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4875Il y a un intéressant portrait de Trump et de sa non-politique de sécurité nationale dans le Daily Mail de Londres, à partir de courriers diplomatiques pour son gouvernement de l’ambassadeur britannique à Washington (en poste depuis début 2016). (Adaptés d’après une reprise par RT.com.) Ce qui est remarquable, c’est que ces courriers exprimant l’avis de l’ambassadeur d’un pays très proche des USA, dans la capitale US et donc nécessairement bien informé, rencontrent ce qu’on peut raisonnablement présenter, d’une part à partir des quelques sources et commentaires bien choisis sur l’internet, essentiellement dans les publications antiSystème également bien choisies ; et d’autre part également et surtout, à partir d’analyses personnelles prenant en compte la psychologie particulière de Trump, pour un observateur qui ne s’inquiète ni ne s’embarrasse des remarques officielles et des avis rationnellement alambiqués et politiquement très-très-corrects des experts-Système courants.
L’avis selon lequel « la politique erratique du président américain Donald Trump à l'égard de l'Iran pourrait conduire à la guerre à la moindre provocation » ne nous surprend certainement pas, non plus que la description qui est faite de cette politique, de l’implication à peu près nulle de Trump dans son élaboration et son exécution, jusqu’à ses interventions intempestives, soudaines et complètement imprévisibles, renversant complètement la dite-politique.
« Un “trésor” est parvenu au Daily Mail sous la forme de fuites d’un ensemble de câbles diplomatiques envoyés à Londres par l'ambassadeur britannique aux États-Unis, Kim Darroch, avec des remarques cinglantes sur le tempérament et la politique du président américain Donald Trump.
» Les dossiers les plus anciens remontent à 2017 et les plus récents ont été rédigés le mois dernier, y compris un message du 22 juin, dans lequel Darroch décrit la politique erratiques que mène le président Trump vis-à-vis de l’Iran.
» Il parle de l'affirmation de Trump selon laquelle il a annulé au dernier moment une frappe contre l'Iran en représailles à la destruction par d’un drone américain. Trump avait twitté qu’il avait agi parce qu'on lui avait dit qu'environ 150 Iraniens mourraient s'i l’attaque avait lieu, – mais la note interne de Darroch attribue cette décision à la perspective de l’élection de 2020.
» “Il est plus probable qu'il n’a jamais pleinement géré la direction de cette affaire et qu’il s’est soudain inquiété de la tournure que prendrait cette contradiction de ses promesses de 2016 pour la campagne de 2020 ”, aurait écrit Darroch.
» Darroch décrit la politique de Washington à l'égard de l'Iran comme affreusement mal conçue et estime qu'il est peu probable qu'elle devienne plus cohérente dans un proche avenir. S’il est vrai que Trump a une “aversion pour les nouvelles aventures militaires”, ses conseillers de sécurité nationale sont devenus de plus en plus faucons avec le temps et il est possible qu’“une seule attaque iranienne de plus quelque part dans la région” pourrait devenir le catalyseur d’“un autre demi-tour de Trump”. »
Les extraits les plus intéressants, selon nous, concernent une autre partie de la communication, où est abordée la personnalité de Trump. La description qui en est faite est très postmoderne, très imagée, avec des emprunts directement faits aux domaines de l’entertainment et de la fiction cinématographique, comme si le côté téléréalité et hollywoodien du personnage était la considération et la référence centrales du jugement, y compris dans le secret du langage confidentiel de certains dirigeants. Notre jugement intuitif est qu’on ne peut être plus juste...
Ainsi Trump est-il qualifié par l’ambassadeur de “phénix” renaissant de ses cendres, à la manière de Schwarzenegger-Terminator à la fin du film original sur le sujet. On y voit ainsi mêlées la stupéfaction horrifiée des circonstances et une sorte d’admiration fascinée pour ce personnage qui parvient à se tirer de toutes les situations catastrophiques où il se met après les avoir suscitées. L’ambassadeur va jusqu’à évoquer l’atmosphère quasi-magique que Trump parvient à créer dans ses grands meetings, décrivant implicitement l’enthousiasme sans faille de ses partisans comme une sorte d’envoûtement exercé par le président US, ainsi catapulté au rang de gourou d’une sorte de secte à l’échelle des États-Unis d’Amérique.
(Il est intéressant [et également étrange pour les esprits impressionnables ou sensibles aux convergences irrationnelles] de noter qu’Obama, durant sa campagne électorale de 2008, avait également été perçu dans ce sens, – le gourou d’une secte nouvelle mais, disons dans un style différent quoiqu’aboutissant effectivement à l’établissement d’un état de transe dans ses audiences. On peut considérer que cette étrange attraction du prédécesseur de Trump perdura durant ses deux mandats mais qu’Obama n’en usa plus du tout dans le sens d’un gourou d’une secte, construisant au contraire l’image d’un président rationnel, très contrôlé et réfléchi, jusqu’à l’absence d’esprit de décision dans certains cas. Il est pourtant possible, à voir le comportement de certains de ses partisans, que la transe ait perduré durant ces huit années et même jusqu’à nous...)
« En général, les télégrammes de Darroch parlent de Trump comme d'un leader “inepte”, “dysfonctionnel” qui “répand autour de lui l’insécurité”, et dont la présidence pourrait aisément “s’effondrer ou se consumer”, – mais en lui rendent hommage pour sa capacité à sortir indemne de ses manigances et de sa brutalité, et demandant à Londres de ne pas “le laisser tomber”.
» En parlant des pouvoirs de Trump à la manière d’un phénix, Darroch le compare au portrait du Terminator à la fin du film original.
» “Trump peut émerger des flammes, meurtri mais intact, comme Schwarzenegger dans les dernières scènes du Terminator”, écrit-il. Tout en décrivant la rhétorique utilisée par Trump pour enflammer les foules lors de ses rassemblements de campagne comme “incendiaire” en “un mélange de faits et de fiction”, le diplomate s'émerveille du zèle avec lequel les partisans de Trump continuent à soutenir leur candidat, comparant l'atmosphère d'un rassemblement MAGA à une “grande messe d’une religion” ou à un “événement sportif majeur”. »
Il ne faut pas s’y tromper, si ces dépêches fuitées sont vraies, – et il faut qu’elles soient vraies en vérité, – on détient une preuve de plus, une preuve comme dans une enquête de police, que les simulacres auxquels nous sommes confrontés sont aussi eux-mêmes vrais, – de vrais-simulacres, comme l’on dirait des mensonges-vraies (des mensonges qui nous disent indirectement la vérité).
Sa qualité de Terminator, de phénix qui renaît de ses cendres, conduit à concevoir un sort identique pour la vérité chez Trump : absorbée par lui qui n’est que mensonges et simulacres, la vérité disparaît comme dans un trou noir, comme le phénixsemble mourir ; mais elle réapparaît ensuite, comme “le phénix renaît de ses cendres”, par la description des aventures et des comportements extraordinaires du président, et cette vérité dans une dimension beaucoup plus instructive que celle qu’elle avait à l’origine. Sans le vouloir bien entendu, – surtout pas, rien de stratégiquement calculé chez lui, – Trump nous donne, à plus d’un égard, en plus d’une occasion, l’une ou l’autre clef qui nous ouvre la porte de tel ou tel domaine du Système et nous laisse à voir son fonctionnement.
Effectivement, nous n’en avons jamais autant appris sur le fonctionnement du système de l’américanisme que depuis l’arrivée de Trump, – et désormais confirmés par des dépêches confidentielles d’un ambassadeur de haut niveau. Ses mensonges, ses simulacres, ses foucades, son insaisissabilité, son inculture, sa brutalité et sa grossièreté, nous révèlent par contraste et par simple équivalence des contraires, toutes les insupportables vérités du Système (le système de l’américanisme étant la principale courroie de transmission du Système). Certes, nous nous en doutions, mais là c’est bel et bien confirmé, quasiment comme sous serment devant un officier de police ou devant un juge.
Les notes certainement élégantes mais non sans audace de l’ambassadeur de Sa Majesté, special relationships obligent, nous confirment que rien du Trump extravagant des présidentielles USA-2016 n’a changé. Au contraire de tous les pronostics des experts et affidés du Système, spécialistes en dissimulation et en simulacres, la fonction (POTUS) n’a nullement créé l’organe (Trump), ni même ne l’a modifié. A plus de la moitié de son mandat, Trump est plus que jamais Trump et le reste doit suivre ; la fonction suprême doit s’en accommoder, son administration rester baignée dans le même désordre, sa base électorale se rouler dans sa fascination magique pour son gourou, son opposition s’emporter dans des folies à la mesure de ses extravagances ; quant à la politique, notamment extérieure, c’est celle du capitaine de piraterie qu’il était “dans le civil”, illégale, faite de pressions grossières, massacrant la réputation des USA partout en transformant cette puissance en “hyperpuissance-voyou”, et en cela accélérant le processus d’effondrement des USA et de leur puissance.
L’ambassadeur nous laisse entendre, ce qui nous apparaît de plus en plus évident, que tout cela se poursuivra jusqu’au terme du début 2021, avec l’éventuel bonus d’une réélection qui nous conduirait en 2025. Il est difficile de penser que le système de l’américanisme tiendra jusque-là, à ce rythme.
Trump est donc bien Terminator, mais peut-être bien encore plus, pour des raisons supplémentaires, que le Terminator-Schwarzenegger. Trump pourrait bien être, s’il continue, s’il parvient à être réélu dans un tonnerre de fureur et de contestation, le Terminator du système de l’américanisme. L’éventuelle seconde performance (sa réélection), – si “D.C.-la-folle” tient jusque-là et n’éclate pas à l’occasion de l’élection, – “terminera” de mettre à jour la substance de l’incroyable faiblesse de ce système de l’américanisme (et du Système par conséquent). Ainsi sera signée la victoire définitive de sa tendance à l’autodestruction, – non pas victoire de l’autodestruction sur la surpuissance, mais victoire de l’autodestruction grâce à la surpuissance. Le gourou aura achevé son travail : il aura amené son troupeau de moutons fascinés jusqu’au bord de l’abîme où tous sauteront, les uns en pleine extase trumpiste, les autres en état de fureur antitrumpiste, et le tout dans le désordre.
Mis en ligne le 7 juillet 2019 à 14H59