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501418 Mars 2019 – Cela fait déjà très longtemps que le groupe VIPS (Veteran Intelligence Professionals for Sanity) fonctionne. Il a été formé en 2002 par d’anciens cadres, démissionnaires ou retraités, des agences de renseignement US ou proches (département d’État, Pentagone) regroupés au nom d’une opposition aux déformations politiques du renseignement, toujours actives dans le milieu mais devenues extrêmes et grossières après 9/11, avec la bande regroupée autour de Cheney et les divers neocon infiltrés dans l’administration GW Bush. Appelons les VIPS les “dissidents du renseignement” (la “CIA dissidente”disions-nous la première fois que nous en fîmes état, en août 2007, à notre petit train-train).
Très vite, les VIPS ont pris l’habitude d’intervenir collectivement, d’une manière professionnelle, en rédigeant des mémorandums destinés au président, parfois à des dirigeants de haut niveau, sur les affaires brûlantes où narrative et déterminisme-narrativiste fonctionnent à plein gaz. Je me suis toujours demandé combien de ces mémorandums sont arrivés à leur destinataire principal (le président), pour me répondre à moi-même, impérativement : “Jamais”.
Ce jugement est logique dans le climat qui baigne “nos démocraties”, particulièrement celle qui règne aux USA où les dirigeants sont enfermés dans une bulle de communication, idéologique et psychologique, et bien entendu sécuritaire. Selon ma conviction, des groupes comme les VIPS, sorte de Gilets-Jaunes de l’évaluation de renseignement par rapport à la communauté-Système du domaine, n’auraient strictement aucun accès aux dirigeants selon des consignes très précises, – je veux dire, moins encore que des Gilets-Jaunes normaux, – et ce n’est pas une publication sur ConsortiumNews (et sa traduction sur dedefensa.org, ne l’oublions pas) qui changera en rien cette situation.
Mais il y a les démentis du Ciel et l’activisme des dieux...
En effet... Grande furent ma surprise et considérable mon intérêt pour la précision très détaillée qui est donnée dans le dernier mémorandum dont on a publié la traduction le 15 mars. La chose a été signalée dans le commentaire qui précède le texte, avec un appel à réaction, – que voici dans ces lignes... Je rappelle le passage :
« On s’arrêtera même, avec un plus grand intérêt encore, à la nouvelle selon laquelle un mémo antérieur des VIPS sur le même sujet (du 24 juillet 2017, qu’on retrouvesur ce site), destiné au président, était parvenu au destinataire et avait éveillé son intérêt semble-t-il. Trump avait envoyé son principal auteur (toujours Binney) à Pompeo, alors directeur de la CIA, ce qui avait donné ceci…
« “Après le mémorandum du 24 juillet 2017 des VIPS pour le président, Binney, l'un de ses principaux auteurs, a été invité à exposer son travail et ses conclusions à Mike Pompeo, directeur de la CIA à l'époque. Lorsque Binney est arrivé au bureau de Pompeo, au siège de la CIA, le 24 octobre 2017, pour une discussion d'une heure, le directeur n'a pas caché la raison de l'invitation : ‘Vous êtes ici parce que le Président m'a dit que si je voulais vraiment en savoir plus sur le piratage russe, il fallait que je vous parle’.”
» “Binney avertit Pompeo – qui ne dissimulait en rien son incrédulité, – que son personnel devrait cesser de mentir à propos du piratage russe. Binney commença alors à expliquer les conclusions de VIPS qui avaient attiré l'attention du Président Trump. Pompeo a suggéré à Binney de parler au FBI et à la NSA. Binney a accepté, mais n'a pas été contacté par ces agences. Ainsi, Pompeo avait fait ce que le Président lui avait demandé et rien de plus. Il n'y a pas eu de suite.”
» Non, cela n’a pas été plus loin, et d’ailleurs y compris de la part de Trump (ne parlons pas de Pompeo, porte-flingue de seconde zone). Cela nous donner quelques précieuses indications, plutôt dans le champ de la psychologie, à propos de ce qui est à l’œuvre dans ces événements… On verra, on verra… Peut-être PhG nous en dira-t-il plus... »
Je crois et pense effectivement qu’il y a certaines spéculations et réflexions à sortir de l’épisode, qui est rapporté avec beaucoup de détails, et qui par conséquent, selon le sérieux des VIPS qu’on n’a guère de raison de mettre en doute, correspond à ce qui s’est réellement passé et a été détaillé intentionnellement, – je n’en ai pas le moindre doute. Je n’ai pas le moindre doute non plus qu’un tel événement n’aurait pu se passer sous les administrations GW Bush et Obama. Bien entendu, j’écris cela selon une perception intuitive, mais appuyée sur une certaine expérience, et aussi une appréciation de la logique des situations. De toutes les façons, il serait impossible d’opposer à une telle conviction le moindre démenti factuel qui ait la moindre force de la conviction, encore moins de la vérité. En d’autres mots, je prétends, à mes risques et périls naturellement mais cette sorte de démarche et du domaine de ma responsabilité de commentateur, qu’il y a dans les observations qui sont développées ci-dessous des vérités-de-situation, exactement selon la définition qui en est donnée dans le Glossaire.dde.
Les enseignements à tirer concernent aussi bien le fonctionnement du pouvoir à Washington D.C. devenu “D.C.-la-folle” (depuis la campagne des présidentielles USA-2016), que le comportement et la psychologie de Trump. Ils sont de plusieurs ordres.
(Il faut rappeler que le mémo de juillet 2017 qui est ici en cause était extrêmement précis : « ...[I]l nous a paru intéressant de reprendre la démonstration effectuée par le groupe [VIPS] [...] [réalisant] une reconstitution et une simulation de l’action qui est à la base de l’accusation antirusse, pour en affirmer comme conclusion qu’il s’agit sans aucun doute d’un “Inside Job” effectué aux USA, à Washington même, à la fois pour les fuites, à la fois pour la manœuvre tendant à faire croire qu’il y a eu intervention russe. » Il est évident qu’il devait être considéré comme un document dangereux pour les antiTrump, à la mesure de la notoriété et du sérieux professionnel du groupe.)
• Pour que le document des VIPS de juillet 2017 ait atteint Trump, il faut qu’il y ait eu un accès très ouvert malgré tout ce qu’on a dit à l’époque de l’espèce de “verrouillage” où le tenaient deux de ses généraux soi-disant représentant du DeepState (McMaster comme conseiller de sécurité nationale, Kelly comme secrétaire général et directeur de cabinet). D’autre part, la valse du personnel autour de lui à laquelle nous a habitués Trump participe largement à cette instructuration de la Maison-Blanche, qui est à mon sens l’une des explications de l’accès d’un tel document jusqu’au président. Tout est en place pour alimenter le désordre.
• L’épisode montre que, contrairement à ce qui était péremptoirement dit à l’époque, et continue à être dit d’ailleurs, le DeepState n’a rien contrôlé de Trump et continue à ne rien contrôler de lui. Je n’ai qu’une seule explication à cet égard, qui continue à dominer ma perception et ne cesse de se renforcer : Trump comme accélérateur d’un désordre dont il est à la fois l’outil et la cause circonstancielle et constante, et ce désordre accélérant bien entendu le désordre où est plongé le DeepState lui-même, – déjà avant Trump, –qui n’a rien vu venir de Trump et n’a pu le stopper.
• La réaction de Trump au document des VIPS montre son caractère instantanément réactif et complètement inconséquent. D’une part, il officialise la valeur du document et des VIPS en chargeant Pompeo d’en prendre connaissance et de recevoir leur représentant, d’autre part il enterre ce document en laissant Pompeo l’enterrer sans plus s’occuper d’un suivi à cet égard. Il donne aux VIPS un statut quasiment officiel par rapport aux services de renseignement mis en cause et proclame implicitement leur compétence (celle des VIPS), pour n’en rien faire ensuite dans une affaire (Russiagate) qui le met en cause directement et dont il aurait pu aisément proclamer à cette occasion qu’elle était un montage complet. Il accentue le désordre, y compris au cœur du DeepStateet n’en profite en rien pour assurer sa position et maîtriuser son propre désordre, – comme si, inconsciemment et seulement inconsciemment, son but ne pouvait et ne peut être que le désordre. (Et ne pas régler le Russiagate à son avantage est une façon de plus d’alimenter le désordre.)
On peut élargir le propos pour montrer la constance de cette situation de désordre et dire la même chose de Trump contre l’Iran, où son attitude belliciste mais uniquement par des moyens de communication et de pression indirecte (sanctions) tendrait finalement à éventuellement laisser Israël s’embourber seul dans un affrontement avec l’Iran et la Syrie (voir ce qu’en dit Crooke) ; cela alors qu’il est un soutien sans faille d’Israël comme jamais président des États-Unis ne fut... Et la même chose encore du Venezuela, où des super-faucons rassemblés autour de lui (toujours la valse du personnel), connus pour leur terribles compétences dans l’agression illégale et les dirty tricks (Bolton), s’embourbent dans une opération hautement acclamée et étalée, et d’une extraordinaire incompétence.
Dans un texte sur strategic-culture.org, Patrick Armstrong analyse les “mystères de Trump”, dont ce monument d’incompétence de la subversion que constitue l’attaque contre le Venezuela (« Une performance si inepte que même le NYT est en train de perdre son enthousiasme »). Il a choisi un titre ambigu en anglais (« The Trump Mysteries: Inconsistent Inconsistencies »), qui suggère une adaptation parfaite pour mon propos : “Les incohérences des incompétences” ; c’est-à-dire, si l’on pousse le propos, “le désordre du développement du désordre”, qui voudrait dire une incompétence par désordre dans l’“organisation” du désordre...
Tout cela est bourré d’oxymores, sans aucun doute, mais ce personnage est lui-même une sorte d’oxymore-postmoderne, un oxymore-bouffe si vous voulez. Une psychologie de l’instant, des décisions dans l’instant, des réactions instantanées, et tout cela sans aucun suivi puisque nous sommes dans l’instant, dans le Big Now. Rien n’est organisé ni structuré, même le désordre, – surtout pas le désordre laissé au désordre, et tout cela en désordre. Trump, archétype de la production sans la moindre préoccupation morale de la cupidité du Système, est une géniale trouvaille du Ciel pour dynamiter le Système de l’intérieur, du fait d’un de ses représentants agissant sans la moindre préoccupation de tout ce qui n’est pas Big Now. Non seulement “cocktail-Molotov” lancé contre le Système, comme disait si finement Michael Moore, car l’on survit à un cocktail-Molotov ; bien plus, une Arme de Destruction Massive mise au cœur du Système, et qui n’en finit pas d’exploser avec tous les dégâts qui vont avec, qui ira jusqu’au bout de la “destruction Massive”.
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