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678Que se passera-t-il lorsque l'Iran engagera des troupes au sol (boots on the ground) en Syrie pour soutenir Bachar al Assad. Le principe en avait été retenu il y a quelques semaines, autant que l'on sache, lors de réunions des représentants de la coalition montée par Vladimir Poutine, c'est-à-dire la Russie, l'Iran, l'Irak et de la Syrie, sans mentionner le Hezbollah.
Depuis lors, l'Iran a engagé quelques militaires aux côtés des troupes syriennes loyalistes (Un général iranien a d'ailleurs récemment été tué dans un engagement avec Daesh). Mais il ne s'agissait que de détachements exploratoires. Pendant ce temps là, comme on le sait, la Russie a déclenché des tirs aériens et maritimes contre Daesh, en soutien d'une offensive présentée comme importante menée par les troupes de Bachar al Assad pour récupérer les terrains perdus depuis un an.
Tout ceci cependant ne suffit manifestement pas à arrêter Daesh, qui poursuit ses offensives et se rapproche de Damas. Les Russes manifestement ne veulent pas engager d'effectifs terrestres, en dehors de quelques conseillers militaires. On le comprend. Ils refusent de courir le risque d'un enlisement tel qu'autrefois subi par l'URSS en Afghanistan. L'intervention d'importants moyens iraniens est donc indispensable. Mais l'on sait bien à Téhéran que cela changera radicalement la façon dont l'Iran est perçu, tant à Washington que par les régimes arabes du Golfe et à Israël. Tous y verront la concrétisation d'un axe chiite risquant de s'opposer directement aux intérêts américains, israéliens et sunnites.
Les troupes iraniennes en Syrie, surtout si elles obtiennent comme prévu d'importants succès, susciteront probablement des réactions éventuellement militaires. Mais les Iraniens disposent d'atouts non négligeables pour se défendre eux-mêmes. Sans compter les six Mig31 russes très modernes apparemment en cours de livraison, ainsi que les batteries de missiles S300 livrés par la Russie et en cours d'installation, elle n'est pas sans moyens aériens propres. Il ne serait pas concevable que, si elle était attaquée, soit dans son espace aérien, soit sur le terrain syrien, elle ne réponde pas. La Russie ne pourra pas à ce moment rester à l'écart. Elle devra, même si elle le fait prudemment, soutenir militairement les effectifs iraniens sur le terrain – selon des formes à déterminer. Quant à l'Iran, se sent-elle prête à faire face aux nombreuses conséquences militaires et diplomatiques en résultant?
On sait que depuis longtemps Israël avait menacé l'Iran de frappes destructrices. Si la nouvelle posture de l'Iran l'inquiète, à tort ou à raison, on ne voit pas pourquoi Tel Aviv n'y refourrerait pas. Aux Etats-Unis, il en sera de même. Les forces politiques très puissantes ayant reproché à Obama d'avoir cédé à l'Iran sur la question du nucléaire retrouveraient toute leur virulence. L'Iran serait incapable de faire face à ce double adversaire. Ceci entrainerait dans le même temps la ruine définitive de Bachar al Assad, privé de tout appui sérieux. Ajoutons qu'en conséquence de tout cela, Daesh retrouverait une nouvelle vigueur en profitant du désordre général qui s'installerait.
L'avenir quoiqu'il arrive apparaît donc extrêmement complexe, sinon noir. Pourrait-on compter sur des interventions d'urgence du Conseil de Sécurité, voire de l'Union européenne, pour calmer le jeu?
Il semble pourtant évident que si les Etats-Unis et la Russie s'entendaient dès maintenant pour envoyer suffisamment de troupes au sol pour éliminer Daesh, sans chercher à renverser Bachar al Assad, les évènements prendraient une autre tournure. La Syrie ne deviendrait pas l'Afghanistan. L'affaire pourrait être réglée assez vite. La Russie a déjà fait part de sa volonté de coopérer militairement avec l'Occident de nombreuses façons. Elle semble de bonne foi. Mais la volonté de détruire Poutine est si forte à Washington que les Etats-Unis refuseront cette coopération, quel que soit le prix que devra en payer le reste du monde.