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5423• Les règles de l’isolement : Russie ou bloc-BAO isolé ? • Aux origines de ‘Ukrisis’, selon Ray McGovern. • La puissante attaque russe sur Yavoriv : rien de moins que la destruction complète d’une base de l’OTAN.
Il y a une “guerre mondiale” en développement accélérée derrière notre ‘Ukrisis’, et “guerre” qui n’en est pas une au sens traditionnel puisqu’hybride et asymétrique. L’une des “batailles”, – symbolique et psychologique d’une part, économique d’autre part, – est celle de l’isolement de l’adversaire. Les forces énormes de la communication du bloc-BAO ne cessent de répéter que la Russie est effectivement isolée du reste du reste du monde, notamment depuis le vote à l’Assemblée Générale de l’ONU du tout début du mois.
Ryan McMaken, du Mises Institute, consacre une longue étude ce 16 mars, pour répondre à cette question. Il en examine les divers aspects, de la véritable signification du vote de l’ONU à la position de nombre de pays, aux comparaissions de leurs PIB, etc. Le titre de son analyse est: « La Russie est loin, d’être aussi isolée que Washington aimerait que vous le croyiez ».
Les deux derniers paragraphes donnent sa conclusion, en posant comme condition de ce qui serait une victoire de Washington l’embrigadement des pays concernés dans les règles et l’application des sanctions anti-US.
« La grande question est maintenant de savoir comment Washington va répondre aux autres pays qui refusent de prendre le train des sanctions. Si les États-Unis décident de se contenter d’“envoyer un message” par le biais de sanctions et de s’en tenir là, ils n’auront guère à s’inquiéter du maintien de bonnes relations avec leurs partenaires commerciaux et géopolitiques. Même les relations avec la Chine se poursuivraient en grande partie normalement. Mais il devient évident que la plupart des régimes du monde n’ont pas l'intention de jeter volontairement la Russie dans les ténèbres. Cela signifie que si les États-Unis veulent véritablement isoler la Russie, ils devront menacer et contraindre d’autres régimes qui ne sont pas d’accord avec eux sur ce point.
» Les États-Unis se retrouvent alors dans une situation où ils doivent dépenser un capital géopolitique précieux pour contraindre des partenaires potentiels tels que l’Inde, le Pakistan et le Mexique à suivre la ligne des sanctions. Il reste à voir jusqu’où les États-Unis sont prêts à aller. S’ils vont jusqu’au bout, ils endommageront les relations avec leurs alliés et cela pourrait finir par limiter la position géopolitique des États-Unis. C'est, bien sûr, exactement ce que Moscou et Pékin aimeraient voir. »
Notre conclusion, à nous, est que, dans l’état d’esprit et de fureur où se trouvent les dirigeants et les élites américanistes, et selon le fait que l’application des sanctions est la seule politique que Biden peut suivre pour réduire l’accusation de non-intervention au secours des Ukrainiens qui est portée contre lui, les Etats-Unis ne sont pas prêts, mais obligés à aller très-très loin.
« Il reste à voir jusqu’où les États-Unis sont prêts à aller. S’ils vont jusqu’au bout... », remarque McMaken ; si l’histoire et l’expérience nourrissent la logique des temps-devenus-fous, ils ne peuvent faire autrement qu’aller “jusqu’au bout”, avec conséquences.
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Une fascinante vidéo sur le blog d’‘Antiwar.com’, le 4 mars 2022. Nous avions beaucoup moins fréquenté ‘Antiwar.com’, surtout depuis la mort de Justin Raimondo en 2017. Pourtant, ce site fut, avec Stratfor.com alors convenable, au printemps 1999 lors de la guerre du Kosovo (notre site n’existait pas encore et nous travaillions alors sur la Lettre d’Analyse ‘dedefensa & eurostratégie’), l’une des deux premières sources-internet de notre histoire, – marque pour nous de la naissance de ce qui devint ‘Notre ‘Samizdat’ globalisé”. Nous avions tort de le moins fréquenter, ‘Antiwar.com’ reste excellent, notamment pour cette ‘Ukrisis’, et avec une foule de formidables collaborateurs. Dont acte pour ces jours difficiles, ‘Antiwar.com’ doit être parmi votre carnet de favoris.
Cette vidéo du 4 mars 2022 est excellente (avec des sous-titres en anglais très clairs, qui facilitent la compréhension.) On y trouve deux vieux, prestigieux et héroïques guerriers de l’antiguerre/antiSystème, John Mearsheimer & Ray McGovern. Ils vous exposent la situation de cette crise et, surtout, son origine. (« Si Poutine fait le sale travail, le véritable et seul responsable sont les États-Unis » dit et répète Mearsheimer.)
Nous nous arrêtons plus précisément à l’ancien officier de la CIA Ray McGovern et à ses explications sur l’origine de l’origine, c’est-à-dire ce qui conduisit au ‘coup’ du 22 février 2014 à Kiev, notoirement manigancé par les USA. Personnage central, explique McGovern : Victoria Nuland, toujours à la manœuvre aujourd’hui alors que sa carrière de poseuse de bombes à retardement a commencé, à haut niveau, en 2005 comme ambassadrice des USA à l’OTAN.
McGovern rappelle la fameuse vidéo du 4 février 2014 nous donnant à entendre Nuland et l’ambassadeur US à Kiev Jeffrey Pyatt préparant le ‘coup’ à Kiev (voir le 7 février 2014). McGovern :
« Ce fut le ‘coup’ le plus flagrant de l’histoire. Il fut préparé sur ‘Youtube’ 18 jours plus tôt, avec cette conversation entre Nuland et Pyatt... Apparemment, personne n’y a prêté beaucoup d’attention, et même Poutine ne jugea pas nécessaire de rentrer à Moscou alors qu’il assistait aux Jeux Olympiques de Sotchi.. [Même avis d’Obama (!), voir le 2 février 2015] [...]
» Maintenant, juste un petit retour en arrière de quelques mois. Pourquoi Nuland, qui fut dans l’équipe de Cheney et qui est archi-neocon, pourquoi Nuland jugea-t-elle qu’il fallait doubler les Russes en Ukraine et les éjecter ? Il faut revenir en 2013 quand le président Obama, à son crédit, voulut éviter de s’engager dans une nouvelle guerre au Moyen-Orient , [contre la Syrie, en août et surtout septembre 2013]. Les neocons et autres bellicistes voulaient qu’il parte en guerre et lui, il eut la réaction intelligente de dire : “Non non, il faut d’abord consulter le Congrès”... »
Finalement, après diverses péripéties (entre le 21 août et le 10 septembre 2013), Obama contint les pressions pour la guerre et c’est Poutine qui vint finalement à son secours en proposant la destruction, acceptée par Assad, de tout l’arsenal chimique syrien. C’est à ce moment, dit McGovern, que la confiance entre Obama atteignit son plus haut niveau et le New York ‘Times’ ouvrit ses colonnes au président russe pour un article célébrant la nécessaire entente entre les USA et la Russie. Poutine dit qu’il pensait que la confiance grandissait entre Obama et lui, mais il termina son article par un paragraphe ajouté à la main et par ses soins, où il critiquait l’exceptionnalisme américain, – ce qui ne lui fut jamais pardonné par le ‘DeepState’.
Pourtant et par conséquent...
« Ce fut le summum de nos relations avec la Russie, en septembre 2013. Il ne fallut même pas un an, mais six mois aux neocon pour renverser la situation et déclencher le ‘coup’ du Maidan à Kiev. »
Une priorité s’était urgemment imposée aux neocons : trouver un autre point de fusion que la Syrie pour empêcher un arrangement entre les USA et la Russie, comme l’épisode de septembre 2013 le rendait possible. Le reste, jusqu’au ‘coup’ de Kiev de février 2014, est connu. La version de McGovern écarte alors l’idée d’un ‘grand dessein’ géopolitique, de cette inévitable référence à Brzezinski, pour retrouver la constante des ‘straussiens’ que sont les neocons de chercher l’irréfragable poursuite d’un antagonisme hégémonique des USA, dans ce cas avec la Russie puisqu’en septembre 2013 Poutine s’était dressé contre la probabilité d’une guerre américaniste imposée à Obama. Ainsi est-on conduit, selon cette version, à écarter l’‘Ukrisis’ comme une crise/une guerre en soi, mais comme un outil pour empêcher l’apaisement d’une tension nécessaire à l’hégémonisme américaniste.
Dans ce cadre d’appréciation, on comprend combien le rôle d’une Nuland est essentiel : on la retrouve partout, y compris au Sénat pour témoigner de l’existence des fameux ‘biolabs’. Fabuleuse carrière, presque hollywoodienne.
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Il y a une semaine ont eu lieu des frappes aériennes russes beaucoup plus ambitieuses que tout ce qui a été mis en œuvre jusqu’ici, – jusqu’à celle de dimanche, avec une salve de missiles de croisière ‘Kalibr’, semble-t-il. Les frappes ont eu lieu près de la frontière polonaise, comme autant d’avertissements lancés à l’OTAN que des convois d’armes venant de l’extérieur à destination des Ukrainiens seront considérés comme des “cibles légitimes”, sans regard pour leur nationalités. Selon ‘ZeroHedge.com’ :
« Jeudi et vendredi, la Russie a commencé à frapper des cibles dans l'ouest de l'Ukraine, près de la frontière polonaise [...] Dimanche, de nouvelles informations font état d'attaques majeures, cette fois à une dizaine de kilomètres à peine de la frontière polonaise... [...]
» Le Wall Street Journal, citant des sources ukrainiennes, affirme que 35 personnes ont été tuées dans un centre d'entraînement militaire : “Huit missiles ont frappé l'installation à Yavoriv, une base où jusqu'au mois dernier la Garde nationale américaine entraînait les troupes ukrainiennes”, indique le rapport. “Peu après la frappe, des ambulances ont été vues se précipitant vers la base, et des troupes ont été vues en train de partir”.
“Les images diffusées sur les médias sociaux montraient des bâtiments détruits et un terrain de parade jonché de débris, avec de la fumée s'élevant des ruines”, poursuit le WSJ. ”La frappe a blessé 134 personnes et a détruit et endommagé certaines casernes, selon le bureau du gouverneur de Lviv.” »
L’attaque de loin la plus dévastatrice du 13 mars a eu lieu contre la base de Yavoriv, à 25 kilomètres de la frontière polonaise de l’Ukraine. En fait, on peut simplement avancer qu’il s’agit de rien de moins que la destruction d’une importante base de l’OTAN par des frappes russes dont l’efficacité, la puissance et la précision décisives contrastent avec tout ce qu’on a pu ressentir de l’action russe jusqu’ici en Ukraine. Cette fois, les Russes n’ont exercé aucune contrainte sur eux-mêmes, avec l’argument supplémentaire qu’aucun civil “hors-conflit” ne pouvait être touché, et ils ont agi en toute impunité, sans alerte au sol, montrant ainsi qu’ils ont dégradé décisivement la défense anti-aérienne ukrainienne. Selon Finian Cunningham qui donne un article très documenté sur cette affaire (‘Strategic-Culture.org’, le 17 mars), les missiles ont été tirées de Russie et ont accompli un parcours de 1 000 kilomètres, qui rend encore plus significatif leur tir.
Cunningham explique que Yavoriv est (était ?) le nœud central d’accueil, de triage et d’entraînement des volontaires étrangers pour se battre en Ukraine contre la Russie, ainsi que la base d’accueil du flot d’armements venus des pays de l’OTAN.
« Cela signifie que la Russie vient de donner aux États-Unis et à ses alliés de l'OTAN un avertissement clair et grave. Toute arme ou tout mercenaire envoyé en Ukraine, quelle que soit sa distance par rapport aux forces principales de la Russie dans l'est de l'Ukraine et quelle que soit sa proximité avec les frontières de l'OTAN, sera détruit, – complètement. [...]
» Cela laisse les États-Unis et leurs alliés face à un terrible dilemme. Cette semaine, Biden a annoncé une nouvelle aide militaire d’un $milliard au régime de Kiev. Ce soutien “sans précédent” s'ajoute à l'aide militaire estimée à un $milliard que l’administration Biden a déjà fournie à l'Ukraine l'année dernière. Le président a déclaré que des milliers d'unités supplémentaires de munitions antiaériennes à longue portée et de missiles antichars Javelin allaient arriver. Radio Free Europe, réseau public US, a rapporté : “Biden a déclaré que l’Ukraine recevra 800 systèmes antiaériens Stinger supplémentaires, 9 000 armes antichars, 7 000 armes légères et 20 millions de munitions”.
» Après le raid aérien russe de choc sur Yavoriv, la Maison Blanche a également indiqué que les combattants étrangers envoyés en Ukraine pourraient être formés dans des “pays tiers”. Cela place Washington et les partisans otaniens du régime de Kiev face à un énorme problème logistique : comment faire entrer toutes ces armes et ces combattants étrangers potentiels sur le territoire ukrainien sans se faire pulvériser par les missiles de croisière russes ?
» À moins, bien sûr, que les États-Unis et leurs alliés ne soient prêts à entrer en guerre avec la Russie. Cela semble peu probable, car Washington sait que cela conduirait à un anéantissement nucléaire. D'où le rejet continu des appels de Kiev en faveur d'une zone d'exclusion aérienne renforcée par l'OTAN en Ukraine.
» Dans ce cas, il n'y a qu'une seule voie viable à suivre. Les États-Unis et leurs alliés de l'OTAN doivent arrêter le flux d'armes vers l'Ukraine et faire savoir au régime de Kiev qu’il doit négocier un accord de paix avec Moscou. »
C’est en effet un véritable dilemme car la politique de Biden serait bien de laisser durer la guerre, notamment selon un argument politicien qu’on pourra perdre son temps à juger cynique. La machine électorale du parti démocrate US, qui se trouve dans une position intérieure très difficile pour les élections de novembre prochain, a décidé de modifier complètement sa stratégie en la basant désormais sur le soutien et l’aide à la résistance ukrainienne. C’est donc autour de cette question du flot d’armes et de volontaires étrangers, cette dynamique constituant de plus en plus le nœud et l’essentiel de la capacité de résistance de l’Ukraine, que la situation va devenir de loin la plus dangereuse : après l’élimination de Yavoriv et l’annonce de son remplacement par des installations dans un “pays-tiers”, il y aura désormais des cibles hors d’Ukraine pour la Russie, sans aucun doute dans un pays de l’OTAN, tout cela ayant été dûment annoncé publiquement et officiellement par le vice-ministre russe des affaires étrangères Riabkov :
« Nous avons averti les États-Unis que le transfert orchestré d'armes provenant d'un certain nombre de pays n’est pas seulement une manœuvre dangereuse, c’est une manœuvre qui transforme ces convois en cibles légitimes... »
Mis en ligne le 18 mars 2022 à 15H45