Ukrisis-12 : La guerre du Pentagone

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Ukrisis-12 : La guerre du Pentagone

• A chacun sa guerre en Ukraine ! • Le Pentagone fait la sienne : ‘fuiter’ quelques vérités vers ceux de la presseSystème qui les acceptent. • Histoire d’éviter la guerre avec la Russie. • Contributions : dde.org et Joe Lauria, rédacteur en chef de ‘ConsortiumNews’.

On connaît le caractère impitoyable et l’importance considérable de la “guerre de la communication” qui se livre autour et au cœur de la guerre de l’Ukraine. On pense naturellement qu’elle se livre entre la Russie et le bloc-BAO harnachée du petit dernier, l’exquis Zelenski. Ce n’est pourtant pas si simple, puisqu’avec l’Amérique, le joyau du bloc, “pourquoi faire simple quand l’on peut faire compliqué ?” On ne s’étonnera donc pas de l’analyse que nous livre Joe Lauria, rédacteur en chef de ‘ConsortiumNews’, sur la guerre que le Pentagone conduit contre le département d’État, le Congrès et la presseSystème.

Lauria développe deux points particuliers des nouvelles de la guerre et met en évidence l’intervention du Pentagone, et notamment de la DIA (‘Defense Intelligence Agency’, ou “la CIA du Pentagone”), pour torpiller des canards correspondants qui ont été repris avec enthousiasme par la presseSystème. C’est une bataille à multiples facettes : dans les cas évoqués, il s’agit pour le Pentagone aussi bien de tenir à distance certains pouvoirs bellicistes (le département d’État et sa pompière-pyromane Victoria Nuland, et le Congrès comme incroyable et totalement irresponsable caisse de résonnance du bellicisme absolu) ; que d’arriver à convaincre certains dans la presse Système de publier des informations contraires à ce qu’ils répètent à plus-soif, tandis que d’autres (New York Times et Washington Post en tête) s’y refusent.

On a déjà eu des exemples plus directs, sous la forme de décisions et de prises de position, de la politique du Pentagone cherchant par tous les moyens à combattre le risque d’un conflit ouvert entre les USA et la Russie. Il y a eu la décision de retarder un essai de tir d’ICBM dans une période cruciale, et le refus brutal de l’opération d’inspiration polonaise de livrer des MiG-29 à l’Ukraine à partir d’une base US (Ramstein) en Europe. Les fuites d’informations véridiques pour contrer la narrative belliciste sont une autre sorte d’armes pour mener cette guerre.

Joe Lauria écrit en chapô de son article :

« Deux fuites provenant du Pentagone ont révélé les mensonges de la ‘presse MainStream’ [presseSystème] sur la façon dont la Russie mène la guerre en Ukraine. Le but du Pentagone est de contrer la propagande visant à faire entrer l'OTAN dans le conflit. »

ConsortiumNews’ est le site fondé en 1995 par Robert Parry, journaliste indépendant venu d’Associated Press et représentant une tendance de gauche antiguerre et ennemie de l’impérialisme US. ‘ConsortiumNews’ est une publication de la presse alternative de très grande qualité, et reconnue comme une référence de journalisme d’investigation, et dont la valeur professionnelle rend pathétique le travail des grands titres de la presseSystème depuis un quart de siècle.

A une occasion, lors du vingtième anniversaire de la fondation de sa publication, avant sa mort en 2018 et bien avant cette Ukrisis de 2022, Robert Parry avait décrit sa conception du travail de journaliste dans notre époque des “temps-devenus-fous” :

« Lorsque j’étais jeune reporter, on m’apprit qu’il y avait presque toujours deux points de vue sur une nouvelle, et souvent plus. On attendait de moi que je recherche ces points de vue alternatifs, que je ne les rejette pas ou que je fasse comme s’ils n’existaient pas. J’ai également compris que pour trouver la vérité, il fallait souvent creuser sous la surface et ne pas se contenter de l’explication commode qui se trouve proclamée en surface.

» Mais les grands médias occidentaux ont commencé à voir le journalisme différemment. Il leur a semblé étrangement de leur devoir de ne plus mettre en question l’histoire officielle, même lorsqu’elle comporte des trous importants et n'a aucun sens, même lorsque les preuves vont dans une direction différente et que des analystes sérieux contestent la pensée collective.

Parry aurait eu du pain sur la planche s’il avait vécu cette folle Ukrisis-2022. L’équipe qui lui a succédé a évidemment repris le flambeau, comme on le voit avec cet article du Joe Lauria du 23 mars 2022. Son titre initial est : « Le Pentagone largue des bombes de vérité pour éviter une guerre avec la Russie ».

dde.org

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Une bombe inédite : la vérité

Le Pentagone est engagé dans une bataille serrée avec le Département d'État américain et le Congrès pour empêcher une confrontation militaire directe avec la Russie, qui pourrait déclencher l'horreur la plus inimaginable de la guerre.

Le président Joe Biden est au milieu de cete mêlée. Jusqu'à présent, il s'est rangé du côté du ministère de la défense, affirmant qu'il ne peut y avoir de zone d'exclusion aérienne de l'OTAN au-dessus de l'Ukraine pour lutter contre les avions russes, car « cela s'appelle la troisième guerre mondiale, d'accord ? Mettons les choses au clair, les gars. Nous ne déclenchrons pas la troisième guerre mondiale en Ukraine »."

« Le président Biden a été clair sur le fait que les troupes américaines ne combattront pas la Russie en Ukraine, et si vous établissez une zone d’exclusion aérienne, certainement pour faire respecter cette zone d'exclusion aérienne, vous devrez engager les avions russes. Et là encore, cela nous mettrait en guerre contre la Russie », a déclaré le ministre américain de la défense, Lloyd Austin, au début du mois. Le plan de l'administration est de faire tomber le gouvernement russe par une guerre économique, et non militaire.

Mais la pression exercée sur la Maison Blanche par le Congrès et la presse pour que l'OTAN soit directement impliquée dans cette guerre est implacable. Le président ukrainien Volodymyr Zelenski, salué comme un super-héros virtuel dans les médias occidentaux, hésite entre l'ouverture à la négociation d'un accord de paix avec la Russie et la demande faite à l’OTAN de “fermer le ciel” au-dessus de l'Ukraine. Pour sauver son pays, il semble prêt à risquer de mettre en danger le monde entier. 

Pendant ce temps, les médias occidentaux, qui dépendent presque exclusivement de sources ukrainiennes, affirment que la Russie est en train de perdre la guerre, que son offensive militaire est “au point mort"” et que, par frustration, elle a délibérément ciblé des civils et rasé des villes.

Biden a adhéré à cette partie de l'histoire, qualifiant le président russe Vladimir Poutine de « criminel de guerre ». Il a également déclaré que la Russie planifiait une attaque chimique “sous fausse bannière” en l’attribuant à l’Ukraine. 

Mais mardi, le Pentagone a pris l'initiative de divulguer aux journalistes deux articles qui contredisent ces affirmations. « La conduite de la Russie dans cette guerre brutale raconte une histoire différente de l’opinion largement acceptée selon laquelle Vladimir Poutine a l'intention de démolir l'Ukraine et d'infliger un maximum de dommages aux civils - et elle révèle le jeu d'équilibre stratégique du dirigeant russe », a rapporté Newsweek dans un article intitulé « Les bombardiers de Poutine pourraient dévaster l'Ukraine. Mais il les retient. Voici pourquoi ».

L'article cite un analyste anonyme de la Defense Intelligence Agency (DIA) du Pentagone, qui déclare : « Le cœur de Kiev a à peine été touché. Et presque toutes les frappes à longue portée ont visé des cibles militaires ».

Un officier de l'armée de l'air américaine à la retraite, qui travaille désormais comme analyste pour un contractant du Pentagone, a ajouté : « Nous devons comprendre le comportement réel de la Russie. Si nous nous contentons de nous convaincre que la Russie bombarde sans discernement, ou [qu']elle ne parvient pas à infliger davantage de dégâts parce que son personnel n'est pas à la hauteur ou parce qu'elle est techniquement inepte, alors nous ne voyons pas le véritable conflit. »

L'article dit :

« Depuis le week-end dernier, en 24 jours de conflit, la Russie a effectué quelque 1 400 sorties de frappe et tiré près de 1 000 missiles (par comparaison, les États-Unis ont effectué plus de sorties et tiré plus de missiles le premier jour de la guerre d'Irak en 2003). [...]

» Une partie de ces frappes ont endommagé et détruit des structures civiles et tué et blessé des civils innocents, mais le niveau de mort et de destruction est faible par rapport à la capacité de la Russie.

» “Je sais qu'il est difficile ... d'admettre que le carnage et la destruction pourraient être bien pires qu'ils ne le sont”, déclare l'analyste de la DIA. Mais c'est ce que les faits montrent. Cela me suggère, au moins, que Poutine n’attaque pas intentionnellement les civils, qu'il est peut-être conscient qu'il doit limiter les dégâts afin de laisser une porte de sortie pour les négociations”. »

Ces sources du Pentagone confirment ce que Poutine et le ministère russe de la Défense disent depuis le début : au lieu d'être “bloquée”, la Russie exécute un plan de guerre méthodique pour encercler les villes, en ouvrant des couloirs humanitaires pour les civils, en laissant intactes les infrastructures civiles comme l'eau, l'électricité, la téléphonie et l'internet, et en essayant d'éviter autant de pertes civiles que possible.

Jusqu'à ces fuites du Pentagone, il était difficile de confirmer que la Russie disait entièrement la vérité et que les médias institutionnels publiaient des fables inventées par la machine publicitaire de l'Ukraine.

Le deuxième article met directement à mal l'avertissement dramatique de Biden concernant une attaque chimique sous faux drapeau. Reuters rapporte : « Les États-Unis n'ont pas encore vu d'indications concrètes d'une attaque imminente d'armes chimiques ou biologiques russes en Ukraine, mais ils surveillent de près les flux de renseignements pour les détecter, a déclaré un haut responsable de la défense américaine. »

L'article cite le responsable du Pentagone qui aurait déclaré : « Rien n'indique qu'il y ait quelque chose d'imminent à cet égard à l'heure actuelle. » Ni le New York Times ni le Washington Post n'ont publié l'article de Reuters, qui est publié par U.S. News and World Report, publication moins connue. 

Joe Lauria