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4423Une évolution qui n’est faite pour étonner personne, mais qui a toute son importance dans la mesure où il semble qu’elle soit actée par le Pentagone et devienne le nouveau mantra des conceptions guerrières aux USA, – au moins pour quelques mois, le temps que la flotte de porte-avions soit débarrassée de ses embarrassants grouopes embaerqués de Covid19. Il s’agit d’un nouveau “type” de guerre (“Guerre Psychologique en Ligne”) et c’est ce que nous présente Alan Macleod dans l’article de lui que ne reproduisons ci-dessous en adaptation française.
Il faut signaler qu’on n’a jamais changé autant de conceptions de la guerre que depuis le 11-septembre (2001), entre la Grande Guerre contre la Terreur (Great War On Terror, ou GWOT) de l’origine et la toute-neuve “Guerre Psychologique en ligne”, plus aisément dite “Guerre En Ligne” (GEL, et pourquoi pas WOL [War On Line], sinon GOL en mélangeant les deux, à l’invitation du titre : “Guerre On Line”). La nouveauté du “concept” tient en effet dans le “On Line” (sur internet, “sur la Toile”), la “Guerre Psychologique” ayant existé à peu près de tout temps et dans toutes les circonstances.
C’est justement ce dernier point qui est le plus intéressant, et qui justifie de parler de WOL. La guerre psychologique ayant existé de tous temps, on signifie par là qu’elle s’est greffée en s’y adaptant à chaque nouveau type de guerre. Cette fois, le domaine envisagé (le système de la communication du point de vue de son contenu) est d’une telle importance que la “guerre psychologique”, jusqu’alors complémentaire, devient centrale à un point où l’on pourrait envisager qu’elle pourrait se suffire à elle-même si la guerre pouvait effectivement être réduite à un simulacre.
Le “On Line” est évidemment capital parce qu’il tend à bien séparer ce nouveau concept de ce qui est classiquement connue comme la guerre électronique, ou cyberguerre, auquel on pourrait être tenté de l’assimiler. La cyberguerre est en cours depuis longtemps, comme on en a souvent l’écho : c’est une guerre électronique, essentiellement technique, qui s’attaque aux moyens électroniques adverses et non à la psychologie, à la culture... Non, il s’agit bien d’un concept de guerre passant par les moyens de communication de l’information, du commentaire, etc., c’est-à-dire avec une dimension culturelle évidente qui a tant de liens avec la culture.
Macleod rappelle d’ailleurs un précédent qu’il offre comme référence : « Une tactique assez similaire avait été utilisée pendant la première guerre froide contre l'Union soviétique, où la CIA avait parrainé un énorme réseau d’artistes, d’écrivains et de penseurs pour promouvoir des critiques libérales et sociales-démocrates de l'URSS, à l'insu du public et, parfois, des artistes eux-mêmes. »
Il s’agissait d’une vaste opération qui fut montée par la CIA autour de la création en 1950 et du développement du Congrès pour la Liberté de la Culture(CLC), structure culturelle anticommuniste à laquelle participèrent de très nombreux intellectuels, d’Arthur Koestler à Raymond Aron, à Denis de Rougemont. Bien entendu, le CLC n’était qu’un aspect de cette guerre culturelle que livra la CIA, et c’est l’ensemble de la culture qui fut touché plus ou moins profondément par l’entreprise.
(Il a été mis en évidence qu’un fort soutien fut apporté par la CIA à la peinture abstraite et moderne aux USA, dans le sens où ces courants modernistes pouvant prétendre illustrer la liberté et l’audace de la création propres à l’Occident, contre l’enrégimentation des arts et de la culture sous le régime communiste. Au reste, certains des chefs de la CIA, où le niveau a fortement décliné depuis, pouvaient prétendre à un statut culturel affirmée ; tel le chef des contre-espions de l’Agence jusqu’en 1974, le fameux James Angleton, qui dirigeait avant la guerre de 1939, une revue universitaire de poésie où il publia notamment Ezra Pound, – ce qui ne l’empêcha pas de laisser à la CIA un souvenir de paranoïaque voyant des espions infiltrés partout dans les couloirs de Langley. On peut consulter sur ce site deux textes sur le livre fameux de Frances Stonor Saunders, Qui mène la danse ? [Who Paid the Piper ?], qui est la référence centrale pour la description et la compréhension de ce phénomène de la “guerre culturelle de la CIA”, ou “guerre culturelle froide” : le 30 décembre 2001et le 12 juillet 2003.)
Bien entendu, on doutera grandement que les USA actuels, – Pentagone et CIA réunis, – puissent arriver à un niveau culturel de compréhension de la Chine, leur permettant de conduire une “guerre culturelle” efficace et convaincante se rapprochant de celle qui fut conduite de la fin des années quarante au milieu des années soixante, et que décrit Saunders. Ceux d’aujourd’hui sont en général meilleur avec des conteneurs de billets de $100. Mais cet aspect de la capacité d’accomplissement de la guerre culturelle est finalement assez secondaire, dans tous les cas chronologiquement, car il nous semble qu’une telle entreprise mettra du temps à se concrétiser, si elle se concrétise, si le temps lui est laissé de le faire.
Ce qui est par contre tout à fait remarquable, et immédiatement remarquable, c’est que cette évolution, qui porte un potentiel révolutionnaire dans l’idée de “simulacre de guerre” contre guerre réelle, se produise aujourd’hui. Bien entendu, c’est remarquable mais ce n’est ni surprenant ni inattendu.
Depuis 2014 et surtout depuis 2015-2016, la “politique étrangère” (?) des USA a évolué radicalement sous l’impulsion d’une créature de télé-réalité travaillant au tweet, The-Donald évidemment, et imposant cette forme de fonctionnement à toutes les structures de la puissance politique à Washington D.C. devenant ainsi “D.C.-la-folle”. Plus encore, mieux encore ou pire, la politique intérieure est devenue elle-même une guerre, là d’ores et déjà “Guerre Psychologique On Line” au sein de laquelle des simulacres complets se sont développés. Le principal d’entre eux, le plus célèbre, a été évidemmebnt le Russiagate, ce montage faisant de Trump un agent ou une marionnette de la Russie, ce qui impliquait la nécessité d’un durcissement extrême et durable des USA vis-à-vis de la Russie (durcissement déjà commencé et en bon chemin avec la Syrie et l’Ukraine, où les simulacres abondent également).
Aujourd’hui, on enchaîne avec le Chinagate/Covid19, cette fois dessiné par Trump lui-même, et qui devient effectivement une référence pour le Pentagone, jusqu’à suggérer aux militaires, pour qu’ils ne sentent pas trop inutiles, d’en faire une stratégie qui sera tout à fait tendance. Comme écrit le Financial Times, ce n’est plus « une troisième guerre mondiale[mais plutôt] “des coups de pied en vache sous la table” ».
La perspective apparaît à la fois sérieuse, et à la fois comme le moteur d’une réaction d’hilarité irrésistible quand on songe à la lourdeur, à la fermeture d’esprit, à la stupidité de l’ensemble de sécurité nationale, et notamment du Pentagone, – tout cela, complètement à l’image du Système. Toujours et encore, – tragédie-bouffe.
Alan Macleod a écrit son article pour MintPressce 19 mai 2020. Le titre original est « US Military Planners Advise Expanded Online Psychological Warfare against China » et l’on nous avertit en sous-titre que les citoyens américains, qui aimaient la Chine en très forte majorité, ne l’aime plus du tout à 66% des réponses. C’est ce que Chomsky nommait “la fabrique du consentement”.
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Alors que l'armée américaine détourne son attention du Moyen-Orient pour se concentrer sur le conflit avec la Russie et la Chine, les planificateurs de guerre américains conseillent aux États-Unis de développer considérablement leurs propres “opérations psychologiques en ligne”, contre Pékin.
Un nouveau rapport du Financial Times détaille comment les hauts responsables de Washington élaborent une nouvelle stratégie de guerre froide avec la Chine, la décrivant moins comme une troisième guerre mondiale et plus comme “des coups de pied en vache sous la table”. La semaine dernière, le général Richard Clarke, chef du commandement des opérations spéciales, a déclaré que les “missions capturer-tuer” menées par l'armée en Afghanistan étaient inappropriées pour ce nouveau conflit, et que les opérations spéciales devaient plutôt s'orienter vers des campagnes de cyber-influence.
L'analyste militaire David Maxwell, lui-même ancien soldat des opérations spéciales, a plaidé en faveur d'une guerre culturelle généralisée, qui inclurait par exemple la commande par le Pentagone de ce qu’il a appelé des romans de politique-fiction d’un “Tom Clancy taïwanais”, destinés à diaboliser la Chine et à démoraliser ses citoyens. Maxwell estime également Washington devrait faire une arme de la politique de l'enfant unique de la Chine en bombardant les Chinois d’histoires sur la mort de leurs seuls enfants en temps de guerre, et donc de leur lignée.
Une tactique assez similaire avait été utilisée pendant la première guerre froide contre l'Union soviétique, où la CIA avait parrainé un énorme réseau d’artistes, d’écrivains et de penseurs pour promouvoir des critiques libérales et sociales-démocrates de l'URSS, à l'insu du public et, parfois, des artistes eux-mêmes.
De nouveaux sondages montrent que les Américains souhaitent ardemment des représailles contre la Chine pour la façon dont elle a géré l'épidémie de coronavirus.
En l'espace de quelques mois seulement, l'administration Trump est passée des éloges sur la réponse de la Chine à la pandémie de COVID-19 à l’accusation de l’avoir favorisée sinon “fabriquée”, allant jusqu’à suggérer de faire payer par les Chinois des réparations pour leur prétendue négligence. Il y a seulement trois ans, les Américains avaient une opinion neutre de la Chine (et il y a neuf ans, elle était fortement favorable). Aujourd'hui, les même sondages montrent que 66 % des Américains n'aiment pas la Chine, et que seuls 26 % ont une opinion positive de ce pays. Plus de quatre personnes sur cinq sont essentiellement favorables à une guerre économique à grande échelle avec Pékin, que le président a menacé de décréter la semaine dernière.
La [presseSystème] fait certainement sa part aussi, en présentant constamment la Chine comme une menace totalitaire pour les États-Unis, plutôt que comme une force neutre ou même un allié potentiel, ce qui entraîne une recrudescence des attaques racistes contre les Chinois dans le pays.
Bien que les analystes avertissent depuis longtemps que les États-Unis se font “mettre une branlée” dans des simulations de guerre conventionnelle avec la Chine ou même la Russie, il est difficile de déterminer s’il s'agit d’une évaluation honnête ou d’une tentative indirecte et intéressée de faire augmenter les dépenses militaires. En 2002, les États-Unis avaient mené une simulation d’une invasion ede l'Irak, où ils semblaient devoir être battus de façon catastrophique par le lieutenant général Paul Van Riper, commandant des forces irakiennes, ce qui a conduit à l’annulation de l’exercice à mi-parcours. Pourtant, l'invasion qui a suivi s'est déroulée sans perte massive de vies américaines.
La demande de budget du Pentagone pour 2021, récemment publiée, indique clairement que les États-Unis se préparent à une éventuelle guerre intercontinentale avec la Chine et/ou la Russie. Il demande 705 milliards de dollars pour “déplacer la priorité des guerres du type Irak et Afghanistan et mettre l’accent sur les types d'armes qui pourraient être utilisées pour affronter des géants nucléaires comme la Russie et la Chine”, notant qu'il faut “des systèmes d'armes haut de gamme plus avancés, qui permettent une plus grande distance d’intervention, une plus grande létalité en même temps qu’une capacité de ciblage autonome contre des menaces proches dans un environnement plus contesté”. L'armée a récemment reçu le premier lot d’ogives nucléaires à faible capacités qui, de l’avis des experts, brouille la ligne de séparation entre les conflits conventionnels et nucléaires, rendant la possibilité du second beaucoup plus probable.
Le Pentagone est en train de modifier sa stratégie, son budget et son arsenal pour se concentrer sur une confrontation avec la Russie et la Chine, écrit Darius Shahtahmasebi.
Il n'y a pas eu de véritable fre inage de la part des démocrates. En effet, l'équipe de Joe Biden a suggéré que toute la politique industrielle des Etats-Unis devrait tourner autour de la “concurrence avec la Chine” et que la “première priorité” est de faire face à la menace supposée que représente Pékin. L’ancien vice-président a également attaqué Trump sur sa droite à propos de la Chine, essayant de le présenter comme une marionnette de Pékin de la même façon que Clinton l’avait dépeint en 2016 comme une marionnette du Kremlin..
Les voix qui s'inquiètent d'une nouvelle course à l'armement sont peu nombreuses. Le candidat à la présidence des Verts, Howie Hawkins, a promis de réduire le budget militaire de 75 % et de désarmer unilatéralement. Andrew Feinstein, un militant chevronné de la lutte contre la prolifération, explique :
« Nos gouvernements dépensent plus de $1 750 milliards chaque année pour les guerres, les armes, les conflits... Si nous pouvions déployer ce genre de ressources pour faire face à la crise du coronavirus que nous vivons actuellement, imaginez ce que nous pourrions faire. Imaginez comment nous pourrions lutter contre la crise climatique, comment nous pourrions nous attaquer à la pauvreté et aux inégalités dans le monde. Notre priorité ne devrait jamais être la guerre ; notre priorité devrait être la santé publique, l'environnement et le bien-être de l'homme. »
Si le gouvernement doit lancer une nouvelle guerre psychologique contre la Chine, il est bien entendu peu probable que des voix anti-guerre comme celle de Feinstein soient très présentes dans la presse grand public.