Ukrisis et le simulacre de l’armement

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Ukrisis et le simulacre de l’armement

• Voici rassemblées quelques nouvelles consacrant les livraisons d’armes à l’Ukraine (armes US dans ce cas et en détails, européennes d’une manière générale en conclusion). • Les précisions réelles, du coté américaniste, reflète les extraordinaires méandres de l’immense marécage bureaucratique qui baigne le Pentagone. • Pour les livraisons réellement faites, on parle en années plutôt qu’en semaines, et l’on liquide les stocks en solde, dont l’armée US n’a plus rien à faire. • Pour les armes européennes, les rayons des grandes surfaces sont vides.

On sait, parce qu’on est au courant des choses, que les USA ont fait un gigantesque effort d’armement des forces ukrainiennes pour mettre la Russie en échec. Chaque effort des USA en pleine chute dégénérescence établissant une première dans le Guinness des records, ce gigantesque effort US devrait apparaître au bout du compte comme le plus massif des simulacres du domaine.

Ce qui est en cause est moins la capacité de production et de livraison des USA, qui n’est sans doute pas vraiment testée même s’il est notoire qu’elle est très basse, que l’extraordinaire paralysie bureaucratique du Pentagone et de l’énorme industrie parasitaire qui pompe ses $milliards déversés par centaines par un Congrès totalement inconscient. On trouve dans cette affaire, peut-être bien plus qu’avec la déroute afghane, tous les signes d’un empire en décomposition avancé.

Mardi, un certain nombre de médias de la presseSystème US annonçaient, ou plutôt claironnaient l’annonce imminente d’un “paquet” de 3 $milliards d’aide militaire supplémentaire à l’Ukraine... Un commentaire-standard précisait :

« Si cette annonce est confirmée, il s'agirait de la plus importante aide de ce type à ce jour. Washington est de loin le plus grand fournisseur de matériel militaire à l'Ukraine dans sa lutte contre la Russie. »

Puis vinrent les précisions, dont RT.com nous rend compteen dissimulant son sentiment à ce sujet

« Toutefois, certains des équipements promis “ne seront pas entre les mains des combattants ukrainiens avant des mois ou des années”, selon NBC News, l'un des médias qui a fait état de ce programme à venir. Il s'agit d'armes avancées qui sont encore en phase de développement, explique NBC News.

» La même mise en garde a été formulée par l'Associated Press, qui a indiqué qu'il faudrait “un an ou deux” pour que les armes atteignent le champ de bataille, selon ses sources. Washington s'attend à ce que les forces ukrainiennes “se battent pendant des années encore”, ont déclaré des responsables américains à l'AP. »

Un exemple nous est donné par ‘Defense News’, selon lequel le Pentagone avait promis en mars à l’Ukraine la “livraison rapide” de plusieurs centaines de drones Switchblade 600 d'AeroVironment. Actuellement, le Pentagone est en train d’examiner et de mettre en forme, au travers de ses nombreux services, un premier contrat, qui sera peut être signé en septembre ou en octobre, ou peut-être plus tard, pour la fabrication puis l’envoi en Ukraine de 10 de ces engins dits ‘kamikaze’ (qui s’écrasent sur l’objectif identifié).

Mais l’aventure des Switchblade 600 n’est bien entendu qu’un avant-goût. Là, on fait tout de suite beaucoup, plus gros ; des avions de combat pour l’Ukraine ! La victoire garantie, puisqu’il s’agit d’avions US (pourquoi pas des F-35 ? Zelenski pourrait en faire une série à la télé.)

... Eh bien, c’est-à-dire que... Il faut tempérer ses enthousiasmes. Les précisions sont d’hier, lorsque le sous-secrétaire à la défense Colin Kahl nous a donnés des nouvelles en provenance du Pentagone. En gros, avant de passer au détail ? On envisage toujours de livrer des avions de combat à l’Ukraine, mais « la décision finale » n’a pas encore été prise. De toutes les façons, lorsque cette décision sera “finalement” prise (favorable bien sûr, la cause ukrainienne l’exige mais la bureaucratie veut y ajouter son approbation), il faudra attendre au moins « plusieurs années » avant qu’une livraison effective puisse être envisagée, euh éventuellement. Mais pendant ce temps, l’Ukraine devra s’entraîner durement pour fournir le soutien à de telles merveilles technologiques à venir bientôt, car il faut pouvoir être “armé” d’expérience et de d’excellence pour « se permettre » d’avoir de tels systèmes...

Toujours RT.com, toujours aussi dangereux pour les esprits innocents et perméables à la propagande... Pourtant, il faut bien écouter monsieur Kahl, sa formidable “salade de mots camouflés” (Pentagone oblige), attentivement, dans toutes ses précisions. C’est un peu long, certes, mais si vous avez une bonne vieille chaîne d’arpenteur, vous pourrez mesurer le gigantisme de l’incroyable labyrinthe kafkaïen où sont engagés les généreuses décisions d’aider l’Ukraine jusqu’au dernier Ukrainien, disons pour les trente années à venir. (Par exemple, cette merveilleuse phrase : « Même si nous fournissons [les avions de combat] maintenant, ils n’arriveront pas avant plusieurs années » ; ou bien les circonvolutions pour laisser entendre qu’il faudra rembourser tout cela.)

« “En ce qui concerne les futurs avions, les avions de quatrième génération, par exemple, même si nous les fournissons maintenant, ils n'arriveront pas avant des années. Nous nous sommes donc concentrés sur les avions de combat dont ils ont besoin pour soutenir les efforts actuels de maintien dans l'est et peut-être pour lancer une contre-offensive”, a expliqué M. Kahl, évoquant la livraison récemment approuvée de missiles air-sol qui peuvent être utilisés par les avions de guerre restant dans l'inventaire ukrainien.

» “Je peux vous dire que la décision concernant les avions de combat reste sur la table, mais aucune décision finale n'a été prise à ce sujet. 

» Comme la livraison potentielle d'avions de combat est une question à l'avenir incertain, sa forme exacte ne pourra prendre forme que lorsque le conflit en cours atteindra une issue ou une autre, a suggéré le responsable, signalant des plans à long terme pour soutenir Kiev. 

» “Il pourrait s'agir d'un scénario dans lequel la guerre continue, il pourrait s'agir d'un scénario dans lequel la violence s'atténue parce qu’il y a un accord ou parce qu'elle se calme un peu”, a déclaré Kahl. “Mais même dans ce cas, les Ukrainiens auront besoin de défendre leur territoire et de dissuader toute agression future.”

» “Malgré tout, tout système d'armement, y compris les éventuels avions de combat, doit être durable et Kiev doit pouvoir se le permettre”, a souligné Kahl, suggérant que la somptueuse aide occidentale ne sera pas déversée en Ukraine pour toujours.

» “Nous essayons de déterminer très délibérément les systèmes qui, selon nous, sont les plus utiles pour l'Ukraine dans ce contexte, et qui sont également très importants, – peuvent-ils être entretenus et conservés en état de combat ?

» “Peut-elle se le permettre ? Parce que, bien sûr, vous savez, des milliards de dollars d'aide internationale ne sont pas, vous savez, ne seront plus disponibles à ce niveau dans dix ans, ou dans 20 ans. »

Les fonds de tiroir de l’US Army

Pourtant, une nouvelle beaucoup plus encourageante, et qui dément les propos des défaitistes qui dissimulent mal leurs tendances prorusses, – y compris Mr. Kahl ?  Elle est arrivée il y a trois jours, dans les colonnes extrêmement bien et objectivement informées du Washington ‘Post’. Le caractère très spécifique de ces armes conduit le quotidien à conclure qu’elles sont envoyées en Ukraine pour renforcer les forces ukrainiennes dans le sens de l’offensive, notamment pour les aider dans la contre-offensive massive sur Kherson, annoncée en mai pour juin et juillet, et qui semble à la fois impossible et abandonnée. Mais le ‘Post’ juge inutiles ces précisions qui, manifestement, sont largement orientées, sinon le produit de la désinformation russe. 

Il s’agit donc d’un lot proclamé de 800 $millions, concernant des armements spécifiques rompant avec la quincaillerie traditionnelle, de type plutôt défensif ou d’attrition (les lance-fusées ou obusiers HIMARS et M-777). Les équipements cités sont des véhicules ‘Humvees’ et  MRAP, utilisés depuis 1990 pour le premier,, depuis 2005 pour le second. Le MRAP, dont le développement approcha les 10 $milliards en 2003-2005, est hyper-blindé pour protéger des explosions et peut être équipé à l’avant du pare-chocs d’un rouleau de type herse qui déterre les mines et les fait exploser. Commentaire d’un officiel du Pentagone détaillant cette fournée d’armement pour l’Ukraine, et commentaire poussant le ‘Post’ à l’interprétation pour conclure, comme on l’a vu, que l’offensive déjà définitivement abandonnée aura définitivement bien lieu :

« Le déminage est un très bon exemple de la manière dont les Ukrainiens auront besoin de ce type de capacité pour pouvoir faire avancer leurs forces et reprendre des territoires. »

Les autres matériels sont des missiles antichars TOW qui datent des années 1970 et qu’on peut installer sur des ‘Humvees’, – ce qui a du sens ; et puis des canons antichars sans recul RAAWS (‘Ranger Anti-Armor Weapon System’), version US du ‘Carl-Gustav’ suédois de 1946 revu et modernisé en 1964, en 1991 et en 2014, avec 2 000 coups. 

Cette livraison, y compris la destination missionnaire qui lui assignée d’une offensive qui n’a pas eu lieu et n’aura pas lieu, est assez singulière pour soulever quelques questions ici et là. Le ‘Post’ y a sacrifié, un peu comme s’il voulait se couvrir. Il a donc interrogé un expert, et ainsi avons-nous pu retenir, en passant et comme par mégarde, la précision que tous ces matériels étaient sur le point d’être retirés du service en raison de leur obsolescence et précieusement placés au rebut ; alors, pourquoi pas en Ukraine ?.

 « Toutefois, Rob Lee, chercheur principal au Foreign Policy Research Institute et expert de l'armée russe, a déclaré au ‘Post’ que la composition du dernier lot d'armes n'est pas la preuve d'une contre-offensive imminente

» Le Pentagone pourrait simplement puiser dans les stocks dont il s'est déjà séparée pour éviter d'envoyer d'autres armes de pointe en Ukraine. Par exemple, les États-Unis prévoyaient déjà de retirer du service les Humvees, les MRAP et les missiles TOW

» “Je ne serais pas surpris qu'il y ait un élément économique dans tout cela”, a conclu M. Lee. »

Pérégrination d’un simulacre

Une longue déclaration d’un “expert” en conclusion, d’une certaine façon pour illustrer l’extraordinaire voyage que constituent les commentaires et reportages des “journalistes” et “experts” du bloc-BAOdans la grande plaine austère d’Ukrisis que l’on décrit comme un champ de roses, chacune  figurant comme autant de mensonges qu’il importe de cueillir, marchant pour cela sur une terre hostile semée de champs de mines prêtes à exploser en autant de vérités-de-situation. On lit donc les propos d’un expert américaniste parlant à l’hebdomadaire allemand ‘Der Spiegel’. Assez curieusement, il vient, lui l’américaniste, parler des livraisons d’armes faites et à venir des Européens à l’Ukraine, nous détachant ainsi des élucubrations du Pentagone.

Notre expert touille sa “salade de mots camouflés” à lui, pour nous annoncer que le soutien en armement apporté par les Européens aux Ukrainiens est en train de s’éroder et « qu’il n’est pas dans l’intérêt de l’Ukraine d’attendre son heure » (?)...

Alors, il précise que les Ukrainiens feraient bien d’agir avant d’avoir de moins en moins d’armes,
qu’il est temps pour eux de lancer la contre-offensive qu’ils ne peuvent pas lancer,
qu’il est temps pour eux de reprendre Kherson,
qu’ils ont beaucoup d’hommes sur le papier et très peu sur le terrain, mais
qu’heureusement en face les Russes ne sont pas si à l’aise qu’il y paraît,
que de toutes les façons il faut que l’Ukraine agisse avant l’hiver sinon c’est l’impasse et la défaite, 
que de toutes les façons ils ne peuvent pas agir, 
et que..., et que...

Cette intervention est extrêmement significative des difficultés dialectiques, littéraires et narrativistes qui, à un moment ou l’autre, devront être affrontées par une masse très importante, – entre 110 et 120%, – du grand et petit personnel la presseSystème, quant à la nécessité de rendre compte de l’évolution de la situation en Ukraine. Il est certain que le silence complet sur les vérité-de-situationimpossibles à maquiller sera utilisé au plus qu’il est possible pour n’avoir pas à remplir cette pénible mission (“rendre compte de...”). Il est tout de même probable qu’à un moment ou l’autre, à cause d’événements particulièrement lâches et haineux, il faudra se résoudre à constater et à rapporter que la pluie mouille et que par temps d’épaisse couverture de nuage, le soleil ne brille pas. Quand on l’observera historiquement, plus tard, – à moins que la future-probable  Première ministre britannique Liz Truss ne tienne parole et ne déclenche un conflit nucléaire global, – on constatera que notre époque et cette Ukrisis ont été le théâtre du plus époustouflant camouflage, enfumage, masquage, occultation de la vérité-de-situation, pour faire tenir à peu près droit le plus extraordinaire simulacre de toute l’histoire de la communication portée à l’extrême de sa production dans l’ère de la modernité-tardive.

Suivent doncles pérégrinations de monsieur Michael Kofman.

« Les bailleurs de fonds européens de l'Ukraine pourraient être sur le point de mettre le pays “à la diète pour les munitions", a déclaré un analyste militaire américain dans une interview accordée au journal allemand Der Spiegel. Michael Kofman a déclaré que ces nations ont peut-être déjà atteint leur limite en termes de fourniture d'armes à Kiev.

» Dans un article publié mardi, Kofman a déclaré qu'il n'était pas dans l'intérêt de l'armée ukrainienne d'attendre son heure, car les conditions météorologiques vont bientôt se dégrader, rendant toute contre-offensive plus difficile à mettre en œuvre. En outre, selon l'expert américain, les troupes russes pourraient profiter d'une pause pour se regrouper et "résoudre certains de leurs problèmes de personnel".

» Il a noté que le temps serait du côté de Kiev si le soutien occidental était illimité. Toutefois, ce n'est probablement pas le cas, et les dirigeants ukrainiens en sont bien conscients, a suggéré Kofman. Il a ajouté que “les Ukrainiens sont apparemment très inquiets de savoir pendant combien de temps ils peuvent espérer un soutien supplémentaire, en particulier de la part des Européens”.

» L'analyste a poursuivi en suggérant que les bailleurs de fonds européens de Kiev pourraient avoir déjà "donné à l'Ukraine la plupart des armes qu'ils sont prêts à donner". “Les Ukrainiens vont probablement être mis à une sorte de diètes en matière de munitions”, a prédit M. Kofman.

» L’analyste a déclaré aux journalistes que, dans cette optique, les dirigeants de Kiev pourraient craindre que l'Ukraine “ne subisse des pressions pour accepter l'impasse” en l'absence de succès majeur d'ici le début de l’année prochaine. Un tel scénario “serait une défaite pour l'Ukraine”, a-t-il noté.

» Kofman conclut que la capacité de Kiev à récupérer les territoires saisis par la Russie dépend en fin de compte de l'ampleur du soutien occidental.

» Il a également reconnu “quelques petits succès russes dans la partie sud du Donbass, comme à Peski”, ajoutant toutefois que l'offensive est largement menée par les armées de la République populaire de Donetsk (RPD) et de la République populaire de Lougansk (RPL), ainsi que par des “mercenaires du groupe Wagner”.

» Interrogé sur la possibilité d'une contre-offensive ukrainienne pour reprendre la ville de Kherson, dans le sud du pays, actuellement tenue par les forces russes, Kofman a souligné que si Kiev dispose de beaucoup de personnel sur le papier, seul un nombre limité d'unités sont “réellement entraînées et équipées pour cela”.

» L'expert américain a également fait valoir que, simplement parce que les responsables ukrainiens disent qu'ils lanceront la contre-offensive, cela ne signifie pas nécessairement qu'elle se concrétisera réellement.

» Dans le même temps, il a déclaré à Der Spiegel que la position des Russes à Kherson est également assez vulnérable.

» Jusqu'à présent, cependant, à l'exception de la reprise de quelques villes de la région, les progrès de l'armée ukrainienne n'ont pas été “vraiment spectaculaires” près de Kherson au cours des trois derniers mois, a déclaré Kofman.

» Selon l'analyste, le gouvernement de Kiev est confronté à un dilemme : lancer sérieusement une contre-offensive plutôt risquée maintenant et s'assurer un soutien occidental supplémentaire ou accepter le nouveau statu quo. »

 

Mis en ligne le 26 août 2022 à 18H15