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31653 décembre 2020 – J’aborde ici un débat en cours depuis 2015, depuis que Trump est apparu sur notre scène du spectacle du simulacre du monde, qui se résume crûment par la question “Quelle est la mission de Trump ?”. Certains pourraient croire qu’on y a déjà répondu, après en avoir souvent et beaucoup débattu, et ils sont fondés de le penser. Moi-même, je n’y ai pas manqué, à bien plus d’une reprises, par exemple lorsque je citai Michael Moore disant en 2016 que Trump était un cocktail-Molotov lancé par le peuple contre Washington : « Et ils voient Donald Trump comme leur cocktail-Molotov humain qu’ils vont pouvoir aller mettre ans l’isoloir le 8 novembre et le jeter dans notre système politique... Je pense qu’ils aiment l’idée de faire sauter le système. »
Cette fois, je voudrais changer de registre, aborder un aspect plus délicat, plus vaste et fondamental, où finalement se réduit l’importance de Trump, de sa politique s’il en a une, de son destin s’il en a encore un, de ses possibilités de s’en sortir ou pas dans le combat en cours pour la présidence (je suis plutôt pessimiste). Je voudrais aborder le cas Trump du point de vue du logocrate, selon la définition et l’observation de la chose que j’ai souvent abordée.
Pour rappeler ou préciser de quoi l’on parle, je citerai ceci, d’un texte d’octobre 2015 ce Journal-dde.crisis, où, précisément ici, je parle de PhG comme si je ne l’étais pas, comme si ‘je’ était un autre :
« Ainsi [PhG] aime-t-il à citer Gorge Steiner, dans une conférence donnée à Bruxelles en 1982 et reprise dans ‘Les Logocrates’ (L’Herne, Essais et Philosophie, 2003) : “Le point de vue ‘logocratique’ est beaucoup plus rare et presque par définition, ésotérique. Il radicalise le postulat de la source divine, du mystère de l’incipit, dans le langage de l’homme. Il part de l’affirmation selon laquelle le logos précède l’homme, que ‘l’usage’ qu’il fait de ses pouvoirs numineux est toujours, dans une certaine mesure, une usurpation. Dans cette optique, l’homme n’est pas le maître de la parole, mais son serviteur. Il n’est pas propriétaire de la ‘maison du langage’ (die Behausung der Sprache), mais un hôte mal à l’aise, voire un intrus…” »
On voit que je vise bien haut, parler en logocrate de Donald Trump, ce bouffon si clownesque. Voire... L’on sait bien que “les voies ... sont impénétrables”, et que, de là où l’On se trouve, l’On n’en fait qu’à Sa tête. Il est bien connu qu’il y a des bouffons ou des clowns, des fous du roi, des “clochards célestes” comme les beatniks se nommaient à l’imitation du titre d’un livre de Kerouac, ou les clochards tout court qui allaient de ferme en ferme dans la vieille Ukraine pour trouver temporairement gîte et pitance contre des mélodies et des contines mystérieuses ; il est bien connu que ces êtres insaisissables de ce monde incertain constituent souvent les réceptacles d’initiations inconscientes et porteurs de paroles extérieures à eux dont ils ne mesurent aucunement, ni l’ampleur, ni l’extrême profondeur cachées ; dont ils font don aux autres sans rien en savoir du fondamental.
Cette nuit à Washington D.C., Trump a prononcé et diffusé un discours, « [t]his speech as “the most important” he’s ever made ». Peu importe ce discours, qui portait bien entendu sur la bagarre terrible en cours concernant la Grande-Fronde, sauf cette phrase qui constitue le sujet de cette page du Journal-dde.crisis, et que je sépare volontairement de son contexte pour rechercher sa signification cachée :
« Lots of bad things happened during this ridiculous period of time, especially when you have to prove almost nothing. » (« Beaucoup d’événements déplorables sont survenus durant cette ridicule portion de temps, [ridicule] surtout quand vous n’avez pratiquement rien à prouver... »)
Son plus important discours ? Avec lui, c’est un peu chaque fois ‘le plus important’, mais là il y a une situation pressante, impérieuse, et alors peut-être résume-t-il, lui le saltimbanque, une situation où il s’est perdu et où il est perdu, et peut-être où il a perdu d’avance. Il est évidemment incapable complètement de vaincre de façon courante, préférant la voie de la poussée furieuse, sans idée et sans rien que le goût de sa victoire du fait de la défaite de l’autre ; et aujourd’hui, malgré cette poussée, bien près de s’avouer impuissant devant un mur inébranlable de constructions complexes de fraudes, de corruptions, de peurs et de menaces. Et alors cette phrase que j’ai citée, qui a l’air d’un propos de mépris, presque d’un boxeur poids lourd stupéfait par cette bataille ingagnable à cause du marigot collant de leurs corruptions sans fin, constituerait peut-être bien, sans qu’il le sache ni qu’il n’en fasse usage à son avantage, la clef sacrée de la crise, comme la plus grande des Grandes Crises, la GCES.
Je ne l’encense pas une seule seconde ni ne prévoit quoi que ce soit à son endroit, ni ne m’attache en rien à son prétendu mystère. Je me répète que les bouffons sont bien souvent les porteurs, les “petits télégraphistes”, de messages infiniment importants, et vertigineux dans leur contenu
Dans la phrase citée et qui contient à mon sens l’essentiel du message, deux mots sont essentiels : « Beaucoup d’événements déplorables sont survenus durant cette ridicule portion de temps, [ridicule] surtout quand vous n’avez pratiquement rien à prouver... »
Les deux mots essentiels sont “ridicules” (« cette ridicule portion de temps ») et “rien” (« quand vous n’avez pratiquement rien à prouver »). A eux deux, ils définissent cette situation complètement futile, quasiment sans substance, complètement un simulacre : les actes sont ridicules, les buts à mettre en évidence par la preuve n’existent pas, il s’agit donc de non-événements... Et pourtant, et pourtant, ils bouleversent le monde comme aucun événement ne l’a jamais bouleversé autant, et ils vont continuer à le bouleverser. Cette phrase avec un petit air énigmatique illumine d’une lumière perçante et impitoyable la fantastique vérité-de-situation que nous avons à affronter, quand l’intrus, l’agioteur et le manipulateur de la Grande Crise n’est personne d’autre que l’Ange déchu.
L’explication trouvera une aide heureuse et bien venue dans cet extrait du livre de Scruton (« Orgueil et erreur »), où il critique si durement, si radicalement qu’il ne les réduit à ‘Rien’, deux philosophes représentant à merveille le ‘ridicule’ mortel et néantiel jusqu’à l’entropisation de la non-philosophie contemporaine présidant à ce non-événement (USA2020) qui accélère la pente vertigineuse de la Grande Crise. L’éclosion tonitruante du ‘Wokenisme’, cette fleur aussi attachante qu’un cactus coupé de ses racines et raide-sec, en est la plus évidente représentation.
Ainsi Scruton règle-t-il leur compte à Badiou et à Žižek, – successeur et metteurs en œuvre des récoltes semées par les déconstructeurs, – mais ce pourrait être tant d’autres dans la cohorte des ZélitesZombies si les rôles avaient été autrement distribués... Nous sommes dans un simulacre qui est un spectacle réduit aux acquêts d’une saison de la plus intense sécheresse du monde, au point que Badiou et Žižek, fermement appuyés sur le ‘Wokenisme’, « n’existent que pour promouvoir une cause unique et absolue, une cause qui n’admet aucune critique, aucun compromis, et qui offre la rédemption à ceux qui y adhèrent. Et quelle est cette cause ? La réponse se trouve à chaque page de ces textes ineptes : le Rien. »
Les a-t-on entendu Là-Haut ? En plus d’être un “cocktail-Molotov humain”, Trump est peut-être également ce “petit télégraphiste” que le mystérieux locataire-propriétaire de l’Olympe a chargé d’une lettre secrète & codée pour nous seuls, pour nous expliquer comment “le porteur de la présente” fonctionne, comme une allumette pour activer l’incendie de la Grande Crise, grâce au ‘Rien’ triomphant du ‘Wokenisme’, combustible sans égal...
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