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6316• Pourtant, Dieu sait que ces deux pays, Turquie et Arabie, sont bien mal placés à la cotation de la vertu établie par le vaste Camp du Bien qui rythme notre conformité morale et notre pertinence à être de ce monde. • Quoi qu’il en soit, ces deux pays, alliés si importants des USA, sont accablés d’injures et d’accusations par les USA. • Drôle de façon de protéger son capital d’influence dans un monde que l’on prétend être sous l’empire de son hégémonie exceptionnelle. • La Turquie et l’Arabie, exemples convaincants de la folie américaniste.
Dans le Grand Affrontement qui a lieu aujourd’hui, qui dépasse très largement l’Ukraine, ce qui compte n’est pas celui qui l’emportera mais bien celui qui sera vaincu. L’important n’est pas que la Russie (ou la Chine, où le “Grand Sud’, ou n’importe quoi, y compris le chaos prôné par Mercouris) l’emporte, mais bien que les USA (le bloc-BAO) soient vaincus ; ce qui compte n’est pas d’être avec un tel ou tel autre, quitte à changer, mais bien d’être contre les USA dans cette occurrence de la GrandeCrise où les USA ne laissent aucun choix au terme de tout, – que d’être contre eux. Les USA n’ont pas compris cela, comme un certain nombre d’autres choses, et par conséquent ils ne cessent de se faire de plus en plus d’ennemis même parmi ceux qui furent les plus stipendiés, les plus acoquinés, les plus soumis sur le fond pourvu que la forme les épargnât ; et ils ne cessent de faire tout cela simplement parce qu’avec leurs singuliers travers initiaux ils sont devenus fous.
Il est vrai que les USA sont protégés comme par une cuirasse infranchissable de toute perception acceptable de la réalité du monde (autre définition de la folie) par deux phénomènes, sortes de “technologies psychologiques” absolument impénétrables. Nous en parlons et nous les répétons souvent car nous pensons qu’il faut se convaincre du phénomène et en prendre la mesure et les conséquences. Ces deux “technologies psychologiques” (nous adoptons ce terme pour marquer combien tout est de moins en moins humain dans l’américanisme, jusqu’à l’humain lui-même, car la folie fait son œuvre) sont deux traits psychologiques qui relèvent de la féérie-fantasy propre à l’américanisme, et qui sont aujourd’hui exacerbées jusqu’à la folie, – soit l’inculpabilité (« sentiment de l’absence à terme et décisivement de culpabilité de l’américanisme quelle que soit son action ») et l’indéfectibilité (« sentiment de la certitude [de l’américanisme] de ne pouvoir être battu dans tout ce qui figure conflit et affrontement »), tels qu’ils sont explicités dans cet extrait d’un texte qui rappelle leurs caractères :
« Nous avons toujours suivi avec le plus grand intérêt, sur ce site, les caractéristiques de la psychologie de l’américanisme, que nous tenons comme spécifique, “exceptionnelle” dans le sens de n’être radicalement pas comme les autres (ce qui ne signifie nullement dans notre interprétation “supérieure” aux autres types psychologiques, cel va de soi). Il existe aux USA dès les origines un tel usage intensif de la communication pour formater le sentiment du citoyen vis-à-vis de son pays, dans un pays bâti sur la communication et nullement sur la vérité historique, qu’il y a effectivement une véritable création permanente d’une psychologie américaniste typique. Au cours de nos recherches, nous avons isolé deux traits spécifiques de cette psychologie, qui constituent non pas des capacités spécifiques de perception, mais des perceptions imposées à la psychologie américaniste à la différence des autres. Outre le trait de l’inculpabilité qui est le sentiment de l’absence à terme et décisivement de culpabilité de l’américanisme quelle que soit son action, il y a également le caractère de l’indéfectibilité, complément du précédent, qui est la certitude de ne pouvoir être battu dans tout ce qui figure conflit et affrontement. »
C’est donc à cette lumière brillante de la “technologie psychologique” de l’américanisme-devenu-fou que nous devons détailler rapidement les agacements diplomatiques du ministre turc des affaires étrangères, dissimulant à peine ce que nous jugerons être une rupture irréversible avec les USA, et avec l’Arabie dans le même sac puisque les récentes remontrances US concernent ces deux pays. (Là aussi, considérons le fait de la rupture due à l’insupportabilité des USA, sans nous attarder aux coups tordus et manœuvres diverses des Turcs et des Saoudiens qui sont, en cette circonstance, complètement secondaires : ce qui compte est d’être contre.)
Voici donc l’exposé du conflit dont il est question, où il est remarquable d’entendre le ministre truc défendre l’Arabie seule, comme si la Turquie n’était pas en cause. Elle l’est, mais indirectement, sur d’autres affaires essentielles (le “centre gazier”) et l’on voit bien ainsi que l’essentiel n’est pas d’être “pour” puisque la Turquie n’est pas membre de l’OPEP+, mais bien d’être “contre” (les USA) ce que la Turquie est tout à fait, comme l’Arabie, comme la Russie, comme..., etc.
« Les États-Unis devraient cesser de menacer l'Arabie Saoudite au sujet des prix élevés du pétrole et trouver d'autres moyens de résoudre le problème, a déclaré vendredi le ministre turc des affaires étrangères.
» L'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), dont Riyad est le chef de file de facto, a accepté de réduire sa production de pétrole début octobre, provoquant la colère de Washington, qui avait à plusieurs reprises exhorté le groupe à augmenter sa production.
» “Les brimades contre l'Arabie saoudite sont inappropriées. Nous traversons des difficultés similaires en matière de prix de l'énergie, mais nous ne menaçons personne”, a déclaré Mevlut Cavusoglu.
» S’exprimant à Mersin, dans le sud de la Turquie, Cavusoglu a déclaré qu'il était acceptable que les États-Unis critiquent l'OPEP+, un groupement des principaux producteurs de pétrole comprenant la Russie et l'Arabie saoudite, pour avoir réduit la production, mais il a averti Washington que menacer Riyad était “incorrect, injuste et déplacé”. »
Puis le ministre, son devoir de solidarité entre pays-“contre” accompli, se lance à l’offensive, qui est celle justifiant pour ce cas le “contre”. Il met les USA en accusation pour leurs incroyables contradictions entre leurs gémissements devant le prix du pétrole du à la rareté de ce produit, existante essentiellement du fait des innombrables sanctions qu’ils ont édictées contre un nombre respectable de producteurs. Ce qui est critiqué ici n’est pas tant l’usage de la force (la Turquie, comme d’autres, ne s’en prive pas à l’occasion), mais l’usage totalement irresponsable de la force illustrant en une parabole incroyablement rapide et aveuglante la fameuse maxime concernant les ceux dont « Dieu se rit » parce qu’ils « se plaignent des effets dont ils sont les causes [presque instantanées dans ce cas] »
« Le ministre a ensuite laissé entendre que la flambée des prix du pétrole, qui constitue une préoccupation majeure pour les États-Unis, résulte des propres politiques de Washington.
» “Vous ne pouvez pas résoudre cette question en vous contentant de menacer un pays. Vous devriez permettre aux producteurs de pétrole de reprendre leur production”, a-t-il noté, faisant référence aux embargos que Washington a imposés à l'Iran et au Venezuela.
» Cavusoglu a exhorté les États-Unis à “lever ces sanctions”, arguant : “Si vous voulez que les prix du pétrole baissent, supprimez les embargos sur les pays qui offrent leurs produits sur le marché”. »
L’on sait qu’au début du mois, l'OPEP+ a réduit la production de pétrole de deux millions de barils par jour, ignorant les appels des États-Unis à pomper davantage, dans le but de faire baisser les prix. L’on sait également que les américanistes, à qui on ne la fait pas, non monsieur, ont aussitôt mis à nu le pot-aux-roses et largement arrosé les belles fleurs, – qui sont d’une nouvelle espèce très répandue, nommé “Célérusses”. Comme l’a brillamment expliqué la jeune attachée de presse d’origine haïtiennne du président américain Joe Biden, Karine Jean-Pierre, – son pays d’origine pourrait être prochainement honoré de la venue non réclamée de soldats américanistes selon la doctrine “Célérusses”, bien sûr sans la scandaleuse illégalité et l’inhumaine brutalité russes, – selon elle, donc, les Saoudiens, dans ce cas, ne font que « s'aligner certainement sur la Russie ».
L’Arabie saoudite dit que sa décision de réduire la production est « fondée sur des considérations purement économiques qui tiennent compte du maintien de l'équilibre entre l'offre et la demande sur les marchés pétroliers ». On s’en fiche. Le ministre de la défense saoudien déclare que lui et d'autres hauts responsables sont « étonnés » par les accusations selon lesquelles Riyad se range du côté de la Russie. On s’en balance... En fait, ça oui par contre, on menace !
« À la suite de la réduction du prix du pétrole, le sénateur démocrate américain Bob Menendez, qui préside la commission des affaires étrangères, est allé jusqu'à demander aux États-Unis de “geler tous les aspects” de leur coopération avec l'Arabie saoudite, et d'autres responsables américains ont exprimé un point de vue similaire.
» Le conseiller de Biden pour la sécurité nationale, Jake Sullivan, a confirmé dimanche que le président Biden agirait “méthodiquement” pour réévaluer la relation des États-Unis avec l'Arabie saoudite. L'administration a menacé de “réévaluer” le partenariat depuis l'annonce de la baisse des prix. Toutefois, si le président a prévenu qu’il y aurait “certaines conséquences” pour les Saoudiens, aucune mesure spécifique n'a été révélée publiquement. »
Le plus intéressant dans cette affaire n’est évidemment pas l’attitude américaniste dont on a vu les causes et dont les traits biaisant leur psychologie confinent désormais à la folie pure. Rien de nouveau chez eux, sinon de pire en pire. Par contre, il est intéressant de voir ainsi la Turquie prendre la défense de l’Arabie, sans doute sans arrière-pensée vicieuse (à-la-Erdogan), mais simplement parce que, vraiment, les USA commence à exaspérer tout le monde. (Pas les Européens, non pas eux certes ! Ils sont dans leur zoo, complètement à part, on les y laisse.)
D’autre part, certes, les bureaucrates de Washington D.C. ont fait un fabuleux “doublé” en liant finalement la Turquie et l’Arabie dans un même combat, alors qu’il s’agissait d’un enjeu différent. Ils ont envoyé la même délégation de combat en un seul déplacement à Ankara et à Ryad pour parler de choses somme toute si différente (le “centre gazier” d’Erdogan, le refus d’augmenter la production de pétrole de l’OPEP+) ; délégation dirigée par une dame Rozenberg, du département d’État, qui s’était illustrée en 2010-2012 en faisant dans le ‘regime change’ ici et là (Libye, Syrie). Ainsi se trouvaient rassemblées les menaces contre la Turquie et l’Arabie et l’arrière-pensée flottante de la possibilité d’opérations de cette sorte contre les ci-devant récalcitrants. Et alors s’éclaire beaucoup mieux, à notre sens, cette intervention turque pour défendre l’Arabie, selon la doctrine du “Je suis contre” (les USA). Ce faisant, les USA, à la fois “incoupables” (plutôt qu’“innocent” qui supposerait qu’existe la possibilité impensable du choix de les juger coupables) et indéfectibles, parviennent à faire de formidables “d’une pierre deux coups” en cimentant, en aggravant, en rendant presque ontologique l’hostilité qu’ils suscitent chez leurs alliés les plus utiles, – deux dans ce cas, – qu’ils eurent durant le gros trois-quarts de siècle de leur splendeur hégémonique depuis 1945.
On ne peut être, bouche bée, qu’admiratifs devant la perfection d’une telle déconstructuration de soi-même. C’est notre cas.
Mis en ligne le 22 octobre 2022 à 18H40
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