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3702C’était tombé au début de l’automne, en même temps qu’avait chuté la première feuille des platanes qui arborent leurs rousseurs de saison. L’exécutif français qui cumule la fonction de seul émetteur de propositions de lois et celle d’approbateur législatif, a fait savoir qu’il préparait des dispositions légales pour interdire le « séparatisme ». Allait-on sur un ton martial punir un mouvement autonomiste ou indépendantiste séparatiste corse, breton, ou savoyard ? Depuis quelques années déjà, le FLNC est sorti de la clandestinité et a renoncé aux attentats.
L’exécutif précisait la nouvelle doctrine de l’ensauvagement de hordes musulmanes résidant en France qui insuffisamment contrôlées revenaient à une posture naturelle d’informe, d’incivilisée, de sauvage. Un lexique inadapté prétend découper un nouveau champ politique. Le sauvage emprunte sa pente naturelle, l’isolement, le repli tribal et expose sa progéniture à un enseignement dangereux, celui de l’islamisme radical, opposé par nature à la loi républicaine.
La prémisse comme son articulation avec sa conséquence sont fausses.
En plus des 100 000 enfants non scolarisés parce qu’ils habitent des bidonvilles, des squats ou des hôtels sociaux, plus rarement il s’agit de mineurs isolés, près de 50 000 reçoivent dans leur famille une instruction intrafamiliale. L’instruction à domicile connaît un engouement ces dernières années, ils n’étaient que 35 000 en 2017 et tous les milieux sociaux sont concernés.
Si aux Usa, la motivation religieuse concerne un enfant sur six soustrait à l’école publique, en France il est impossible de fournir ce type de statistiques. Des raisons de santé motiveraient le choix des parents pour la moitié des cas. Des contrôles plus systématiques par des inspecteurs auprès de ces familles ont été mis en place depuis 1998 pour éviter les emprises sectaires. Ils auraient tôt fait de signaler voire de dénoncer une distorsion des choix éducatifs des parents en faveur d’un apprentissage religieux qui embrigaderaient les enfants.
Interrogé à ce sujet, l’actuel ministre de l’Education nationales a évoqué le chiffre de 2 000 à 3 000 enfants qui ‘peuvent poser problème et sont suivis de près’.
Dans le Val-d’Oise, étiqueté ‘quartier populaire’, 589 enfants étaient instruits en marge de l’école contre 325 l’année précédente. Cette augmentation de 81% relevée sur un échantillon minuscule est mentionnée dans un rapport sénatorial et aurait alerté les autorités. Un phénomène très localisé qui porte sur un petit nombre analysé sous le seul angle quantitatif a donné lieu à une loi qui abolira le principe de liberté d’enseignement et le droit pour les parents d’opter pour une pédagogie alternative. La fermeture à Saint-Denis d’une école clandestine qui accueillait une quarantaine d’enfants de 3 à 6 ans le 8 octobre 2020 dans des conditions sanitaires non réglementaires, en matière d’incendie notamment, est venue “étayer” la thèse de l’islamisme radical enseigné dès les premiers âges de la vie.
Comme souvent, une pure agitation médiatique sans substance vient suppléer à l’absence d’une politique qui estime n’avoir pas à tenir compte de la réalité pour énoncer des réformes inadéquates empilées en sédiments inféconds depuis des décennies. L’obligation de la scolarisation dès l’âge de 3 ans, inscrite dans la loi Blanquer de l’école de confiance en 2019, avait été déjà jugée par les professionnels inutile (97% des enfants sont déjà inscrits à cet âge) et très coûteuse ; 40 millions d’euros iront aux écoles maternelles privées, essentiellement confessionnelles sous contrat. Ainsi le phénomène d’un enseignement sectaire islamiste radical semble ultra-minoritaire, mais il motive néanmoins une campagne disproportionnée et un train de lois et de réformes. Du bruit.
L’articulation de cet argument inexistant d’une radicalisation au sein de familles prodiguant une instruction religieuse antirépublicaine avec son pendant, le terrorisme islamique, est frauduleuse. Aucun des actes terroristes perpétrés en France ces vingt dernières années n’a été le fait d’individus ayant bénéficié d’un enseignement religieux familial.
Mohamed Merah, le tueur à moto en 2012 à Toulouse et Montauban se serait adonné à une pratique religieuse assidue au cours d’un deuxième séjour en prison en 2008, peine effectuée pour un motif mineur en raison des sursis accumulés pour divers délits avant sa majorité. Il a voyagé en Afghanistan en 2010 sous l’œil complaisant du renseignement français, dûment alerté par les autorités douanières afghanes de son arrivée, puis au Pakistan l’année suivante.
Orphelins et placés en institution, Saïd et Chérif Kouachi, responsables de la tuerie de Charlie Hebdo en 2015, fréquentent à l’âge adulte un cercle de salafistes à Paris dans le 19ème arrondissement. Chérif au cours d’un emprisonnement en 2005-2006 se radicalise auprès d’un membre du GIA. Il est condamné en 2008 à une peine de trois ans pour association de malfaiteurs en vue d’une entreprise terroriste. Saïd aurait bénéficié d’un entraînement militaire auprès d’Al Qaïda au Yémen en 2011.
Parmi les auteurs de la tuerie du 13 novembre 2015 qui a fait 131 morts en région parisienne, Salah Abdeslam a eu un passé de petit délinquant, consommateur de drogues et d’alcool. Il est condamné en 2011 pour une affaire de vol. Il se serait radicalisé avec Brahim, l’un de ses frères six mois avant les attentats. Abdelhamid Abaaoud, commandant opérationnel présumé des attentats de novembre 2015, est un belgo-marocain qui a le même profil de délinquant avec de courts séjours en prison. En 2010, il y rencontre Salah Abdeslam. Il aurait commencé une pratique religieuse en 2012. Il rejoint la Syrie et il y fait allégeance à Daech en 2013.
Les profils de ces criminels sont désespérément monomorphes. Enfance perturbée, le père de Merah est un trafiquant de drogue que sa femme a quitté. La mère des Kouachi, prostituée occasionnelle, s’est suicidée. Tous sont passés par la case prison pour délinquance où ils ont acquis une détermination nihiliste qui a donné quelque consistance à une existence misérable, ‘Plutôt croire en Rien que ne rien croire du tout’. Chacun a été identifié par les services de renseignements français ou belge et parfois étasunien comme terroriste potentiel. Le prestige de Daesh, une milice sortie tout droit des centres de torture américains en Irak, a fasciné ces délinquants pour avoir créé un Etat avec des finances solides et attractives grâce en partie au pétrole volé et acheminé via une Turquie très complaisante pour de longs convois dont l’origine ne pouvait faire de doute. La chute de l’artefact Daesh, monstre qui a partiellement échappé au contrôle de ses créateurs étasuniens, pétro-monarchiques et européens a détourné les candidats-terroristes de cette affiliation.
La seconde vague de terrorisme qui a frappé la France se caractérise par un modus operandi low cost. En dehors de l’attentat au poids lourd qui a tué 86 personnes sur la Promenade des Anglais en 2016, l’arme blanche a remplacé les armes à feu. Les auteurs sont plus jeunes, moins marqués par la délinquance. Les trois derniers ont en commun d’être des émigrés récents. A l’évidence, aucun n’a reçu une éducation religieuse digne de ce nom. L’endoctrinement, quand il y en a eu un, s’est produit à l’âge adulte, le plus souvent en prison mais certainement pas auprès d’institutions ou d’écoles.
Ainsi, l’école à domicile pratiquée par les familles musulmanes qui serait la matrice de l’Islam sectaire est une proposition infondée. Les biographies des terroristes prouvent que leur lieu de formation est plutôt la prison. Prétendre lutter contre la radicalité islamiste en s’attaquant à la liberté d’enseignement est une aberration logique.
La volonté d’encadrer la formation des imams pour extirper le sectarisme est une mesure d’intrusion de l’Etat dans la vie religieuse d’une catégorie de Français, ce qui viole l’esprit de la laïcité. Il s’agit d’une renonciation à l’indifférence de l’Etat au phénomène religieux au sens où il légifère pour encadrer une Eglise. Sans fonction éducative particulière et sans formation académique spécifique, un imam ‘conduit’ la prière et, à cette occasion, il prononce des prêches et des sermons le vendredi, le plus souvent avec un contenu moralisant sans enseignement théologique. Les textes prononcés à cette occasion passent par les bureaux des renseignements généraux depuis des décennies. La ‘radicalisation’ est un processus clandestin qui se fait en marge de l’institution religieuse. Le contrôle absolu des mosquées par le pouvoir marocain par exemple n’a pas empêché dans ce pays l’émergence de cellules terroristes.
L’enchaînement de contre-vérités et de contresens tels qu’énoncés par l’exécutif ne résoudra en rien le phénomène d’un terrorisme internationalisé, miroir imparfait de l’internationalisme des agressions de la “communauté internationale” contre des pays musulmans par le biais des guerres interminables, des destructions, des pillages et la création de flux de réfugiés et de migrants. La mise en garde adressée à Washington par l’exécutif français de ne pas dégarnir en troupes l’Irak et la Syrie, pays meurtris par les guerres occidentales, est un plaidoyer, une supplication éhontée pour que soit maintenue l’occupation et les proxy djihadistes qui en sont devenus le prétexte. La perpétuation de tels abcès est une pérennisation des combattants de Daesh.
Multiplier les incursions au petit matin au domicile d’enfants de dix ans perçus par l’école publique chargée de délation car non suffisamment compliants avec les hommages républicains convenus aux victimes du terrorisme n’a aucune efficacité sur le la prévention de la radicalité. En revanche, ces dragonnades terrorisent les enfants sans réussir l’acte expiatoire de charger de toutes les fractures sociales le musulman, figure idéale du bouc émissaire depuis des décennies.
Le début du mandat de Monarc 1er a été marqué par une véritable accalmie médiatique sur le thème de l’Islam, de l’islamisme, du péril terroriste et du fanatisme religieux musulman. Les réponses inadaptées, apportées par Hollande aux attentats de 2015, toutes gonflées de proclamations martiales, amphigouriques, ont fait chuter le revenu généré par le tourisme. L’industrie du luxe, pourvoyeuse essentielle de soutiens électoraux, s’en était ressentie. Plus que la nécessité de se démarquer d’une extrême-droite cantonnée à un rôle de pure figuration, les intérêts des oligarques français ont infléchi ce thème pour le faire disparaître opportunément.
La pandémie de la Covid-19 a entraîné une chute drastique du tourisme. L’Organisation mondiale du Tourisme (OMT) prévoit une baisse de 70% par rapport à 2019. Libéré du besoin de ménager les affaires de l’avenue Montaigne, du Crillon et du Ritz, l’exécutif a de nouveau emprunté le discours politique de prédilection de ces dernières décennies, celui sur l’immigré, voleur de pain, envahisseur, non tégrable puis terroriste et maintenant séparatiste.
Les déclarations de Monarc 1er de début octobre 2020 qui avaient tout l’air d’être programmatiques pour la prochaine campagne, datent du 2 octobre et ont été antérieures aux attentats du jeune Tchétchène et du migrant Tunisien de Nice. L’attaque au couteau sur deux personnes non mortelle le 25 septembre près des anciens locaux de Charlie Hebdo par un jeune Pakistanais n’a pas pu être l’argument déclenchant d’une doctrine réfléchie depuis l’entrée officielle en récession de la France. En effet, le FMI a prévu une chute du PIB de près de 12% pour la France en 2019, bien plus sévère que pour les autres Etats de l’OCDE pour une moyenne de 10,2% pour la zone euro. Au sein de l’Union européenne, l’Italie et l’Espagne avec leurs -12,8% respectifs font à peine moins bien que les –12,5% français. Les “PIGS”, bientôt PFIGS, sont en train d’enrichir leurs rangs.
Le FMI, encore lui, devenu analyste politique international pour des figurants élus avec pour seule qualité une compétence théâtrale (Monarc 1er) et/ou télévisuelle (Berlusconi, Trump), prévoyait des mouvements de contestation sociale dans les pays où l’impact économique de l’épidémie n’aurait pas été suffisamment atténué. Cette hypothèse projetée très tôt, dès le mois d’avril, est bien à l’origine du dernier coude opéré à droite à la communication publique de Monarc 1er.
La contestation était manifeste bien avant les confinements, le mouvement des Gilets Jaunes et sa lourde répression aussi. La concentration du Capital entre un nombre de plus en plus petit de mains, l’augmentation du chômage et de la précarité de l’emploi qui en sont les corollaires obligatoires sont le signe fonctionnel de son existence. A l’œuvre sans retenue, elle appauvrit des couches sociales jusque-là épargnées par l’idée de révolte. L’endettement colossal de l’Etat pour faire affluer de l’argent vers les entreprises à l’activité réduite ou non par les confinements n’empêchera pas les faillites et les millions de chômeurs dans les mois à venir.
Toutes les mesures liberticides de la ‘Sécurité Globale’, celles qui criminalisent l’occupation des lieux d’enseignement par les étudiants insérées dans la loi ‘Programmation de la Recherche’ ne sont que des anticipations des manifestations, blocages et grèves à venir. Le dispositif ‘Séparatisme’ en fait partie intégrale en tant que contre-feu.
Monarc 1er a exposé les priorités de l’exécutif en supprimant plus de 4 000 lits d’hospitalisation pour la seule année 2018. Aucun lit de réanimation n’a été créé en prévision de la deuxième vague ; bien au contraire, le centre hospitalier de Nancy a supprimé des postes et des lits tandis que les urgences de l’Hôtel-Dieu de Paris ont fermé, le site a été vendu à Vinci qui y installera restaurants et hôtellerie de luxe. Les commandes de matériel de surveillance, drones miniaturisés, de grenades offensives, de munitions pour fusils d’assaut, de LBD, de blindés passées pour le compte du ministère de l’Intérieur dessinent au contraire le projet de l’exécutif.
Depuis longtemps et depuis la perte insigne de la souveraineté économique, budgétaire et monétaire de la France, au profit du Grand Capital, véritable auteur de la construction de l’Union européenne, cet exécutif n’a plus qu’une seule latitude, qu’un seul attribut, la Répression.
Les camouflets successifs qu’il a essuyés en Méditerranée orientale et dans le Caucase par le couple – très antagoniste – Fédération de Russie et Turquie, mettent à nu la perte de son influence. Sa domination résiduelle dans les anciennes colonies africaines, remise en cause par l’impérialisme anglo-saxon depuis la chute de l’URSS, s’amenuise à cause de ces mêmes puissances moyennes. Le chaos institué en Libye par le militarisme français a favorisé les interventions turques et russes dans la région, les lamentations de Monarc 1er n’y changeront rien. La Russie a aussi remis le pied en Afrique après une grande éclipse car elle a pris soin d’effacer 20 milliards de dollars de dettes africaines.
L’accord de partenariat économique signé entre 15 pays d’Asie, le 15 novembre dernier, a fait prendre conscience que le trio de tête, Japon, Corée du Sud et Chine, représente 5,6 mille milliards de dollars, soit mille milliards de dollars de plus que l’ensemble Usa-UE pour 2019. Le PIB de ces pays croîtra deux à trois fois plus vite dans les dix prochaines années que dans l’ensemble Usa et UE, selon la Banque mondiale.
Le petit coq déguisé en Monarc 1er peut taper du pied et bomber le torse, pour l’instant, il ne parvient pas à créer une unité de défense avec l’Allemagne, prête à lâcher de son côté le Nord Stream pour quelques avantages commerciaux avec les Usa. Il ne reste plus en effet au système que la répression d’une majorité que toutes les manœuvres classiques de diversion (le 1% puis le 0,1% des plus hauts revenus et des plus gros patrimoines) ne peuvent détourner de leur nécessaire union contre la misère. La seule séparation réelle et opérante, c’est celle du travailleur des moyens qui le font produire.