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4154La visite-surprise et spectaculaire de Trump à la frontière de la Corée du Nord, avec quelques pas historiques en Corée du Nord au côté de Kim Jong-un, constitue, selon The Guardian, bien plus qu’un simple “coup de communication”. (Une heure de conversation avec Kim, relançant le processus de dénucléarisation bloqué depuis le sommet de Hanoï, ce n’est plus seulement de la communication.) A cette première précision s’en ajoute une seconde, très significative : alors que Kim et Trump ont donc parlé sérieusement, Bolton était absent pour un déplacement du type sauve-la-face dont on imagine l’importance, à Oulam-Bator en Mongolie, alors que Tucker Carlson, de FoxNews, faisait partie de la suite présidentielle.
(Bolton s’est avéré être, par ses intrigues à la neocon, le premier responsable de l’échec du sommet Trump-Kim de Hanoi, dans un acte que Trump a finalement ressenti, après un long processus d’information finissant par mobiliser sa propre attention, comme une certaine forme de “trahison”. Kim et les Nord-Coréens ont publiquement dénoncé Bolton et précisé qu’ils ne voulaient plus avoir affaire à lui. On observera donc avec un certain intérêt quela très-puissante Amérique du président Trump qui fait trembler le monde s’est inclinéedevant les exigences de Kim, alors que la présence de Bolton était techniquement et politiquement logique sinon nécessaire vues sa position auprès du président et l’implication qu’il a eue dès sa prise de fonction dans le processus ; et surtout enfin, vue son insistance bien connue à vouloir suivre le président dans les importantes affaires extérieures et ainsi le “marquer à la culotte” [le manipuler] dans un sens belliciste-maximaliste.)
Quelques extraits du texte de The Guardian, d’abord sur la visite en général, où l’on voit que Trump fait toutes les concessions nécessaires du point de vue de la communication, notamment en acceptant sans discuter la version nord-coréenne des derniers essais de missiles :
« Il s'est avéré que[cette rencontre] était plus qu'une simple séance de photos pour la seule communication. Donald Trump a non seulement serré la main de Kim Jong-un et est devenu le premier président américain en exercice à faire quelques pas sur le sol de la Corée du Nord, mais il s'est également entretenu pendant une heure avec son homologue dans la zone démilitarisée (DMZ) entre les deux Corée, au lieu de se livrer à l'échange de civilités attendu. Et il y a eu un résultat tangible.
» Les réunions entre les groupes de travail américains et nord-coréens reprendront quatre mois après leur échec lors du sommet de Hanoi en février. Les vraies négociations sont de retour. La question, comme toujours, est de savoir si elles mèneront quelque part.
» Il ne fait aucun doute que les motifs invoqués par M. Trump pour provoquer la réunion, avec un préavis d’un jour, étaient principalement d'ordre électoral. Tout au long de la journée, M. Trump s'est plaint à maintes reprises du fait que la presse ne lui avait pas accordé suffisamment de crédit pour avoir désamorcé les tensions dans la péninsule coréenne.
» Sa propre narrative a pris certaines libertés avec la réalité, omettant de mentionner que les moments les plus dangereux, – l'essai d'une bombe à hydrogène et de missiles balistiques intercontinentaux par la Corée du Nord, et ses propres menaces de “feu et de fureur” contre la Corée du Nord, – se sont tous produits pendant sa première année au pouvoir. Il a insisté sur le fait que tous les essais de missiles nucléaires et balistiques nord-coréens avaient cessé, en déclarant que les essais de missiles à combustible solide à courte portée effectués en mai n'étaient pas des essais réels. Il s'est pas expliqué de cette affirmation. »
Plus loin, on lit ce paragraphe qui paraît sans aucun doute d’une réelle importance sur la situation actuelle de l’entourage de Trump et des orientations du président (ZeroHedge.com, qui reprend cette précision du Guardian, s’attache effectivement à ce point) ; on passera en souriant sur l’assimilation plaisante que le Guardian, qui garde précieusement ses réflexes de simulacre en diabolisation,fait en qualifiant d’“extrême-droite” les conservateurs non-interventionnistes US :
« La réunion de la DMZ avait pour but d'élaborer une narrative [convenant à Trump]. C'est pourquoi John Bolton, le conseiller à la sécurité nationale ultra-faucon, ne se trouvait nulle part dans la délégation ; il avait été envoyé, ou s'était envoyé lui-même, à Oulan-Bator, en Mongolie. La suite officielle américaine comprenait par contre Tucker Carlson, l’animateur-vedette des talk-shows d’information de Fox News, qui est le principal canal d’accès de Trump vers la fraction non-interventionniste de sa base [conservatrice]d’extrême-droite. Des conversations de la onzième heures avec Carlsonauraient persuadé Trump de ne pas lancer de missiles contre l'Iran ce mois-ci, après la destruction d’un drone américain par les Iraniens. »
Ces diverses circonstances, d’un réel intérêt plus pour la scène américaniste que pour les affaires coréennes, – mais c’est le scène américaniste qui importe parce que tout en dépend, – suscite plusieurs remarques. Il s’agit au reste, le plus souvent, de confirmations, mais avec le pouvoir américaniste à “D.C.-la-folle” il n’est pas inutile de vérifier ses informations, sinon ses intuitions.
• Les choix de Trump, notamment pour le domaine essentiel de ses conseillers, ne sont ni dictés, ni réfléchis. Il n’est pas la marionnette qu’on dit de qui l’on pense, mais la créature imprévisible, peu cultivée, agissant sur ses impulsions en général monstrueusement égocentrique (qui ne sont pas toujours fausse, il peut sentir juste), dont l’aliment principal est la publicité qu’il en obtient et les avantages électoraux et démagogiques pour la suite de sa carrière. C’est comme cela qu’il a recruté Bolton, – lequel a su le flatter, flairant la bonne aubaine avec sa moustache avantageuse – et c’est à cette aune qu’il le traite. S’il juge que Bolton le gêne en période pré-électorale, il le jettera comme un vieux Kleenex moustachu et usagé.
• En effet, l’absence de Bolton, pour un déplacement et une rencontre substantielle décidés sur un coup de tête, sans aucun doute sans le consulter (Bolton), mais avec la présence de Tucker Carlson, donc peut-être (sans doute) sur avis de Tucker Carlson, voilà des éléments d’un très grand intérêt. Ils disent que Trump juge désormais, dans la perspective de USA-2020, que la politique non-interventionniste est du meilleur intérêt pour lui. Une dynamique d’accord (sans accord garanti mais qu’importe, on connaît The art of the deal façon-Trump) est une bonne chose pour la séquence USA-2020.
• Il y a donc de fortes chances que ce soit effectivement le fruit de l’influence de Carlson, qui est clairement un conservateur non-interventionniste (proche des paléo-conservateurs et des libertariens). Carlson va-t-il prendre une place prépondérante ? Il est dans tous les cas l’homme idoine pour Trump, pour USA-2020, mais certainement moins facile à manipuler que Bolton dans l’autre sens..
• En effet, USA-2020 pour Trump a désormais de fortes chances de se jouera sur un remix de ses promesses de USA-2016, bien entendu essentiellement dans le domaine où il a déçu et où il est très faiblie : le non-interventionnisme. C’est là qu’entre en jeu l’influence de Tulsi Gabbard du fait de son excellente performance au débat démocrate de mercredi dernier. (On en parle beaucoup dans le système de la communication, pas dans la presseSystème dont Trump se fiche éperdument, mais parmi les plumes antiSystème comme le montre divers articles ; notamment Catline Johnstone, Joaquim Flores [« Les paradigmes se déplacent alors que Tulsi émerge comme victorieuse du débat du parti démocrate, – Le débat présidentiel des démocrates du 26 juin a été stupéfiant par la présentation d’un changement essentiel des paradigmes aux USA »] ; et même Eric Zuesse malgré son pessimisme proverbial [« La seule candidate à la présidence américaine qui n’hésite pas à désigner les guerres extérieures comme des guerres de “regime change” (et elle y est fermement opposée) est Tulsi Gabbard, et elle obtient actuellement le soutien de moins de 1% des démocrates Les Américains, de toute évidence, ne se soucient pas de cette question. Du moins, pas encore. »])
• Il est assez probable que l’excellent résultat de Gabbard a renforcé chez Trump la conscience de la nécessité de renforcera sa position anti-interventionniste, en faisant surgir la possibilité d’une concurrence très dommageable. A l’extrême, si Gabbard ou un candidat démocrate aux positions équivalentes, était dans les élections contre Trump, elle aurait des chances sérieuses d’attirer une partie de son électorat, d’autant plus que Trump n’a nullement tenu ses engagements anti-interventionnistes.
• On comprend ainsi, d’une façon plus générale, qu’il existe une possibilité non négligeable que la question de la politique de sécurité nationale et des conflits extérieurs soit un des débats importants de USA-2020. Selon la même logique, la position isolée et très originale de Tulsi Gabbard, à laquelle il est de bon ton de n’accorder aucune chance, sinon même de reconnaître son existence, se retrouve en position de force à cause de l’émergence d’un tel enjeu.
Mis en ligne le 1erjuillet 2019 à 08H56