Ukraine : Lindsey Graham à 180°

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Ukraine : Lindsey Graham à 180°

• Surprise, surprise : le sénateur républicain Graham, le plus pro-Zelenski des apparentés neocon, est contre l’aide que Biden et les neocon veulent envoyer à Zelenski. • La scène politique US est fluide. • Avec un texte de John Miles.

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On ne peut dissimuler le fait que cet événement est une surprise considérable, une nouvelle tout à fait inattendue. Comme les nouvelles réelles et plutôt à contre sens du Système aujourd’hui, elle met du temps à émerger parce que la presseSystème n’en fait pas ses choux gras.

Dès lundi, on crie victoire pour l’aide de 61 $milliards pour l’Ukraine (plus une trentaine de $milliards à Israël) parce que le vote préliminaire au Sénat a été positif, mais l’on découvre (le lendemain) que le Speaker et président de la Chambre Johnson n’est pas du tout d’accord pour la faire voter par son assemblée, et surtout (le surlendemain) que le sénateur Lindsey Graham (avec un “e” et non un “a” comme nous l’écrivons depuis des années) n’a pas voté cette loi et semble abandonner la cause ukrainienne. Le Washington ‘Post’ lui-même s’est fendu d’un article vivement critique, vitupérant le sénateur républicain traître aux neocon.

Si l’on accorde plus d’importance, comme on le devine, à la décision d’un seul parlementaire (Graham) qu’à celle d’un homme qui dirige la Chambre sans laquelle la loi voulue par le Sénat n’a aucune chance, c’est parce qu’il s’agit d’un symbole considérable d’une politique annonçant une orientation peut-être nouvelle pour cette politique. Nous avons souvent parlé de Graham : lisez ce que nous en disions le 21 décembre 2023, après d’autres textes du 18 mai 2023 ou bien du 23 septembre 2018.

Nous avons toujours mis en avant l’ambivalence considérable du personnage, entre son soutien à Trump et son action intérieure furieuse contre les actions des démocrates pour détruire Trump, et d’autre part son soutien indéfectible, hystérique, fou, au-delà de toute mesure, aux guerres extérieures de la politiqueSystème, si chère aux démocrates et dénoncée par Trump... L’on pouvait ainsi écrire le 18 mai 2023 :

« Le cas de Graham nous retient essentiellement par rapport à ses positions favorables à l’Ukraine et férocement antirussistes, alors qu’il dénonce le ‘Russiagate’ qui est la voie psychologique principale menant, aux USA, au soutien sinon au déclenchement de la guerre en Ukraine. Certaines interprétations sont tentantes à propos de Graham, sur base d’une opération de désinformation, ou complotiste si l’on veut. On en donne ici une esquisse sommaire mais très significative, venue d’un lecteur du texte de RT.com dont nous avons donné un large extrait :

» “Graham est un homme rusé. Il parle comme un conservateur légitime sur les questions intérieures pour s'attirer les faveurs des conservateurs américains, et c'est son appât ; cependant, il change constamment d'objectif pour manipuler l'élan conservateur en soutenant des guerres malhonnêtes pour un gouvernement qui, sur le plan intérieur, agit traîtreusement avec les conservateurs. Graham est un monstre. Il est comme un séducteur d'enfants qui enseigne aux enfants de six ans à aimer les adultes qui les violent”. »

Mais le cas est ici différent de ces interprétations, soir interrogatives, soit diffamatoires. Graham affirme certes son soutien complet à Trump qu’il juge être dans une position irrésistible.... Rien de vraiment original dans une telle posture manœuvrière. Mais il le fait en laissant tomber Zelenski et l’Ukraine après avoir soutenu quasi-hystériquement cette cause guerrière, – et cela, voilà qui est complètement nouveau (de même que cela nous en dit beaucoup sur la détermination de Trump de parvenir à liquider le conflit ukrainien). L’important au niveau du Congrès, c’est que la politiqueSystème perd l’un de ses principaux meneurs, l’un des plus influents et des plus efficaces. Cela renforce notablement le courant anti-guerre chez les républicains ; pour l’immédiat, cela nous signifie que Zelenski est loin d’emporter la victoire pour cette aide de 61 $milliards des USA.

... Quant à l’explication du changement d’attitude de Graham, outre le poids de l’influence de Trump et la puissance de sa position chez les républicains, le champ reste ouvert à des hypothèses moins conventionnelles tant cette politiqueSystème et les soutiens affectivistes qu’elle suscite restent en partie une énigme pour la raison.

Ci-après, un texte de John Miles du 14 février sur l’événement de la prise de position de Lindsey Graham.

dde.org

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Zelenski perd un soutien de poids

Lindsey Graham (SC-R), longtemps considéré comme l’un des principaux défenseurs d’une politique étrangère américaine musclée au Sénat américain, a provoqué une grande sensation  cette semaine lorsqu’il a voté à plusieurs reprises contre une aide financière pour l’armement de l’Ukraine et d’Israël.

Les observateurs ont été surpris par la volte-face du législateur de Caroline du Sud sur la question, étant donné que Graham était l’un des principaux négociateurs du projet de loi de compromis. Face aux inquiétudes suscitées par le grand nombre de migrants à la frontière sud des États-Unis, les conservateurs de base ont soutenu à plusieurs reprises que la réforme de l’immigration était une préoccupation plus urgente que la poursuite du financement des alliés étrangers.

De longues discussions ont eu lieu au début de cette année, au cours desquelles Graham a travaillé avec un groupe bipartite de sénateurs pour répondre aux problèmes de sécurité aux frontières dans le cadre de l'évolution du programme d'aide étrangère. Mais ces derniers jours, les politiques de l’année électorale ont apparemment fait dérailler la législation de compromis, les républicains alignés sur Trump cherchant à priver Biden d’une victoire législative perçue avec l’adoption d’une réforme de l’immigration tant recherchée.

Mais au-delà des aléas capricieux de la politique américaine, une autre dynamique est à l’œuvre, puisque même les “faucons” de la politique étrangère comme Graham ont fini par se rendre compte que la guerre par procuration de l’Ukraine contre la Russie, soutenue par les États-Unis, a échoué.

L’échec de cet effort sur le champ de bataille est évident depuis longtemps, la fameuse “contre-offensive” ukrainienne de l’année dernière dans le Donbass n’ayant pas réussi à progresser contre les forces russes. Même les médias américains ont eu du mal à décrire de manière positive le déclin de l’armée ukrainienne.

Mais plus récemment, le conflit par procuration US en Ukraine a également connu un échec politique.

« J’ai parlé au président [Donald] Trump aujourd’hui et il est fermement opposé à ce plan [d’aide étrangère] », a expliqué Graham dimanche. « Il pense que nous devrions faire de ce genre de livraison d’armes un prêt et non un don. »

Le tournant complet de Graham, qui avait insisté il y a moins d'un an pour que le président américain Joe Biden redouble d'efforts pour aider le président ukrainien en difficulté Zelenski lors d'une visite à Kiev, suggère qu'un changement sismique est en cours concernant le soutien américain à l'Ukraine, et peut-être la politique étrangère américaine dans son ensemble.

L’ancien président Trump a remporté la victoire en 2016 en partie grâce à son programme “America First”, promettant de se concentrer sur les préoccupations intérieures plutôt que sur les guerres étrangères. Trump a sévèrement critiqué la guerre en Irak de 2003, contre l’avis de l’establishment républicain et des grands médias américains. Au milieu de la lassitude suscitée par l’engagement militaire américain au Moyen-Orient qui dure depuis des années, le message a trouvé un écho auprès des électeurs.

Aujourd’hui, alors que le président démocrate Joe Biden préside les conflits soutenus par les États-Unis en Ukraine et en Israël, le sentiment anti-guerre s’est à nouveau rassemblé derrière le mouvement MAGA de Trump.

« S’opposer à Trump [sur le financement de l’Ukraine] en ce moment est une condamnation à mort », a fait remarquer un député républicain anonyme, soulignant le changement politique au sein de la base du parti contre le soutien à Kiev. Le nouveau paradigme conservateur de politique étrangère menace également de porter atteinte à l’OTAN, Trump insistant sur le fait que les pays européens devraient contribuer davantage de leurs propres fonds à l’alliance militaire dirigée par les États-Unis.

Les néoconservateurs américains ne sont pas les seuls à faire face récemment à un rejet politique. Le président Zelenski est confronté à sa propre crise, avec des personnalités éminentes à l’intérieur et à l’extérieur de son gouvernement signalant une opposition croissante à l’échec de son effort de guerre. Les observateurs pensent qu’un coup d’État de palais est imminent alors que le dirigeant ukrainien s’efforce d’éliminer l’opposition au sein de son cabinet.

Le mécontentement du Washington Post face au revirement politique du sénateur Graham n’est pas surprenant, étant donné que le propriétaire du média, Jeff Bezos, est l’un des plus grands sous-traitants de la Central Intelligence Agency des États-Unis. Si Graham reconnaît apparemment que la victoire de la Russie n’est qu’une question de temps, Langley n’aura sans doute plus d’autres options que de critiquer les législateurs par l’intermédiaire de ses porte-parole médiatiques.

Les républicains, quant à eux, semblent prêts à se présenter contre le président Biden, dans un contexte de crise à la frontière sud des États-Unis et à Kiev.

John Miles