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4599• Une rencontre de circonstance et de conceptions a eu lieu entre deux des 4 pays, la Pologne et la Hongrie qu’on jugeait en complète rupture à cause d’‘Ukrisis’. • La Pologne soutient à fond la Hongrie contre l’UE de Bruxelles qui veut la priver d’une partie de ses fonds européens. • ‘Ukrisis’ est plus complexe qu’on croit et Pologne et Hongrie, deux pays conservateurs et de tendance traditionnaliste antimoderne, ont des revendications territoriales sur l’Ukraine. • La démarche entre dans la logique d’‘Ukrisis’ et rejoint paradoxalement ses aspects les plus profonds.
Considérées sur les positions de terrain et les engagements réciproques par rapport à ‘Ukrisis’, on dirait que la Hongrie s’est complètement isolée du ‘Groupe de Visegrad’ regroupant quatre pays d’Europe de l’Est au sein de l’UE (Hongrie Pologne, Slovaquie, Tchéquie). Surtout et d’abord, on avancerait que les ponts sont complètement rompus entre la Hongrie, – ‘neutre’ sinon hostile vis-à-vis de Zelenski, et ‘neutre’ et plutôt bienveillante vis-à-vis de Poutine, – et la Pologne, premier soutien de Zelenski et hystériquement anti-Poutine. Eh bien non ! Ce n’est pas si simple parce que rien n’est simple dans ‘Ukrisis’, ensemble crisique qui comprend la guerre en Ukraine, mais bien d’autres segments crisiques autour de cet événement, et ces segments étant dans des directions très variées et parfois opposées.
... D’où cette prise de position tonitruante de la Pologne vis-à-vis de la menace de la Commission Européenne de priver la Hongrie d’une partie des fonds européens qui lui sont destinés. (Bien au-delà d’ailleurs, puisque se font entendre certaines voix très extrémistes selon le ‘chic’ politique actuel et conforme-Système, dont celle largement irresponsable du ministre tchèque des affaires étrangères, – la Tchéquie assure la présidence temporaire de l’UE, – qui veut l’exclusion de la Hongrie de l’UE à cause de sa position appréciée comme amicalement ‘neutre’ vis-à-vis de la Russie... Bonne chance pour cela, camarade.)
Voici donc, de RT-France :
« Le Premier ministre polonais a fait savoir qu'il n'accepterait pas de voir la Hongrie coupée d'une partie de ses financements européens. Bruxelles exige des réformes anti-corruption de Budapest et envisage de la priver de 7,5 milliards d'euros.
» La Pologne a assuré le 18 septembre qu'elle s'opposerait à “toute démarche” de Bruxelles visant à priver la Hongrie de 7,5 milliards d'euros de financements européens. La Commission européenne a pointé le même jour des risques de corruption dans ce pays, avec des “irrégularités” et des “carences” dans les procédures hongroises de passation des marchés publics, la proportion “anormalement” élevée de candidatures uniques pour ces contrats, ainsi que le manque de contrôle des conflits d'intérêt et de poursuites judiciaires en cas de soupçons de fraude.
» “La Pologne va s'opposer de toute force à toute démarche des institutions européennes visant à priver de fonds un pays membre, en l'occurrence la Hongrie, de manière absolument non autorisée”, a déclaré le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki lors d'un point de presse. Le chef du gouvernement conservateur polonais, lui aussi en tension avec Bruxelles qui l'accuse de non-respect de l'Etat de droit, a rappelé que son homologue hongrois Viktor Orban avait déjà préparé “un projet d'accord avec la Commission européenne”. »
L’attaque contre la Hongrie conservatrice et traditionnaliste est constante depuis plusieurs années et l’arrivée au pouvoir de Orban. Elle est le fait de la Commission, soutenue par et un grand nombre d’États-membres et un Parlement Européen hurlant et haineux (accusation votée le 14 septembre que la Hongrie n’est qu’un « régime hybride d'autocratie électorale », la pire race après les cafards et à égalité avec Poutine). C’est la situation-type de l’organisation supranationale totalitaire, ou le totalitarisme néo-libéral dans tous ses états et ses ébats, exigeant un respect complet des règles structurelles définies à sa façon (progressisme-sociétal, souveraineté réduite aux acquêts consentis par l’UE, démocratie antipopulaire et antipopuliste, etc.). La Hongrie résiste remarquablement, alors que sa position vis-à-vis de l’ensemble européen totalitaire s’est encore tendue depuis le 24 février du fait de sa position vis-à-vis de la Russie.
La Hongrie a manœuvré tactiquement en promettant 17 réformes en réponse aux exigences de Bruxelles. La Commission doit dire si elle est satisfaites, mais entretemps intervient la question la plus grave, de suspension du tiers des fonds de trois programmes, pour 7,5 €milliards. En effet, l’UE a déclenché en avril à l'encontre de la Hongrie une procédure jamais utilisée jusque-là, pouvant conduire, en application d'un mécanisme de “conditionnalité”, à suspendre des financements européens lorsque des atteintes aux principes de l'Etat de droit sont constatées.
Drago Bosnic, analyste en géopolitique, écrit dans ‘SouthFront.org’, à propos de la position de la Hongrie et de sa querelle avec l’Union Européenne les remarques suivantes concernant la querelle :
« Dans un rapport récent, Bloomberg a décrit le dilemme comme suit : “Mais alors que la plupart des États membres se sont engagés dans une course désespérée pour s'assurer des approvisionnements alternatifs en gaz avant l'hiver, Orban a renforcé les liens de son pays avec le Kremlin, exploitant les exemptions qu'il a demandées aux sanctions de l'UE pour obtenir des importations accrues de gaz en provenance de Russie”.
» Bien que les grands médias occidentaux [la presseSystème], n'aient cessé d'accuser la Hongrie de mener une prétendue “politique prorusse”, le fait est que Budapest ne fait que défendre ce que l'on ne peut décrire que comme de la realpolitik. Péter Szijjártó, ministre hongrois des affaires étrangères et du commerce, n'a cessé d'affirmer que la question de la sécurité énergétique requiert “une approche pragmatique et du bon sens au lieu de débats philosophiques et idéologiques”.
“La sécurité énergétique est la question la plus critique sur la scène politique internationale aujourd'hui, mais le sujet est aujourd'hui absolument surpolitisé et transformé en une question idéologique. La sécurité de l'approvisionnement énergétique devrait être une question de physique et de mathématiques qui concerne les ressources, les voies d'approvisionnement et le calcul des besoins énergétiques”, a déclaré Szijjártó lors du 27e Forum de l'énergie de Bakou, début juin.
Certains médias occidentaux rejettent même la faute sur la Pologne et affirment qu’elle “est restée jusqu'à présent un puissant obstacle à l'application par Bruxelles de sanctions significatives en matière d'État de droit”, alors que Varsovie a presque toujours été à l'avant-garde des politiques antirusses du bloc.
“Pendant des années de frustration à l'égard du gouvernement hongrois, M. Orban a été protégé du principal mécanisme disciplinaire de l'UE, connu sous le nom de procédure de l'article 7, par le soutien du gouvernement nationaliste de Varsovie, – car ce mécanisme nécessite lui aussi l'aval de tous les autres membres”, affirme le rapport de Bloomberg. “La guerre en Ukraine a détérioré les relations d'Orban avec le gouvernement polonais, qui a été l'un des plus ardents défenseurs d'une action ferme contre Poutine, mais pour l'instant, les Polonais soutiennent Orban”, conclut le rapport... »
En effet, c’est là qu’intervient la Pologne pour dire : rien à faire, nous voterons contre cette décision puisque son application dépend des États-membres. Le paradoxe est qu’aujourd’hui la Pologne pèse un poids considérable, peut-être le poids le plus considérable pour un État-membre au sein de l’UE, à cause de son rôle vis-à-vis de l’Ukraine ; et qu’elle affiche l’intention de mettre tout son poids pour défendre le pays qui est le plus hostile à une aide à l’Ukraine...
Comment expliquer la position de la Pologne ? Il faut d’abord se rappeler que la Pologne était dans une situation d’affrontement aigu avec Bruxelles avant le déclenchement de l’OMS russe le 24 février 2022, – et que les motifs d’affrontement demeurent, et qu’ils ne seront pas effacés par ‘Ukrisis’ parce qu’une bureaucratie totalitaire (celle de Bruxelles) ne lâche aucune de ses proies. Il ne s’agit pas des mêmes questions que celles qui affectent la Hongrie vis-à-vis de l’UE, mais il s’agit bien du sujet central, brûlant, que ces deux seuls pays affrontent frontalement alors que les autres, qui sont pourtant tout autant concernés, évitent la querelle. Il s’agit purement et simplement de la souveraineté nationale contre les affirmations supranationales et nécessairement totalitaires (les deux démarches sont indissolublement liées) de Bruxelles. Si la Pologne, comme la Hongrie, est l’objet de tels affrontements, c’est parce que la Pologne, comme la Hongrie, a un gouvernement conservateur largement appuyé sur la préservation des mœurs et de la culture de la tradition.
Nous avons très souvent parlé de cette position de la Pologne, de l’étrange contradiction qui la fait épouser la cause de deux pays ou entités rafistolées, – les USA et l’Ukraine zélenkiste, – qui sont à l’avancée des ‘valeurs” déconstructionnistes-modernistes, et s’opposer à un pays qui est le principal adversaire de ce courant progressiste-sociétal ; encore le 30 avril 2022 :
« Or, dans cet affrontement culturel-religieux (sociétal) nécessairement transnational puisqu’il constitue un des outils dialectiques principaux de la lutte de la dissidence antiSystème contre le Système, la Russie traditionnaliste de Poutine est aussi proche de la Pologne que la direction et les élites ukrainiennes gangrénées par la peste américaniste en sont éloignées. La passion antirusse [jette] la Pologne dans les bras de la direction politico-sociétale actuelle des USA, totalement corrompue par un nihilisme déconstructionniste marqué aussi bien par l’extension démente du wokenisme (que pensent la direction polonaise des LGTBQ+ dont le sénile Biden et l’hyper-corrompu parti démocrate sont les chantres ?) et du capitalisme progressiste et globaliste qu’on retrouve aussi bien chez Lockheed Martin que chez les GAFAM... »
Certains intellectuels continuent à argumenter en faveur de cette voie de rapprochement entre lac Pologne et la Russie, qui est pour l’instant complètement aveuglée par un torrent de “narrativisme” sans précédent et une politique totalement déconstructrice de l’Europe. Le 3 juillet, PhG présentait dans son ‘Journal’ une interview de l’historien et philosophe Alexander Bovdunov où l’on trouve exposés les principaux éléments de ce dossier Pologne-Russie :
« L’idée d’un rapprochement entre la Russie et la Pologne, si elle peut paraître totalement improbable aujourd’hui, est pourtant une des latences dans les relations entre les deux pays, surtout de la part de la Russie. Une tentative avait été lancée il y a douze ans par Medvedev-Poutine, mais elle avait été gravement compromise par la mort du président Kaczynski dans l’accident de son avion s’apprêtant à atterrir en Russie, puis emportée dans divers autres événements dont certains pourraient avoir été des manigances. (Donald Tusk, qui avait été l’interlocuteur des Russes pour un rapprochement, fut complètement retiré du circuit polonais pour devenir président de l’UE et virer au libéralisme-atlantiste pur jus.)
» Ce qui s’impose surtout dans les conceptions de Bovdunov, c’est l’idée de la tradition comme facteur unificateur, non seulement de l’Europe de l’Est, mais de l’Europe de l’Est avec la Russie, et surtout de la Pologne et de la Russie ; si l’on veut, une sorte d’“éloge de la tradition dans l’amitié”, la tradition telle qu’elle est entendue impliquant nécessairement l’amitié pour l’entretenir. On retrouve alors, pour les identifier et les dénoncer, toutes les contradictions et les malentendus caractérisant Ukrisis du fait de la manipulation du Système, via les directions déconstructrices US et l’outil de misère guerrière et de soumission quotidienne qu’est l’OTAN. L’on comprend évidemment que les notions identitaires de tradition, et leur adversaire direct qu’est la déconstruction moderniste, sont les véritables acteurs de la bataille d’Ukrisis, ce que nombre d’acteurs du côté européen semblent complètement ignorer. »
Quoi qu’il en soit, et puisque les contradictions, les ambiguïtés et le dilemmes sont les maîtres-mots des uns et des autres dans ce chaudron de folie enfiévrée, il faut les admettre et, pour en revenir à notre affaire polono-hongroise, s’en tenir à cette seule affaire pour l’occasion. Dans ce cas, quelle sont les éléments en jeu par rapport à la position de la Pologne, et avec les effets pour la Hongrie ?
• La Pologne fait, à l’occasion de sa prise de position favorable à la Hongrie, un volte-face dans ses préoccupations centrales. Elle reconnaît ce qu’elle n’a jamais cessé de proclamer : il n’est pas question de prendre une décision aussi discrétionnaire et totalitaire pour un pays qui ne doit être gouverné que par sa souveraineté nationale. Cela vaut pour la Hongrie, cela vaut pour la Pologne, et cela vaut d’autant plus pour eux que ces deux pays ont des liens et des préoccupations particulières. Comme l’écrit Bosnic en commentaire du rapport Bloomberg qu’il cite :
« Le rapport ignore clairement les siècles de liens étroits entre la Pologne et la Hongrie, ainsi que le fait que les deux pays sont déterminés à riposter à la guerre de Bruxelles contre les valeurs traditionnelles et à imposer des politiques néolibérales suicidaires qui ont effectivement déconstruit des sociétés européennes entières et instauré la dictature de l'UE bureaucratique postchrétienne. Bien qu'il y ait clairement une grande divergence de rhétorique sur la Russie entre Budapest et Varsovie, il semble que les deux pays d'Europe centrale considèrent leur coopération dans ce sens comme une préoccupation plus urgente. »
• La Pologne revient en force dans ce jeu parce qu’elle est, au sein de l’UE, en position de force à cause de sa position et de sa politique vis-à-vis de l’Ukraine. En défendant la Hongrie sur un point essentiel, elle défend sa propre position et mine l’autorité de l’UE. Il s’agit d’un rappel “par l’extérieur” que l’union des pays européens de l’UE tant célébrée à proposa de l’absurdisme politique de la clique Von der Leyen constitue un arrangement de façade. Nous dirions même que, devant l’échec monumental pour l’Europe de sa politique ukrainienne, toutes les rancœurs, les désaccords rentrés, les mésententes mal dissimulées vont apparaître au grand jour... Cela est d’autant plus envisageable qu’il n’y a plus aujourd’hui de grand pays leader en Europe, du fait de l’effondrement allemand ; si l’on veut un leader, on le trouve évidemment par rapport à l’Ukraine, et alors ce leader c’est la Pologne qui est justement en cause ici.
• Mais élargissons le débat ... Il n’est pas assuré également que les deux pays ne trouvent discrètement un autre terrain d’entente sur le dos de... l’Ukraine. La Pologne a des revendications implicites sur une partie de la Pologne, tout comme la Hongrie (une minorité magyare occupe des terres historiquement hongroises, qui furent rattachées à l’extrême-Ouest de la Pologne). Le FSB russe s’est beaucoup employé pour diffuser des informations selon lesquelles la Pologne a effectivement des plans prêts à être appliqués pour une annexion des territoires contestés.
D’une façon significative, les Ukrainiens ne haussent pas trop le ton parce que la Pologne est leur principal soutien mais on peut croire qu’ils n’en pensent pas moins, tout comme ils ne pensent pas moins de ce rapprochement Pologne-Hongrie face à l’UE alors qu’eux-mêmes (les Ukrainiens) ont autant de passion pour l’UE qu’ils en ont pour la Pologne. Dans le même sens, et là en s’interrogeant sur le degré réel de culture et d’intelligence des planificateurs impliqués, on laisse dire que les USA encourageraient implicitement les Polonais à des projets de la sorte... Mais qu’importe tout cela, ‘Ukrisis’ est d’abord le champ de manœuvre du désordre du monde et le banc d’essai du chaos des relations internationales.
Mis en ligne le 23 septembre 2022 à 08H50