Trump à la baston

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Trump à la baston

Alors que le processus de l’instruction de la mise en accusation par la commission judiciaire de la Chambre est en pleine vitesse (deux semaines d’audition) et approche de son terme, alors que nous subissons de plein fouet ce phénomène dans la situation désormais connue et bien identifiéede la « Solitude cognitive du citoyen », – c’est-à-dire à peu près tous et nous-mêmes, notamment à dedefensa.org, n’y comprenant rien précisément et d’une façon objective sur la raisin d’être et l’orientation de ce processus... Raison de plus, bien entendu, pour expliquer à nos lecteurs, et sur un ton assuré qui implique que personne ne pourra nous imposer la moindre réalité impérative que de toutes les façons plus personne ne parvient à saisir, ce qu’il pourrait bien et probablement se passer derrière notre complète incompréhension. Tout cela constitue après tout le modus operandi standard de l’aventure inédite du commentaire politique de cette étrange époque.

Trump, au contraire, s’il se fiche bien de comprendre quelque chose, disons des faits et de la vérité-de-situation, comprend parfaitement ce qu’il a décidé de faire. Il montre désormais une volonté affichée et proclamée d’en découdre au cours du procès devant le Sénat qui pourrait avoir lieu si la mise en accusation était votée comme cela semble probable. En effet, il proclame bien haut qu’il est nécessaire qu’il y ait un procès sur sa destitution, et avec le Sénat pour juge, à partir de la probable mise en accusation de la Chambre. Si donc, comme dit plus haut, il n’est pas assuré qu’il en comprenne plus que nous sur l’instruction et l’orientation de l’enquête, son idée est très fortement affirmée : la baston.

Dans une interview téléphonique à Fox News, Trump a affirmé qu’il préférait un procès à un rejet pur et simple de la mise en accusation qui peut être voté à la volonté de la majorité républicaine du Sénat, coupant court à toute autre procédure. Trump dit au contrairequ’il veut un procès au cours duquel il entend bien que d’importants témoignages polémiques de différents acteurs de la mise en accusation soient réalisées pour mettre den lumière les véritables raisons et objectifs de ce processus. 

(Il n’est même pas exclu qu’il ne réclame pas de gémoigner lui-même lors du procès qu’il appelle de ses voeux. A notre sens, cela lui correspondrait tellement bien : la baston devant les cent sénateurs et les USA fascinés, lui-même au centre d’un événement sans précédent, lui-même devenant événement sans précédent. Narcisse ne pourrait rêver mieux.)

« “Je veux un procès”, a dit le président. “Je veux entendre Adam Schiff témoigner au sujet du lanceur d’alerte, – qui est un faux lanceur d’alerte”, a-t-il poursuivi, faisant référence au lanceur d’alerte de la communauté du renseignement dont le rapport sur un appel téléphonique entre Trump et le président ukrainien Volodymyr Zelensky a lancé la campagne de destitution contre lui.
» Qualifiant Adam Schiff, le président du House Intelligence Committee, de “dingue”, Trump a ajouté : “Celui que je veux le plus entendre témoigner, c’est Shifty Schiff... et ce que je veux le plus savoir, c'est pourquoi il a falsifié ma déclaration.”
» Trump a également reproché à M. Schiff d'avoir tenu des audiences de destitution avec des témoins de deuxième et de troisième main qui n'ont jusqu'à présent pas fourni de preuves concrètes que le président avait conclu un accord à l'amiable qui pro quo avec le président ukrainien Zelensky. Les démocrates allèguent que Trump a retenu l'aide militaire à l'Ukraine en échange de la réouverture par Kiev d'une enquête pour corruption contre la famille du candidat Joe Biden, en 2020.
» Trump a également dit qu'il aimerait entendre Hunter Biden, le fils du vice-président Joe Biden, témoigner devant le Sénat. Hunter Biden a siégé au conseil d'administration de la société énergétique ukrainienne Burisma de 2015 à 2019, un poste pour lequel il n'était pas qualifié, et une rémunération lui a été offert dans le cadre d'un marché de corruption entre son père et Kiev. »

Il semble maintenant que c’est en janvier 2020 que la mise en accusation viendrait devant le Sénat, et non début décembre comme certains l’avaient envisagé. Ce retard est du bien entendu à l’atmosphère électrique de polémique, à l’abondance des témoignages qui ont surtout comme résultats de rendre la mise en accusation plus confuse d’une part, d’autre part d’exacerber l’hostilité et la tension entre démocrates et républicains, avec notamment le radicalisme du président de la commission de renseignement de la Chambre Adam Schiff conduisant à un radicalisme antithétique des républicains.

L’attitude de Trump semble loin d’être une initiative personnelle lancée sur une impulsion du type-tweeté, toujours soumise aux possibilités de sautes de l’humeur et des foucades du président, mais une stratégie d’ores et déjà élaborée. Une délégation de sénateurs républicains a rencontré l’équipe juridique et politique de la Maison-Blanche qui gère le dossier et il y a bien une volonté d’un procès destiné à mettre en pièces la mise en accusation des démocrates. Trump veut donc renverser le sens du procès : non plus le procès de Trump mais le procès des démocrates. ZeroHedge.com :

« Jeudi matin, un groupe de sénateurs républicains a rencontré Pat Cipollone, Kellyanne Conway, Jared Kushner et Mick Mulvaney, conseillers juridiques de la Maison-Blanche, pour discuter de la stratégie d'un éventuel procès devant le Sénat qui aurait probablement lieu en janvier, selon Politico.
» “Deux participants ont déclaré que la Maison-Blanche souhaitait que le Sénat tienne un procès d'une certaine durée et ne rejette pas immédiatement tout article de destitution avec la majorité du GOP, comme certains républicains l'ont suggéré.
» “Les alliés de la Maison-Blanche et du GOP de Trump ont plutôt décidé qu'ils voulaient une défense affirmative factuelle sur le fond, a déclaré un participant.
» “Un participant a fait remarquer que la Maison-Blanche veut montrer son engagement envers l'application régulière de la loi, d'autant plus que les républicains ont critiqué les démocrates de la Chambre pour la façon dont ils ont mené leurs procédures de destitution. [...]
» “Un fonctionnaire de la Maison-Blanche a déclaré que la réunion ‘ne portait pas tant sur les détails que sur la faiblesse de la position des démocrates, et nous voulons montrer à quel point cette position est faible’”. »

On peut dire, après deux semaines d’audience de la commission chargée d’instruire le dossier à charge, que plus personne ne comprend exactement où on en est du point de vue du fond de cette mise en accusation ; les uns interprètent le résultat de ces auditions comme la confirmation de la culpabilité de Trump, les autres comme la confirmation de la faiblesse du dossier des démocrates et de leur intention de détruire Trump par tous les montages possibles. Bien entendu, de ce point de vue on identifie aisément qui est qui, quelles sont les forces qui s’affrontent, et le fait que le dossier de la destitution n’est qu’un outil pour cet affrontement. N’apparaissent évidentes dans cet imbroglio que la volonté forcenée des démocrates, menés par Adam Schiff, de détruire Trump, et la radicalisation de Trump dans sa volonté non seulement de se défendre mais de contre-attaquer vigoureusement les démocrates, – éventuellement pour les détruire, selon le principe du qui pro quo.

Certains qui, eux, prétendent comprendre, – à cet égard, nul ne peut être critiqué pour un si louable effort, – jugent que cette grande mascarade de la destitution, ce simulacre à l’échelle d’une hyperpuissance complètement ivre de sa démence, a pour véritable cause l’engagement américaniste en Ukraine, et de là la préparation d’un conflit contre la Russie.

Le site  WSWS.org a plusieurs excellents articles à cet égard, qui mériteraient une analyse à part. Pour autant, et même si certains des acteurs de la farce-bouffe ont cela à l’esprit, il nous paraît un peu trop rationnel de réduire la dite-farce à cette seule problématique. Au-dessus règne une extraordinaire sensation d’irrationnel et de complet désintérêt pour le moindre des faits parmi ceux qui sont évoqués. Chacun évolue à sa place dans le simulacre, et force est de reconnaître que les démocrates occupent la place principale, sorte de vernaculi ex machinasi l’on ose dire, sans le moindre souci de véracité, de logique, de légalisme ni rien d’autre de cette sorte. Il est vrai qu’à cette aune, on a vu resurgir le serpent de mer de la vilenie sans retour des Russes, et la nécessité d’aider l’Ukraine dans ce qui pourrait ressembler à un futur conflit avec la Russie.

Il n’est pas sûr que Trump, qui a jusqu’ici pesté d’être ainsi totalement accaparé, donc empêché de traiter sérieusement les affaires courantes, n’ait pas fini par trouver l’occasion excellente d’entrer en plein au milieu de ce cirque, où il devrait bien figurer, pour lancer sa campagne électorale dans les bruits de grosse caisse et de sifflements propres à cette sorte d’activité (le cirque). Il n’est donc pas sûr qu’il ne cherche pas à prolonger cette mascarade au-delà du début des primaires pour que la dite-mascarade pèse de tout son poids, – en sa faveur estimerait-il et espérerait-il, – dans les présidentielles.

Les républicains semblent de moins en moins inclinés à le ralentir ou à lui mesurer leur soutien, devant l’évidence de l’aspect d’une complète usine à gaz qu’a pris cette affaire, au long des auditions, dans le chef des démocrates. Il semble en effet que le soutien à leur président des républicains, eux aussi poussés au radicalisme antagoniste par le radicalisme des démocrates, soit aujourd’hui bien plus ferme qu’il y a un mois, – et eux-mêmes, dont certains ont une campagne électorale personnelle pour 2020, estimant à leur tour qu’ils pourraient den tirer profit.

Pour autant, et d’ailleurs en complète logique avec le caractère incontrôlable de la situation, il est effectivement plus que jamais impossible de dire où tout cela nous amène. La seule chose assurée que l’on puisse proposer est que l’affaire de la destitution est désormais bien ancrée, non pas dans un conflit constitutionnel classique, mais dans ce que Israël Shamir nomme « la guerre civile froide » qui déchire les USA, et particulièrement tous les grands centres du pouvoir du système de l’américanisme, depuis 2015-2016.

 

Mis en ligne le 23 novembre 2019 à 11H55