Trump-Bibi : un froid polaire

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Trump-Bibi : un froid polaire

13 janvier 2025 (14H50) – Mea Culpa, Mea Maxima Culpa… On connaît la chanson. Pour ce cas, elle me convient sans doute parfaitement, par rapport à ce que je croyais et ce que j’ai écrit dans pour un des aspects abordés dans mon texte d’hier.

J’ai rencontré aujourd’hui quelques éclaircissements d’une de mes sources les plus assurées  qui contredisent une interprétation que j’avais présenté hier. Cela concerne les relations de Trump et de Netanyahou. Je m’étais appuyé sur les déclarations de la commentatrice indienne Palki Sharma pour encore  me laisser aller à ce qu’il reste de ce côté mi-sarcastique mi-dédaigneux du regard que je porte sur Trump... Il est possible qu’il soit devenu vraiment plus sérieux, – vraiment encore plus sérieux que je ne le pense, par rapport à Trump-2016.

J’écrivais donc hier, certes en nuançant mon avis faisant de l’incident du passage de la vidéo du professeur Sachs dénonçant Netanyahou une simple erreur d’inattention de Trump, – mais tout de même en cautionnant cette version :

« Sharma qui note que Trump s’est montré très chaleureux directement ou indirectement pour Israël jusqu’à mercredi, s’interroge sur ce “changement d’attitude” :

» “Que s’est-il passé en 24 heures ? Trump a-t-il complètement change de politique ou bien n’a-t-il pas écouté toute l’intervention puisque le résumé écrit ne mentionne pas cette diatribe contre Netanyahou. Dans les deux cas, ce n’est pas rassurant : soit une politique changeante avec brutalité, soit la mise en ligne de post sans vérification...” »

» Bref, du vrai Trump ; et, je le reconnais, je serais plutôt pour l’erreur de trajectoire. Dès lors, faisons une hypothèse : une manière de rattraper le coup aurait été la violente diatribe du général Kellogg, envoyé spécial de Trump un peu partout dans les crises de la zone, contre l’Iran, ennemi “obsessionnel” de Netanyahou. »

Tout au contraire, nous dit Mercouris dans son programme d’hier soir, le passage de cette vidéo a été voulue par Trump et son équipe parce qu’ils jugent que l’avis extrêmement ferme et dévastateur du professeur Sachs exprime très précisément ce que Trump pense de Netanyahou. Le commentateur gréco-britannique s’attache très longuement (autour de 20 minutes au début du programme) à cette affaire, qu’il lie à l’évolution des tensions entre Israël et l’Iran, brusquement en baisse depuis quelques jours.

Je vous en donne un extrait substantiel pour montrer la minutie et l’assurance du propos. Finalement, il s’agit moins de savoir s’il y a un froid intense entre Trump et Netanyahou que de savoir pourquoi il y a un froid intense jusqu’à en être polaire, – un froid de Groenland aux plus fortes saisons...

« Le président Trump et les autres doivent être extrêmement prudents dans leurs relations avec le premier ministre Netanyahou parce que Netanyahou est beaucoup de choses mais il est aussi très intelligent et extrêmement manipulateur. Si vous donnez l'impression que vous êtes d'accord avec lui sur n'importe quoi, alors vous pouvez vous retrouver dans de sérieux problèmes...

» Je devrais dire au passage que c'est absolument dans l'intérêt de tout le monde d'aller aux commentaires originaux du professeur Sachs pour voir ce qu'il a à dire en général mais de toute façon il se pourrait que ce qui a attiré le président Trump vers les commentaires du professeur Sachs était justement cette caractérisation de Netanyahou... C’est  une vérité objective que le premier ministre Netanyahou peut ainsi être extérieurement très charmant et comme beaucoup de gens qui veulent apparaître comme très charmant, la réalité est qu'il est extrêmement manipulateur comme le disent de nombreux politiciens et dirigeants étrangers. Je pense que c'est peut-être quelque chose que Trump a remarqué, cette caractérisation de Netanyahou par Sachs, et qu'il a voulu publier cette vidéo parce qu’elle lui permettait de dire sans le dire ce qu’il en pense..

» Il se pourrait que tout cela soit un signe que Trump est très en colère contre Netanyahou à cause de la façon dont ce dernier a essayé au cours des deux dernières semaines de l’impliquer indirectement dans une guerre contre l’Iran, ce dont Donald Trump ne veut absolument pas entendre parler en ce moment.

» Il y a maintenant un autre problème possible entre Netanyahou et Trump auquel j'ai vu un certain nombre de personnes faire référence, y compris en Israël même. Il n'y a aucun doute que pendant le premier mandat de Trump, Netanyahou et Trump avaient une relation très amicale, mais je me souviens qu'après les élections de novembre 2020, dont Trump a contesté les résultats, Trump était profondément furieux et s'est apparemment senti trahi par le fait que son ami Netanyahou, le Premier ministre d'Israël, ait félicité Biden pour sa victoire aux élections de novembre 2020. J'ai entendu et j'ai récemment vu dire à plus d'un endroit que depuis lors, Trump n'a pas oublié ni pris à la légère ce qu'il considère comme une trahison. C'est ce qui expliquerait en bonne partie, disent-ils, la froideur actuelle entre les deux hommes.

» Maintenant, j’avoue me sentir un petit peu sceptique devant cette estimation car je pense qu’elle joue trop dans la caricature communément acceptée de Donald Trump, que nous lisons tous les jours dans presque tous les journaux, selon laquelle il est une personnalité égoïste et trop sensible, quelqu'un qui n'oublie jamais une légère rancune et ce genre de choses. Pour mémoire, je n'ai jamais vu de preuve réelle de cela dans les propres actions de Donald Trump. Je veux dire, il a dit diverses choses à propos de diverses personnes qui l'ont trahi. il a souvent exprimé sa colère à leur égard, mais je n'ai jamais eu le sentiment réel de quelqu'un qui garde rancune et qui prépare une vengeance de la façon dont les gens parlent,

» Mais ayant dit cela, j’ajoute que je ne connais pas personnellement pour autant Donald Trump et qu’il est possible qu’il se soit senti profondément trahi... Personnellement, j’espère que ce n’est pas la raison principale de la froideur actuelle bien réelle de ses relations avec Netanyahou, que c’est plutôt le fait que Trump réalise que se lancer dans une guerre contre l’Iran aujourd’hui est une idée épouvantable... »

Et enfin, cette conclusion qui est particulièrement significative par la force de son affirmation. Pour un commentateur aussi modéré dans les propos que l’est Mercouris, aussi attentif à peser tous les termes employés, bref un commentateur aussi attentif aux manières de la diplomatie, le poids de ce que nous dit ici Mercouris est absolument considérable et introduit un élément extrêmement important dans les perspectives de la situation crisique au Moyen-Orient, et sur toute la politique terriblement agressive d’Israël :

« ...[M]ais dans un sens, à ce moment précis, cela n'a pas d'importance. Je pense que nous avons maintenant suffisamment de preuves, certainement, avec la publication par Trump de cette vidéo, qu'il y a tout aussi certainement des tensions entre ces deux hommes, ce qui nous amène à nous demander ce qui va se passer dans les prochaines semaines et les prochains mois. Pour le moment, il semble qu'il y ait eu, de manière assez surprenante, une désescalade des tensions entre Israël et l'Iran dont on a beaucoup parlé [et qui est causée par le durcissement anti-guerre de Trump] »