Cela fait toujours parler les gogos et muscler les éditoriaux.

Sur ce point, Larry Johnson observe :

« Enfin, Biden a ordonné au Carrier Strike Group (CSG) de l'USS Gerald Ford de se placer au large des côtes israéliennes. La dernière fois que les États-Unis ont agi de la sorte, c'était en 1983, alors que la guerre civile faisait rage au Liban. L'administration Reagan s'en est mal trouvée. Lorsque les États-Unis sont intervenus en tirant sur les positions du Hezbollah dans la vallée de la Beqaa, l'Iran a riposté en faisant exploser la caserne des Marines et l'ambassade des États-Unis. Ces deux attaques terroristes ont tué 258 Marines et diplomates américains. Si les États-Unis attaquent des cibles du Hamas, ils risquent de provoquer une campagne terroriste dirigée contre les installations américaines au Moyen-Orient et en Asie du Sud-Ouest. »

... Il y a une quinzaine, signalait avant-hier Mercouris, Sullivan se félicitait du fait que le Moyen-Orient n’avait jamais été aussi calme et apaisé qu’aujourd’hui. Avec de telles certitudes, on écarte l’un ou l’autre rapport du renseignement (il y en a eu) signalant que « quelque chose de gros est en préparation ».

Bien au contraire...

Par contre, et en effet en contradiction avec ce que nous disons au début de cette page, la situation deviendrait complètement différente si la réaction israélienne suivait l’émotion extrême provoquée par l’attaque (« C’est le 11-septembre israélien ») et s’avérait elle-même extrêmement dévastatrice. Les hypothèses à cet égard nous font entrer dans un autre univers, absolument inconnu et impossible à décrire, et les bouleversements politiques seraient évidemment considérables, au Moyen-Orient et à travers le monde, et dans des sens divers sinon antagonistes.

La tension des esprits se retrouve dans certaines déclarations qui réclament effectivement des mesures de cet ordre ; cette exaltation furieuse se diffuse évidemment sur les réseaux sociaux, ce qui contribue notablement à cette tension, même si l’on tend à tempérer ces affirmations. Un exemple extrême vient de Revital Gotlib, une députée du parti de Netanyahou, le Likoud, qui réclame l’emploi d’armes nucléaires contre Gaza (avec citation des missiles ICBM israéliens ‘Jericho’).

« “Missile Jéricho ! Missile Jéricho ! Alerte stratégique. avant d'envisager l'introduction de forces. L'arme du Jugement dernier ! C'est mon opinion. Que Dieu préserve toutes nos forces”, a posté lundi Revital Gotliv sur X (anciennement Twitter) lundi, selon une traduction automatique de l'hébreu.

» Mardi, Gotliv a fait suivre son message sur les missiles nucléaires d'un autre, appelant à “écraser et éraser Gaza”.

» “Seule une explosion qui secoue le Moyen-Orient rétablira la dignité, la force et la sécurité de ce pays ! Il est temps d'embrasser le jugement dernier. Tirer des missiles puissants sans limite. Ne pas raser [seulement] un quartier", a-t-elle posté. “Sinon, nous n'aurons rien fait”. »

Plus que l’hypothèse opérationnelle bien entendu, il faut s’attacher à l’aspect psychologique et faire l’hypothèse qu’il est l’expression d’une réaction collective, certainement pas unanime ni systématiquement aussi extrême mais recélant des facteurs qui nourrissent cet extrémisme. Les juifs d’Israël vivent sur une terre pétrie de caractères bibliques et leur culture les invite constamment à s’y référer ; on distingue cela chez la députée Gotliv.

De leur côté, les Palestiniens sont également touchés par de telles forces extérieures, selon leur expérience et leurs croyances. Dans les deux cas, la religion imprègne la culture bien plus que le contraire, formant ainsi le caractère et conduisant les politiques. On dira bien entendu que tout cela existait depuis longtemps, et notamment depuis 1967 et l’existence des “territoires occupés”. Mais jamais, ni la gravité ni l’intensité du drame, ni l’importance des moyens n’ont été aussi grandes ; et tout cela se retrouvant justement dans cette période de notre époque, à cause de ce qu’est “notre période”... “Notre période” effectivement apocalyptique, plongée dans un terrible chaos qui va au cœur des choses en n’écartant rien de tous les malaises, – la situation d’énorme crise intérieure d’Israël a joué son rôle, – avec les grandes forces dominantes qui agonisent tandis que des forces  nouvelles, formées différemment, apparaissent. Cette conjonction des forces telluriques et des psychologies, et d’ailleurs les secondes exacerbées par les premières, en permettant des drames d’une incroyable violence, ouvre la voie à l’hypothèse de violences plus terribles encore.

C’est dans ce cas, bien entendu, si ces mécanismes psychologiques fonctionnent comme on les décrit alors avec ce lien entre l’individuel et le collectif, que la GrandeCrise continue et accélère sa marche, qu’on peut alors attendre, – craindre ou deviner c’est selon, – une dimension politique nouvelle. Dans ce cas (bis), la “guerre” Hamas-Israël a sa place légitime à côté de la crise ukrainienne, et elle est faite pour durer selon une essence différente des conflits de la sorte qui précédèrent, selon une essence nouvelle accordée à la GrandeCrise.

Urgence de Mister-Z

C’est bien le sens (une “essence nouvelle”), mais à sa manière à lui, que Zelenski voudrait voir accepter unanimement, de façon à inclure l’Ukraine dans le concert d’attentions et de dénonciation dont est l’objet la “guerre” Hamas-Israël. Pour cela, Mister Z a fait hier une visite impromptue à l’OTAN et entend affirmer que le véritable instigatrice de l’attaque contre Israël est la Russie manipulatrice du Hamas. Cette étrange théorie est reprise ici et là, selon les opportunités, mais vraiment sans convaincre personne. Zelenski a compris qu’à ce rythme de l’image et de la communication, la catastrophe du Moyen-Orient allait, – si ce n’est déjà fait, – balayer le simulacre zélenskiste... D’où ses bonnes paroles, comme d’une urgence désespérée :

« “Si l'attention internationale se détourne de l'Ukraine, d'une manière ou d'une autre, cela aura des conséquences”, a averti le dirigeant ukrainien dans une interview accordée à France 2 mardi.

» “Le sort de l'Ukraine dépend de l'unité du reste du monde”, a-t-il ajouté, exprimant l'espoir que Washington lui garantisse une assistance continue.

» Zelenski était en visite en Roumanie mardi, où il a rencontré le Premier ministre Marcel Ciolacu. Lors d'une conférence de presse commune, le président a réaffirmé que Moscou était responsable de l'attentat perpétré par le mouvement militant palestinien.

» La Russie "a aidé le Hamas et est derrière le Hamas", a-t-il proclamé sans fournir de preuves spécifiques, se référant plutôt à des "signaux" sur les médias sociaux.

» Plus tôt dans la semaine, Zelenski a déclaré que, selon les services de renseignement ukrainiens, la Russie était “intéressée par le déclenchement d'une guerre au Moyen-Orient” afin de “saper l'unité mondiale” et de “détruire la liberté en Europe”.

» La porte-parole du ministère russe des affaires étrangères, Maria Zakharova, s'est moquée des remarques de Zelenski, suggérant qu'elles étaient peut-être dues à un abus de substances. opioïdes. »

Là-dessus et d’une façon appropriée, c’est-à-dire sans nommer le propriétaire du label “Russie-manipulatrice-du-Hamas”, l’ambassadeur d’Israël répond à quelques questions du journal ‘Komersant’ à propos de ce montage. Ben Zvi se montre extrêmement affirmatif, reflétant les liens entre la Russie et Israël que Poutine et Netanyahou ont entretenus depuis des années malgré leurs diverses divergences.

« Il a été demandé à M. Ben Zvi de commenter les allégations formulées contre la Russie sur les réseaux sociaux et par un certain nombre de médias, selon lesquelles la Russie pourrait être impliquée dans l'attaque et que la situation à Gaza est bénéfique pour Moscou, car elle est censée détourner l'attention de Washington de l'Ukraine.

» L'ambassadeur a réagi en qualifiant ces allégations de “complètement absurdes”.

» “Premièrement, nous ne pensons pas que la Russie soit impliquée de quelque manière que ce soit dans cette affaire”, a déclaré M. Ben Zvi. “Deuxièmement, ceux qui pensent que les États-Unis devront réorienter des ressources importantes vers Israël se trompent lourdement”, a-t-il ajouté, notant que les États-Unis sont un partenaire stratégique et qu'ils continueront à lui fournir des armes.

» “La Russie le comprend. Toutes les affirmations susmentionnées relèvent donc de la pure conspiration”, a déclaré l'ambassadeur. »

Pour Israël, un Zelenski ne vaut pas un Poutine. Là, c’est sûr, il y a différence d’essences.

 

Mis en ligne le 11 octobre 2023 à 17H15