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20415 novembre 2006 — Le texte de David Rose mis en ligne sur le site de Vanity Fair le 3 novembre est étonnant. Il a été placé sans aucun doute à cause de l’échéance électorale, en raison de l’écho attendu ; il s’agit d’un “abstract” un peu allongé d’un article qui passera dans le numéro de janvier 2007 de Vanity Fair
(David Rose : «I will present my findings in full in the January issue of Vanity Fair, which will reach newsstands in New York and L.A. on December 6 and nationally by December 12. In the meantime, here is a brief survey of some of what I heard from the war's remorseful proponents.»)
Ce texte peu ordinaire nous présente les positions actuelles de quelques-uns des néo-conservateurs les plus enragés, les plus influents, les plus médiatisés : Richard Perle, Kenneth Aldeman, David Frum, Michael Leeden, Frank Gaffney, etc. (Pour Perle, certes, on avait déjà vu venir.) Tous, ils condamnent dans des termes sans nuances l’administration Bush, et le président lui-même, pour la politique suivie en Irak.
L’auteur nous dit sa surprise lorsque, après avoir rencontré Perle et avoir entendu que, si c’était à refaire et sachant ce que l’on sait, lui, Perle, aurait recommandé de ne pas partir en guerre, il découvre les autres vedettes néo-conservatrices qu’il visite, — pour entendre le même refrain.
«Perle goes so far as to say that, if he had his time over, he would not have advocated an invasion of Iraq: “I think if I had been delphic, and had seen where we are today, and people had said, ‘Should we go into Iraq?,’ I think now I probably would have said, ‘No, let's consider other strategies for dealing with the thing that concerns us most, which is Saddam supplying weapons of mass destruction to terrorists.’ … I don't say that because I no longer believe that Saddam had the capability to produce weapons of mass destruction, or that he was not in contact with terrorists. I believe those two premises were both correct. Could we have managed that threat by means other than a direct military intervention? Well, maybe we could have.”
»Having spoken with Perle, I wonder: What do the rest of the pro-war neoconservatives think? If the much caricatured ‘Prince of Darkness’ is now plagued with doubt, how do his comrades-in-arms feel? I am particularly interested in finding out because I interviewed many neocons before the invasion and, like many people, found much to admire in their vision of spreading democracy in the Middle East.
»I expect to encounter disappointment. What I find instead is despair, and fury at the incompetence of the Bush administration the neoconservatives once saw as their brightest hope.»
Ces prises de position ont eu des échos. Le Guardian a publié un texte hier, à propos de l’article de Vanity Fair. Il est manifeste que ces prises de position auront leur influence sur l’élection de mardi. Le Guardian cite Steven C. Clemons, excellent commentateur de la vie washingtonienne : «“I think the influence will be on morale [among Republicans],” said Steven Clemons, the head of the American Strategy Programme at the New America Foundation. “I think they are confusing the right. What this is yielding is ambivalence, and people will stay at home.”»
Par ailleurs, sur son site personnel (The Washington Note), le même Clemons observe à propos de ces prises de position néo-conservatrices :
«Perle's comments about the “dysfuntional” Bush presidency are really lamentations that Bush was ‘not neocon enough.’ The divisions in government he referred to focus on Condi Rice, Powell and others who got in the way of neocon plans — so don't view the Vanity Fair revisionism by neocons as anything other than a survival strategy and regret that they didn't get to launch more wars against more nations when they had the chance.»
Nous ajouterions que l’attaque va également contre Rumsfeld, que les néo-conservateurs détestent en lui faisant porter une part importante de la responsabilité des erreurs commises en Irak. D’ailleurs, Rumsfeld est aujourd’hui le bouc-émissaire favori. Il est méchamment mis en cause par “Army Times”, une des lectures favorites et presque sacrées des forces armées, qui demande sa démission.
Autre interprétation : certains des lecteurs de Clemons avancent que ces prises de position publiques ont pour but, pour les néo-conservateurs concernés, de renforcer leurs positions en cas d’auditions sur la catastrophe irakienne que pourrait lancer un Congrès devenu démocrate. En effet, ils s’y trouveraient parmi les “accusés” implicites. (Ces commissions n’inculpent pas, elles dénoncent sans suite judiciaire nécessaire, mais elles ruinent souvent les réputations et signalent qu’on n’est plus dans les grâces fastueuses du pouvoir. Rien de pire à Washington.)
Ce dernier point comparé à l’effet objectif de la démarche est une marque de l’imbroglio washingtonien actuel, — autant dans les faits que dans l’interprétation des faits : certains “neocons” craindraient le pouvoir d’enquête type “mccarthyste” d’un Congrès démocrate, alors qu’ils contribuent objectivement à la venue d’un Congrès démocrates par leurs déclarations à Vanity Fair… Cette sorte de contradiction est dans la logique des temps. (Mais aussi, qui doute de la victoire démocrate ? Alors, un coup de pouce de plus ne changera pas grand’chose.)
Peu importe et passons outre.
La seule réalité est que la débâcle est totale, aussi bien à Washington qu’à Bagdad. L’élection du 7 novembre (et ce qui suivra) sera l’occasion de nombreux règlements de compte. D’un point de vue général, observons sans originalité particulière que le chaos se poursuit et s’accentue.
Tout cela va contribuer surtout à réduire plus encore l’influence américaniste dans le monde. On a vu ce que vaut la puissance militaire américaniste. On voit aujourd’hui ce que valent ces “écoles de pensée” auxquelles le Monde consacrait pompeusement des pages d’analyse et que des experts européens bardés de diplômes ont habillées de l’allure d’une révolution politique (et démocratique, cela va sans dire) de première grandeur. Une simple bagarre pour le privilège, les bonnes places, avec ici et là quelques allumés notoires, et au bout du compte les réglements de compte personnels.
Les néo-conservateurs ne sont pas seuls en cause. Il fut un temps (il y a trois ans, ce n’est pas si loin) où tout le monde ne jurait que par eux, et alors leurs admirateurs étaient encore plus responsables qu’eux-mêmes. C’était le temps où le néo-conservatisme “épatait le bourgeois” comme on disait au siècle dernier (le XIXème ou le XXème, au choix), tant la brutalité de la guerre bruyamment exposée comme une vertu cardinale par ceux qui ne se battent pas fait aisément office d’originalité de pensée dans une civilisation absolument embourgeoisée, qui vit et survit en bourgeoise, avec tous les caractères de petitesse, de conformisme et d’hypocrisie qui vont avec.
Cela n’empêche rien de survenir ni n’empêchera personne de retourner sa veste pour la nième fois (ils ont tous des vestes réversibles). Les néo-conservateurs restent partisans d’une attaque contre l’Iran et si GW Bush s’y décidait, il lui serait beaucoup pardonné. Effectivement, pourquoi pas une attaque contre l’Iran ? Ce serait comme un grand bol d’air frais et divin, doit penser le 43ème président des Etats-Unis.
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