Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
70821 janvier 2025 (18H45) – Pour un auteur, parlant des ambitions groenlandaises de Trump, on doit solliciter la théorie de “l’homme fou” (sortie du cerveau de Nixon lors des négociations avec le Nord-Vietnam) appliquée en mode-turbo universel. Le diagnostic vaut en vérité pour tout le programme du nouveau président :
« L’ironie de la stratégie de Trump est qu’elle s’appuie sur les récits mêmes des médias qui le présentent comme une menace pour l’ordre mondial occidental. En exploitant sa réputation de “psychopathe” imprévisible, Trump remodèle l’échiquier mondial d’une manière que ses prédécesseurs n’auraient jamais pu faire.
» L’histoire de l’annexion du Groenland reste peut-être inachevée, mais une chose est claire : la “stratégie du fou” de Donald Trump continue de défier la sagesse conventionnelle, forçant même ses critiques les plus féroces à jouer le jeu. »
Voilà pour le contexte colossal et suprahumain qui jaillit du discours d’investiture de Trump et des deux bonnes centaines d’‘executive orders‘ signé le soir même (Biden déguisé en robot en avait signé 78 sans prendre la peine de les lire ; il s’agissait de battre ce record et ce vieux chicot à plate couture). Pour l’appréciation enthousiaste de l’événement, on a deux plumés prestigieuses qui ne dissimulent rien de leur sentiment.
Douguine d’abord, le philosophe russe créateur de la métaphysique géopolitique :
« Bien sûr, c'est un événement d'importance historique. Je suis étonné de l'inertie de nos experts. C'est-à-dire que quelque chose d'étonnant se passe sous nos yeux. Peut-être que nous pleurerons avec Trump, peut-être que cela entraînera des conséquences très graves pour nous. Trump n'est pas un cadeau. Mais dire que rien ne se passe, que tout se déroule comme prévu, cette idée témoigne du profond provincialisme de la conscience de nos élites. »
Mercouris ensuite, dont on connaît la mesure et l’équilibre du jugement, et qui fait de Trump et de son programme l’équivalent au moins de Franklin Delano Roosevelt (voire Roosevelt + Truman), soit la politique “révolutionnaire” (par rapport à la norme) qui sortit l’Amérique de la catastrophe ontologique de la Grande Dépression :
« C’est un programme très ambitieux et massif que Trump propose pour les premiers mois de sa présidence... Je veux dire que c'est la présidence la plus ambitieuse que les États-Unis aient eu depuis FDR Je veux dire que si Trump est capable de faire toutes ces choses alors nous sommes en train d'envisager une présidence extrêmement révolutionnaire, comparable à la présidence de FDR-Truman des années 30 et 40 et éclipsant je dirais la présidence reaganienne des années 1980.
» C’est un programme massif et extrêmement radical qui attaque toutes les orthodoxies qui ont dominé la politique américaine depuis des décennies. »
Veut-on un bémol de belle importance à ces enthousiasmes-là ? Rien de plus facile, venu du texte d’Alexei Bobtovsk, – « Des gens et des mannequins », – qui montre vraiment une excellente connaissance de l’histoire méga-crisique des USA, et de Roosevelt justement, figurant comme le plus grand dompteur de crise (jusqu’à Trump ?) de l’histoire exceptionnelle de la Grande République :
« Franklin Roosevelt, avec son “New Deal”, a battu Herbert Hoover de manière convaincante aux élections. Car les États-Unis n’ont jamais connu une situation aussi terrifiante que celle de Hoover – la Grande Dépression.
» Mais Roosevelt n’a pas pu vraiment se retourner avant le début des années 1940. Déjà dans les premières années de son règne, il a failli tomber dans une conspiration. Le grand capital a eu un bon débouché – la participation à l’industrialisation de l’URSS et la suppression des barrières dans la collaboration avec l’Allemagne. Cependant, les États-Unis n’ont commencé à s’engager sur la trajectoire d’une croissance régulière qu’en 1942.
» A l’intérieur des États-Unis, Roosevelt “coupait les pattes” du Département d’État, de l’armée et des services de renseignement de haut niveau. À l’automne 1941, le Département d’État a presque ouvertement saboté son ordre d’aider l’URSS. Les services de renseignement, représentés par Dulles, était en contact avec le Troisième Reich depuis 1943, jouant leur propre jeu. Pendant deux ans, l’armée américaine, avec les Britanniques, a retardé autant qu’elle le pouvait l’ouverture du deuxième front.
» Roosevelt a accordé à l'URSS un prêt de 10 milliards de dollars pour la reconstruction après la guerre. Le Département d'État et Truman ont tout annulé la première semaine après sa mort. Malgré la grave maladie de Roosevelt, il existe une version complotiste selon laquelle les services de renseignement américains ont éliminé le président. »
Qu’importe ! Ce qui est historique dans tel segment de temps le reste et prend sa dimension métahistorique. Il en est ainsi de ce jour où Trump a prêté serment comme il en est de FDR durant les premières semaines de sa première présidence où il retint le peuple américain au bord du gouffre.
« La seule chose dont vous devez avoir peur, c’est de la peur elle-même. »
Dans les deux cas, un changement collectif fondamental a parcouru l’Amérique. La seule différence est dans cette chose énorme que les deux époques diffèrent absolument...
... En effet, tout cela dit et constaté, il faut observer l’immense différence entre FDR et Trump, qui, certainement, renvoie à la différence dans les époques et à l’inflexion dans la métahistoire qui s’est faite entre les deux. La différence est simple, archi-simple : FDR ne s’attaquait absolument pas au ‘DeepState’, ou ce qui en tenait lieu ; il le protégea tout en sauvant temporairement la population ; le comble est qu’il orienta ensuite toute la politique US vers la création du ‘DeepState’ qu’on connaît aujourd’hui, Truman s’en faisant le législateur avec le National Security Act et la création de la CIA.
Avec Trump, c’est exactement l’inverse parce que cet « océan de narcissisme » (Larry Johnson) n’a pas supporté la façon dont le ‘DeepState’ l’a “eu” en 2016-2020, jusqu’à la pseudo-émeute du 6 janvier 2021 (dont il amnistie en tant que président 1 500 personnes emprisonnées depuis dans des conditions épouvantables, comme seuls le ‘DeepState’ et les USA savent faire dans l’usage de leurs prisons).
Ainsi l’exclamation de Mercouris va-t-elle vers l’annonce la plus symbolique fait par Trump dans son discours, une annonce qui ressuscite des années d’imposture et de vilenie :
« [...Ce qu’il a dit sur] la politique étrangère est très intéressant mais c'est l'agenda intérieur qui est à certains égards le plus, euh le plus stupéfiant parce que c’est une attaque directe contre l'État profond
» Je veux dire qu’en ordonnant la déclassification des documents RFK [John Kennedy] et MLK [Martin Luther King], il pose un acte stupéfiant. C’est quelque chose auquel les différentes agences du renseignement américain ont résisté de manière constante depuis les années 1960...
» Maintenant, gardez à l'esprit que JFK a été assassiné en 1963, nous sommes maintenant en 2025, et donc qu'est-ce qu’il y a de si sensible dans des documents maintenant si vieux ! Donc, de toute façon je veux dire que c'est très intéressant pour quelqu'un qui a étudié l'histoire. Je serais très intéressé de voir ce que ces documents montrent de quelle façon Trump va directement à l'encontre de ce que fait l’État profond. »
Inutile de nous attarder à des hypothèses à propos de quelque chose (l’assassinat par les protecteurs de la sécurité américaniste) dont une grande majorité en Amérique est convaincue avec entrain et constance. Mais comme le remarque encore Mercouris : « Ce sera une autre affaire si on dispose brusquement de la preuve concrète et officielle ! »
C’est là qu’est en effet l’essentiel de cette simple décision par rapport au torrent que Trump a déclenché hier : l’assassinat de JFK est un symbole d’une immense puissance, dépassant le rôle et la valeur de ce président, sa politique, les diverses intrigues. L’acteur Robert Redford disait que Dallas était le marqueur fondamental de « la fin de l’innocence » de l’Amérique. Et c’est Trump, haï par toute cette caste progressiste dont Redford fait ou fit partie, qui vient nous servir sur un plateau les documents de l’infamie.
En plus de cet acte symbolique dont on peut apprécier l’importance sans nul doute, on a entendu et décompté hier des dizaines et des dizaines d’‘executive orders’ dont tous mettent en cause, d’une façon ou l’autre, les intérêts et les politiques du ‘DeepState’. (Notamment, le retrait de l’accès aux documents secrets pour 51 officiers du renseignement de haut rang pour avoir signé une pétition faussaire impliquant Trump à propos du grossier scandale de l’ordinateur du fils de Biden.) Désormais, cela ne fait plus aucun doute : Trump lance tout son poids dans une bataille d’anéantissement contre le ‘DeepState’, en s’interdisant la moindre possibilité de reculer. C’est-à-dire qu’aujourd’hui on entre “dans le dur”, à visages découverts, avec désormais deux partis constitués (rien à voir avec le simulacre démocrates-républicains), engagés dans une lutte à mort.
Des deux, Trump, – ou appelons-le l’antiSystème selon l’entendement que nous mettons dans cette expression, et avec l’avalanche de réserves qui concernent Trump, – a pris l’avantage car lui seul renforce sa position en se montrant à visage découvert alors qu’il est désormais constitué comme le pouvoir suprême. Décisif, ce renforcement ? Il faudrait que le ‘DeepState’ (disons le Système, pour les amis) soit mort ou dans tous les cas à l’agonie pour ne pas riposter, pour laisser faire ; et il faudrait également que nous sachions pourquoi nous nous battons en luttant contre lui, ce que nous détruisons en le détruisant.
Quelques-uns, – je ne sais si l’on peut vraiment les nommer les ‘Happy Few’, – peuvent avoir quelques idées à ce propos et comprendre que rien ne justifie d’épargner le pire des sorts à ce Système du Diable ; les autres n’en savent pas grand’chose sinon de se laisser guider par une colère venue d’on ne sait où. Comme nous sommes en Amérique et que ce pays brûle depuis si longtemps d’un nouvel affrontement, je pense qu’à moins d’une victoire décisive de Trump, – sans qu’on sache si lui-même saura quoi en faire, là aussi blocage des esprits, – la guerre civile n’est plus très loin. Et après ? dirait-on, tout en sachant qu’il s’agit d’une question bien vaine et inutile : après, d’autres nous prendront en charge.
Ainsi Trump rencontre-t-il son destin. Cet « océan de narcissisme » est devenu un outil, un instrument d’événements extraordinaires. J’ignore si c’est ce que le narcissique espérait précisément et j’aurais tendance à croire plutôt le contraire, une fois l’ivresse passée, de deviner qu’il n’est qu’un instrument. Il ignore sans doute qu’avec Dieu, on n’a rien sans rien. La main divine lui a fait tourner la tête au moment où la balle allait lui faire exploser le crâne, mais ce n’est pas pour qu’il puisse n’en faire qu’à sa tête après avoir emporté une victoire si colossale qu’elle a stupéfait le monde. Il en est là pour suivre un destin dont il ne sait rien en vérité. MAGA, ce n’est pas une formulation suffisante pour satisfaire les arrangements divins... C’est qu’on pense haut, Là-Haut.