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438On sait que le Royaume-Uni est sous les eaux, encore bien plus que la Bretagne, et que cela dure depuis des semaines, au rythme des tempêtes venues de l’Atlantique, – et, pour certains, de la crise climatique. Les hommes politiques ont chaussé leurs bottes en caoutchouc d’au moins sept lieues et s’en vont, se baladant dans les dizaines de centimètres d’eau qui baignent les villages et les campagnes. La Tamise elle-même est, selon les bruits qui courent dans les commentaires de la presse-Système, à son “plus haut niveau historique”. (Depuis 60 ans ? Depuis plus avant, ou plus en arrière dans l’histoire ? Laissons cela et gardons l’effet d’annonce du “niveau historique” car seul l’effet importe dans le fonctionnement du Système.)
L’événement climatique est assez durable, et assez accablant dans ses effets propagés par le système de la communication et la perception que ce mouvement dispense, à cause même de la surpuissance du Système et des conséquences multiples qu’il engendre lui-même par l’influence de ses annonces, pour faire revenir à la surface (comme c’est le cas de le dire par analogie tentante) le grand thème de la question climatique. Il s’agit bien sûr de l’argument fondamental de communication de la crise climatique, c’est-à-dire, pour nous, la grande crise de la destruction du monde par le Système. (On est, là, très loin des polémiques sur le global warming, bien entendu. Ce cas spécifique n’a pour nous qu’un intérêt très accessoire en soi, et sa vertu n’existe que dans le fait qu’il s’insère dans la crise d’effondrement du Système et qu’il l’accélère. Ce désintérêt pour notre part a été fixé depuis longtemps et n’a fait que s’accentuer, – voir le 18 juillet 2011, «Inconnaissance, climat, “Derrida, Deleuze & Cie», dans la partie «Le sexe climatique des anges».) Ce débat a resurgi au Royaume-Uni à l’occasion d’une offensive politicienne qui ne surprend pas, qui prétend d’abord mettre en accusation le gouvernement tory-libéral dans le chef de l’opposition travailliste. (Un sondage de The Independent montre que 6 Britanniques sur 10 accusent le gouvernement d’incompétence, et 48% contre 30% des Britanniques attribuent les intempéries à la crise climatique.) Cette soupe politicienne, et bassement par définition, n’empêche pas que le débat qu’elle fait ressurgir est quelque chose de sérieux, c’est-à-dire la chose la plus sérieuse qu’on puisse imaginer, et qui ne cesse de se faire de plus en plus pressante (voir nos Notes d’analyse “sur le thème de l’apocalypse”, le 8 février 2014).
C’est ainsi que Ed Miliband, le chef du parti travailliste, s’est adressé à l’Observer le 16 février 2014, pour avertir le monde politique britannique que, – surprise, surprise, – la question du climate change, ou “crise climatique”, est une question centrale de sécurité nationale...
«Britain is sleepwalking towards disaster because of a failure to recognise that climate change is causing the extreme weather that has blighted the country for more than a month, Ed Miliband has warned. The Labour leader says in an interview with the Observer that climate change is now an issue of national security that has the potential not only to destabilise and cause conflict between regions of the world, but to destroy the homes, livelihoods and businesses of millions of British people...»
Cette affirmation qui semble être faite comme un coup de tonnerre n’est rien moins que nouvelle, particulièrement pour les Britanniques, comme on le rappelle également dans le texte déjà référencé (le 8 février 2014). On sait en effet que la première alerte officielle sérieuse et institutionnalisée sur la “crise climatique” comme crise centrale de la destruction du monde, et par conséquent comme crise de sécurité nationale de première dimension, est venue du Royaume-Uni à l’automne 2006 avec le “rapport Stern”. Au reste, trois jours avant Miliband, le même Lord Stern qui rédigea ce rapport avait publié un texte dans le Guardian (le 13 février 2014) pour rappeler les termes de l’alarme, et de l’urgence de cette alarme, qui figuraient déjà dans son rapport d’octobre 2006...
«The devastating floods and storms sweeping Britain are clear indications of the dangers of climate change, according to Lord Stern, the author of a 2006 report on the economics of climate change. Writing in the Guardian, the crossbench peer said the flooding and storm damage demonstrate the need for Britain and the rest of the world to continue to implement low-carbon policies to reduce the probability of greater tragedies in the future...»
On sait que des conditions climatiques exceptionnelles touchent également les USA (très nombreux articles là-dessus, comme celui d’Accuweather.com, du 13 février 2014). Pourtant, aucun débat sur le climate change là-bas, où la majorité du monde politique, des caciques du parti républicains aux “complotistes” épisodiquement antiSystème d’Infowars.com, est plutôt du côté climatosceptique (il est impensable d’espérer trouver une majorité pour la thèse du climate change au Congrès, ce qui réduit l’argument de victimisation des climatosceptiques à une manœuvre de communication classique). Même chose en France, touchée par les tempêtes bretonnes : le système de la communication dans ce pays, et le monde politique dans la foulée puisque le sujet n’est de toutes les façons pas sur son “agenda” bouclé sur les thèmes essentiels de survie de la civilisation, des questions du racisme, du féminisme, du mariage gay, etc., ne sont guère intéressés par la question climatique. A cet égard, et si ce n’est qu’un hasard le hasard fait bien les choses, la France molle du président-poire confirme sa ligne spécifique d’américanisation. (La situation française est cocasse dans sa grandeur décadente : de toutes les façons, la France ne dit rien contre le “grand allié” américaniste, sauf lorsque Merkel engage rudement Hollande à s’orienter vers des mesures disant implicitement cela, – comme dans l’entente, “forcée” par les Allemands, sur le projet de faire un réseau-data indépendant de celui des USA, – voir Russia Today, du 16 février 2014. C’est ce qu’on nomme un conflit d’allégeance.) Dans ces cas cités concernant la crise climatique, dans leurs interprétations des points de vue politiques et de communication (l’aspect scientifique ne nous intéressant pas), il n’y a rien de nouveau, absolument rien. Il s’agit de positions qui dépendent de ce qui a été défini comme le “big Now, ou l’«éternel présent» (voir le 29 janvier 2014), c’est-à-dire les positions figées par la crise d’effondrement du Système.
Que les Britanniques aient une position en flèche sur la crise climatique, qui ressort à chaque événement du genre au niveau de la communication, ne peut surprendre aujourd’hui. Ils entretiennent cette position depuis Thatcher au printemps 1989, à la conférence de Rio sur l’environnement, et ils l’ont montré en 2006 avec le rapport Stern, complètement soutenu par le gouvernement Blair. C’est moins une position délibérée et fondamentale qu’une spécificité de la psychologie britannique, qui entretient avec délice certaines contradictions internes, en même temps que des positions inspirées par les thèmes d’“humanisme universaliste” que favorisent certains courants de pensée britanniques. A côté de l’alignement complet sur la ligne de l’américanisation, le Royaume-Uni ne cesse, lorsque les événements le sollicitent, de réaffirmer sa position radicale au sein du bloc BAO sur ce sujet spécifique de la crise climatique. (Bien entendu, c’est toujours le domaine de la communication, qui n’engendre guère d’actions spécifiques mais nourrit les troubles de la psychologie et des nécessités de cohésion du bloc BAO.) L’intérêt de la séquence actuelle est dans ce que, depuis 2006, les variations diverses du débat accessoire sur la crise climatique nous ont largement rapprochés du débat sur ce que nous nommons “la crise de destruction du monde” qui, lui, met en cause le Système et ses conséquences. (Voir le 31 octobre 2013 sur «La résistance populaire, facteur géophysique de la crise d’effondrement», où l’on voit des scientifiques, partisans d’une vision apocalyptique de la crise climatique, prôner comme seule issue la révolte populaire contre le Système. Voilà un exemple parfait de la seule utilité concevable du débat sur les causes et les conséquences du dérèglement climatique : lorsqu’il conduit à une mise en accusation du Système dont la responsabilité est totale dans la crise de destruction du monde, – la vraie crise du domaine, et la seule qui ne peut être déniée parce qu’elle a un caractère absolu.) On attendra donc avec intérêt les effets de cette alerte sur le climat (politique) au Royaume-Uni, par rapport au Système : puisque la ligne officielle dans ce pays est qu’il y a une crise climatique pressante et que les inondations ont mobilisé l’électorat dans ce sens d’une part, puisque d’autre part ce pays est, avec les USA, le pilier absolument fondamental du Système, notamment dans ses composantes financière, économique et commerciale.
Ce dernier point nous suggère la conclusion, qui est toute entière d’ordre symbolique, à propos de ces intempéries. On observera que les deux grandes manifestations climatiques de la période, susceptibles effectivement de ressusciter ou dans tous les cas d’alimenter le débat sur le climate change, se produisent dans les deux pays fournisseurs, producteurs et principaux serviteurs du Système. Cette fois, c’est une facette incontestable de l’humour britannique, le nonsense qui acquiert un sens lorsqu’on le considère du point de vue symbolique qui ne s’embarrasse guère des grands débats terrestres en cours sur la solidité et la couleur des briques qui nous tombent sur la tête.
Mis en ligne le 17 février 2014 à 10H45
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