Typologie de la sécession aux USA

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Typologie de la sécession aux USA

Ce n’est pas demain la veille, ni même l’avant-veille, que vous trouverez dans la presse-Système et dans ses satellites quelque élaboration que ce soit sur le thème de “la sécession” aux USA. Sans doute le terme est-il en passe de devenir l’équivalent, sinon pire, dans le registre de la diablerie-Système, que des termes tels que “isolationnisme”, “protectionnisme”, “souverainisme”, éventuellement “poutinisme” si cela existe, – sans citer les caves interdites de l’enfer, “racisme”, “fascisme”, “antisémitisme”, etc.

Le regain d’impopularité-Système du “sécessionnisme”, – pour “anoblir” l’idée de la connotation idéologique qui achèvera sa diabolisation, – tient aux pétitions en faveur de la sécession qui ont fleuri aussitôt après la réélection d’Obama. Vu la majesté du medium (la Maison-Blanche) qui enregistra ces actes, et ce qui parut être un certain engouement populaire pour le thème, la susdite presse-Système dut se fendre de quelques articles à ce propos, le plus tard possible certes.

• L’un d’entre eux est l’article paru le 10 décembre 2012, sur BBC.News, de Jon Kelly, qui nous démontre en quelques arguments joliment troussés mais peu sensibles aux réalités courantes que jamais les Américains n’ont été aussi heureux de vivre ensemble (« Unlike almost all of their Western counterparts, however, Americans appear remarkably happy to stay together despite their differences»). D’une façon générale, l’auguste station de radio et de télévision britannique en tient évidemment pour l’explication évidente et orwellienne par excellence : ceux qui font des pétitions pour la sécession n’ont aucun goût pour la sécession, – peut-être dirait-on même qu’ils en sont adversaires ? («Neil Caren, assistant professor of sociology at the University of North Carolina, who has carried out research into the signatories… “My reading would be that even among the people who signed these petitions, probably a majority wouldn't actually want secession,” he says. “It's like saying you'll move to Canada - it's about how you express your dissatisfaction in the immediate aftermath of the election.”»)

• Sur le nombre même de signature, l’article reconnaissait qu’il y en avait eu, pour pouvoir mieux constater que cela faisait fort peu, et si peu jusqu'au ridicule, constituant presque une forme de réaffirmation de l’Union. Kelly écrivait donc, mettant en évidence combien nous, en Europe, sommes bien plus menacés de sécessions diverses et complètement significatives de notre incapacité de seulement espérer figurer à la cheville ouvrière de la vertu américaniste :

«So far Texas, South Carolina, Georgia, Louisiana, Florida, Missouri, Tennessee, North Carolina, Alabama, Oklahoma and Ohio have all attracted more than 25,000 names apiece - entitling them an official response from the administration. In the context of the US population of 312 million, however, the numbers involved are minuscule. Some 700,000 people in total are estimated to have signed so far - around 0.2% of all Americans. Even Texas's 118,000 signatures - the most of any state - represent less than 0.5% of its inhabitants. These tiny figures actually set Americans apart from their counterparts in other major Western countries.»

Cela était écrit le 10 décembre 2012. Nous-mêmes écrivions, vingt-cinq jours plus tôt, le vendredi 16 novembre 2012, et selon des appréciations chiffrées qui semblaient indiquer que, depuis cette date et compte tenu du bilan à-la-Jon-Kelly, les signatures cessèrent brutalement, voire même régressèrent, ainsi que le nombre d’États de l’Union concernés… «Le 15 novembre 2012, le site Washington’s blog publiait une longue analyse du mouvement, donnant surtout des détails chiffrés, des déclarations, des appréciations, etc., ainsi que les détails des diverses pétitions embrassant les cinquante États de l’Union. Russia Today en donnait également une appréciation le même 15 novembre 2012. Au travers de ces diverses sources, on peut apprécier l’ampleur, le rythme du mouvement, son sérieux, etc… A 18H00, mercredi [14 novembre], le cap des 675.000 signatures électroniques pour toutes les pétitions était dépassé (selon Washington.blog). A minuit, ce même mercredi on atteignait 703.326 signatures (selon Russia Today). Alex Jones, de Infowars.Com, affirmait, dans son émission du jeudi soir [15 novembre], que le million de signatures avait été dépassé. (A ce moment, la pétition du Texas atteignait 107.000 signatures.)»

• Essayons d’être sérieux… Le fait est que les sites intéressés par le mouvement (laissons la presse-Système hors de cela, dans son enclos) ont en général le rythme Internet et passent aisément d’un sujet l’autre, d’autant que les sujets nous pressent. (Dès le 14 novembre, l’attaque de Gaza, dite “Pilier Défense”, commençait à enterrer les affaires américanistes dans le swing de l’accélération de l’Histoire, – réélection de BHO, affaire Petraeus, affaire des pétitions…) Ils savaient évidemment que cette affaire de pétitions était une bonne action de communication, mais qu’elle n’irait pas jusqu’à provoquer une sécession. Donc, on était passé à autre chose et l’article de BBC.News vient à son heure, comme un retour de flamme sur une peur rétrospective du Système, sur une affaire d’ores et déjà oubliée et sur laquelle on peut désormais gloser à loisir et fort sarcastiquement, en la qualifiant de “minuscule”… Puis, tout récemment, voilà qu’Infowars.com, l’un des initiateurs des pétitions-sécession, revient sur le sujet, sous les plumes d’Alex Jones et de Joseph Watson. Les deux hommes protestent contre le sort qui serait fait à une pétition lancée par eux-mêmes pour “déporter” Piers Morgan, le Britannique du Daily Mirror passé à CNN et qui, selon Jones-Watson, a attaqué d’une façon inacceptable les droits constitutionnels des citoyens US en demandant une réglementation de fer sur la vente des armes, suite au massacre de Newtown. Mais tout le monde, à Washington où l’on sauve le sort du monde en déplaçant le bord de la “falaise fiscale” de quelques centimètres, rit de cette pétition (voir The Australian du 2 janvier 2013) ; et Jones-Watson ne se font aucun illusion et citent, ce 27 décembre 2012, le précédent des pétitions sur la sécession (manifestement, ils n'ont pas été voir l'évolution du décompte depuis la mi-novembre parce que, de toutes les façons, là n'est pas le problème)…

«Given the fact that the Obama administration has failed to respond to dozens of petitions advocating states secede from the union, it seems almost inevitable that the White House will also ignore the petition to deport Piers Morgan for his rhetorical assault on the constitutional rights of American citizens. […]

»However, a brief investigation into which petitions the Obama administration has actually responded to confirms that the White House merely cherry picks those it wishes to address and completely ignores others, violating its own rules. For example, the petition for Texas to secede from the union reached the threshold to warrant a comment from the administration on November 12 but has still not been addressed 45 days later. Dozens of similar petitions from other states also passed the threshold but have been ignored, despite the total number of signatures for all states equaling well over a million. In contrast, petitions calling on Obama to enact gun control measures in the aftermath of the Sandy Hook massacre, only three of which totaled over 25,000 signatures, were addressed within days.»

• … Et ce dernier point, certes, d’un intérêt certain. Qui peut comparer cette rigolade (Jon Kelly, de BBC.News, s’en marre encore) de la sécession-today à l’immense événement du massacre de Newtown, considéré dans le monde comme un tournant fondamental, disposant d’une couverture médiatique phénoménale et ainsi de suite ? Ainsi est-on en droit d’attendre que les citoyens US, si fortement concernés dans le fait que ce massacre réactualise le problème du contrôle des ventes d’armes à feu aux USA, et dans les deux sens d’ailleurs (pour et contre), le feraient savoir par le canal idéal des pétitions de la Maison-Blanche ; et nous ajouterions que l’on verrait bien alors, à l’importance comptable et quantitative, – qui ont l’air d’être, sans surprise, les références de Jon Kelly, – de cet événement par comparaison avec celui, ridicule, des pétitions-sécession, la différence d’importance des choses. Nous avons donc été voir le 1er janvier 2013 sur le site des pétitions de la Maison-Blanche, la page réservée à la réponse de la Maison-Blanche et aux pétitions concernant cette question du contrôle des ventes d’armes après le drame de Newtown.

On y trouve, du chef de cabinet adjoint du vice-président, une réponse circonstanciée et fort bien balancée (personne n’est vraiment mis en cause, la plupart des possesseurs d’armes à feu étant jugés comme sains d’esprit). La réponse n’est pas datée, par prudence peut-être, mais elle a du être mise en ligne après le 19 décembre puisque cette date avec une intervention du président sont mentionnées ; il y a 33 pétitions sur le sujet des armes à feu (et aussi sur celui du statut des personnes psychologiquement déséquilibrées), et des pétitions dans les deux sens (la plus importante, avec 197.073 signatures reste assez ambigüe, puisqu’elle demande que le Congrès examine la question du contrôle des armes sans indiquer dans quel sens il devrait légiférer, ce qui ressemble plus à une manœuvre qu’à une pétition : «Immediately address the issue of gun control through the introduction of legislation in Congress»). Le total des signatures de ces 33 pétitions est de 554.630, et l'on peut alors comparer avec les résultats obtenus par les pétitions-sécession dans les mêmes conditions de durée… Cela amène à la question de savoir si un tel nombre de personnes intéressées à ce problème (monsieur Kelly, de BBC/News, fera les comptes pour le pourcentage qui sera au moins d’un tiers, et sans doute de beaucoup plus inférieur à celui des pétitions sur sécession), qui fait entrer de toutes les façons le processus dans la rubrique «In the context of the US population of 312 million, however, the numbers involved are minuscule», implique que le problème soulevé à Newtown, dans l’émotion qu’on sait, intéresse encore moins les citoyens US que celui de la sécession.

• Tout cela pour introduire notre “sujet du jour”, tout cela pour avertir qu’il était improbable que la susdite presse-Système nous informe d’une façon normale sur un sondage concernant la “sympathie” ou le “sentiment positif” qu’éprouvent différents groupes sociaux aux USA à l’égard de la sécession. C’est par conséquent sur le blog de Lew Rockwell, le 31 décembre 2012, qu’on trouve relayé un commentaire d’un sécessionniste acharné, Kirkpatrick Sale du Middlebury Institute, ; lequel relaie lui-même un commentaire… Mais nous vous laissons lire la courte dépêche.

« Bill Regnery, a long-time supporter of the secessionist movement, has sent me notice of a nationwide poll on popular support for secession as measured by a poll by the well-respected Public Policy Polling outfit of Raleigh, NC, that Wikipedia has described as “Democratic-leaning and accurate.” The poll, taken among 700 people in late November and issued on December 4, 2012, has a margin of +/- 3.7 points. Here is a report he sent of the “interesting to remarkable” poll results, along with pertinent comments:

»Secession is viewed positively/sympathetically by: • 46% of Hispanics, 14 million, and 31% of whites, 49 million. We need to crank this irredentist sentiment into our calculations. • 50% of conservatives. This is by far the most support from by far the largest group, 41 million, of ideological supporters. By comparison 19% of liberals, 14 million, fall into this category. • 35% of women and only 29% of men. We should discard the notion that women cannot be recruited. • 50% of 18-29 year olds. We need to hunt where the ducks are.

»The lessons are obvious: Let’s go hunting.»

…Il est probable, sinon certain pour Lew Rockwell, que les divers personnages cités ne sont pas convenables. (Rockwell, ami intime de Ron Paul, avait été catalogué comme “raciste” et inspirateur de Paul à cet égard, lors de la polémique sur les newsletters de Ron Paul, à la fin 2011.) Peut-être ne sont-ils pas convenables, mais que dire de monsieur Jon Kelly et des milliers d’autres de son acabit, qui analysent les affaires avec cette espèce d’incroyable attitude postmoderniste et attitude-Système consistant à déployer tant de flagornerie pour plaire à l’idéologie sans laquelle leur intelligence aurait autant de colonne vertébrale qu’un éclair au chocolat («Il a autant de colonne vertébrale qu’un éclair au chocolat» disait le vice-président Teddy Roosevelt du président McKinley dont il jugeait qu’il s’inclinait beaucoup…). Les nombreux Jon Kelly n’ont d’ailleurs pas vu, lors de leurs divers mépris (question de la sécession) et épanchements (question de la tuerie de Newtown), combien ces questions de la sécession et du contrôle des armes sont liées, tant un grand nombre d’Américains considèrent la possession libre des armes comme un droit constitutionnel (2ème amendement) mais aussi, désormais de plus en plus fermement, comme un moyen de défense contre les forces coercitives (Dieu sait s’il n’en manque pas, par les temps qui courent) du gouvernement, ou du Système, dont ce même gouvernement, ou Système, voudrait les priver, – et cela ne fait-il pas une bonne cause de sécession ? (Cette dernière idée rejoignant l’absence de légitimité du gouvernement central, dès l’origine des USA, que nous jugeons être comme une des principales raisons, cachées sinon seulement comprises, du goût des citoyens américains pour les armes.)

Enfin, faisons le travail des divers Kelly qui trouvent ridicule et vraiment shockingly dépassée cette vieille lune d’idée de la sécession. Le sondage que Rockwell porte à notre connaissance, qui vaut bien en valeur, par référence à l’institut qui l’a réalisé, ceux des prestigieux instituts nationaux et internationaux couverts de fric-Système, donne quelques enseignements extrêmement intéressants. Le plus intéressant, évidemment, celui que n’a pas manqué de remarquer implicitement Rockwell si l’on en croit son titre («Viva Secession !»), c’est le sentiment de la communauté hispanique qu’il faut envisager sur l’arrière-plan de l’état d’esprit général dit de “remexicanisation”. Ce sentiment se marie aisément avec (deuxième enseignement intéressant) l’énorme penchant des conservateurs pour le même thème, conservateurs qui sont légions dans le Sud, où l’ont trouve également des légions d’Hispaniques… Imaginez la vulnérabilité des États de la zone dans ce contexte. L’intérêt de la combinaison est que l’on trouve rassemblées deux forces complémentaires, également tournées contre le centre washingtonien pour des raisons différentes et également complémentaires, la tranquille hégémonie hispanique dans les États frontaliers du Mexique et l’agressivité défensive et centrifuge des conservateurs du Sud.

Le troisième enseignement intéressant, c’est la proportion énorme des jeunes qui voient avec “sympathie” l’idée de sécession. Ce sont certainement les mêmes jeunes qui ont applaudi Ron Paul tout au long de sa campagne électorale si étrangement écourtée. Dans ce résultat somme toute étonnant se cache peut-être un hideux secret du Système. On sait que l’évolution du Système dans son mode de surpuissance est tournée vers la déstructuration et la dissolution, ce qui implique déstructuration et dissolution, également, de l’enseignement (public), de l’esprit de l’enseignement, du goût du savoir et des attitudes de respect et d’ordre qui vont avec. En favorisant cette course naturelle du Système, tous les systèmes d’enseignement son atteints, y compris ceux qui diffusent de l’enseignement favorable au Système, et, dans ce cas, au système de l’américanisme. Du point de vue de ce dernier, c’est un énorme échec et un signe de l’effondrement de lui-même que de n’avoir pas su dispenser chez ses propres jeunes gens la même considération sacrée d’un sacrilège insupportable pour les USA dans le chef de la volonté de sécession qui fut la cause de la Guerre de sécession, plutôt dite Civil War dans le langage officiel, pour dissimuler l’outrage. Si cette hypothèse est la bonne c’est alors qu’on pourra considérer avec admiration la capacité d’autodestruction se substituant à la capacité de surpuissance du Système lui-même.

Pour le reste et d’une façon générale, ces diverses considérations nous confortent dans notre idée centrale que l’éclatement, la désintégration, la sécession constituent le risque fondamental, la fragilité considérable des USA, sa vulnérabilité structurelle permanente et aujourd’hui exacerbée, et sans doute le motif de la plus grande panique possible des autorités du Système. Par conséquent, tout ce qui va dans ce sens nous rapproche d’un événement fondamental pour notre crise terminale du Système.


Mis en ligne le 2 janvier 2013 à 06H23