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3970Très péniblement et très-souvent d’une façon complètement invertie, les informations cruciales dites par des officiels du Système font leur très-lent chemin dans le système de l’information, dont la double situation (type-Janus) implique aussi bien une soumission au Système qu’une dissidence du Système. L’information que nous développions le 8 mars sur la vulnérabilité mortelle de la flotte US face aux nouveaux missiles hypersoniques (chinois et russes, mais spécifiquement chinois pour ce cas), telle que l’a détaillée Griffin, le sous-secrétaire à la défense pour les systèmes et l’ingénieurerie, a été reprise par ZeroHedge.com le 10 mars. Il semble que l’information n’ait été reprise que de façon encore parcellaire dans la presseSystème généraliste, tandis que la presse spécialisée (en général, sous-branche de la presseSystème centrale) la développait d’une façon prudemment régulière quoique retenue, mais sans en tirer toutes les conséquences politiques.
Ici, nous reprenons la dernière partie de l’article de ZeroHedge.com concernant cette affaire, où est mise en évidence l’inertie sinon la réticence du Pentagone pour le développement des armes hypersoniques. Il s’agit sans nul doute d’un des aspects catastrophiques de la situation du Pentagone, c’est-à-dire la puissance de la bureaucratie dans son hostilité face à de nouvelles orientations dans ses choix...
« Defence News détaille le budget du Pentagone pour le développement des systèmes hypersoniques : “Le budget de l'Agence des projets de recherche de défense avancée [DARPA] pour les armes hypersoniques a augmenté régulièrement au cours des deux dernières années, mais les partisans de la technologie voudraient évidemment un financement beaucoup plus important. Au cours de l'exercice FY2017, le Congrès a alloué 85,5 millions de dollars pour des hypersoniques. Cela s'est élevé à 108,6 millions de dollars dans la demande pour l'exercice fiscal FY2018, soit une augmentation de 27%. Et pour le budget de l’année fiscale FY2019 récemment publié, le chiffre du poste atteint 256,7 millions de dollars – une augmentation de 136 pour cent, mais toujours un chiffre relativement bas selon les normes du Pentagone.” [...]
» S’agissant du développement des systèmes hypersoniques, Griffin a des soutiens critiquant l’inertie du Pentagone... Le lieutenant-général Samuel Greaves, directeur de l'Agence de défense antimissile, a déclaré que la vitesse à laquelle la Russie et la Chine “étudient, développent, testent et livrent des systèmes d'armes” exige que son agence prenne la menace hypersonique au sérieux. Le général Paul J. Selva, le vice-président des chefs d'état-major interarmées, a averti le 30 janvier que “nous avons perdu notre avantage technique en hypersonique”, mais “nous n'avons pas perdu le combat hypersonique.”
» Il est surprenant d'observer comment les responsables du Pentagone admettent maintenant ouvertement que les menaces hypersoniques étrangères pourraient être un facteur majeur de déstructuration pour l’empire américain dans un avenir rapproché. Quoi qu’il en soit, la réalité d'un empire américain en déclin commence à se faire sentir alors que les responsables admettent désormais que le programme hypersonique du Pentagone est très largement distancé.
» La seule question que nous posons est alors celle-ci : des armes hypersoniques pourraient-elles rendre obsolètes les porte-avions à propulsion nucléaire de la marine américaine ?
» Peut-être que le maintien par le Pentagone des 800 bases militaires dans le monde et les conflits militaires interminables ont détourné des ressources indispensables pour financer des technologies critiques [hypersoniques] qui maintiendraient l'Amérique en situation de superpuissance. Perdre la course des systèmes hypersoniques est un symptôme d'un empire qui est menacé par son extension excessive... Nous avons déjà vu cela, – “Rome est en train de brûler”. »
Il est vrai que, dans notre texte du 8 mars, nous mettions en évidence les obstacles quasiment insurmontables existant au Pentagone pour lancer un crash program tentant de rattraper le retard sur les Russes et les Chinois en matière de système hypersoniques, voire simplement de fixer le déséquilibre à son niveau actuel en empêchant que cette avance augmente. Ces obstacles étaient “l’argent” (plus d’argent créant une “croissance vide” favorisant les vices du système : gaspillage, corruption, redondances) et “le technologisme” (les échecs qui se multiplient dans le développement de systèmes trop complexes à cause de l’emploi excessif des technologies, tels le F35 et la frégate DDG-1000). Ces obstacles impliquaient néanmoins que le Pentagone avait pris conscience et accepté le fait de l’avance des Chinois et des Russes dans des domaines si importants, et donc la nécessité de lancer des efforts massifs pour tenter de réduire cette avance.
Ici, c’est pire encore : on en est encore à évoquer la difficulté extrême qu’il y a à faire accepter par la bureaucratie l’intérêt et l’importance vitales de ce type de systèmes, et donc la condition sine qua non pour lancer un effort cherchant à combler l’avance chinoise et russe. A ce point, nous nous trouvons au cœur même du vice du système (du Système), rejoignant en cela l’avertissement lancé il y a seize ans et demi (le 10 septembre 2001) par le secrétaire à la défense Rumsfeld. Depuis, rien n’a été résolu, c’est-à-dire que tout a empiré, selon cette expression qui concerne effectivement l’“empire” et son effondrement.
Passons maintenant à un autre étage et à une autre boutique de cette affaire qui entre désormais en tant que telle comme une crise dans le “tourbillon crisique” en cours, qui concerne l’armement de ces deux pays, – la Chine et la Russie, – officiellement dénoncés dans la nouvelle doctrine stratégique du Pentagone comme les deux principales « puissances révisionnistes ». Cette dénomination, conformément à la vision de “D.C.-la-folle”, indique que ces puissances ont la prétention inouïe de mettre en cause l’incontestable et quasiment transcendantale hégémonie des USA sur le monde. Reconnaître leur puissance et envisager de parler avec elles d’égale à égale (!!) sont une souffrance également inouïe pour les grandes âmes de “D.C.-la-folle”.
L’“autre étage” et l’“autre boutique“, c’est la lettre adressée par quatre sénateurs démocrates au secrétaire d’État Tillerson. Comme on l’a vu hier, il s’agit cette fois de la Russie, du discours de Poutine du 1er mars, d’une très grande inquiétude de ces sénateurs-là devant les nouveaux armements russes, de l’incitation faite à l’administration Trump de lancer des négociations de limitation de ces nouveaux armements avec la Russie. Comme on l’a dit encore hier dans un accès de jugement courant qui nous a échappé, il s’agit d’une initiative de bon sens dans le climat actuel...
« [V]oici soudain une initiative qui montre à la fois une soudaine inquiétude, une prudence inattendue et une surprenante recherche du compromis. »
Deux excellents commentateurs, Gilbert Doctorow (dont on a vu déjà un article sur le sujet le 4 mars 2018) et l’ancien officier-analyste de la CIA Ray McGovern, ont publié un article sur cette lettre des quatre sénateurs, – aussitôt dits The Gang of Four – sur ConsortiumNews le 10 mars 2018. Ils analysent un texte (la lettre) qui reste prudent, cette fois à l’égard du climat type-Russiagate régnant à “D.C.-la-folle“”, en reprenant la comptine des attaques antirussistes diverses, en proposant des négociations qui seraient plutôt une simple injonction faite à la Russie d’inclure ses nouveaux systèmes d’armes soit dans le traité START, soit dans le traité INF, en en limitant le nombre à mesure et en réduisant le nombre d’autres armes, etc. Il n’empêche et malgré tout le scepticisme qui est de rigueur, il s’agit bien d’une lettre prônant une démarche d’entente, – mais justement, selon quelle possibilité, de quelle façon par rapport au climat régnant, dans quel état d’esprit, etc. ?
Le dernier paragraphe du texte Doctorow-McGovern dit ceci :
« Il ne faut pas exclure la possibilité que les quatre sénateurs soient également motivés par une nouvelle appréciation des dangers existant dans le fait de tout reprocher à la Russie, avec le résultat possible de pulvériser au-delà de toute possibilité de réparations ce qu’il reste des relations entre les Etats-Unis et la Russie. La question clef est de savoir si le président Poutine peut être “dé-démonisé”. Cela dépendra des médias traditionnels, qui, hélas, ne sont pas habitués à réévaluer leurs propres affirmations les plus extrêmes ni à mettre une sourdine aux tambours de l’agressivité belliqueuse et de la dénonciation des “méchants” désignés, – même face à de nouvelles réalités comme la dissolution complète des accusations antirusses du Russiagate et la déclaration extrêmement crédible de parité stratégique faite par le président Poutine. »
Sur son blog personnel repris sur le site d’accueil Une parole franche de la Libre Belgique de Bruxelles, Gilbert Doctorow reprend l’article qu’il a cosigné avec Ray McGovern ainsi que la lettre du Gang of Four au secrétaire d’État Tillerson, qu’il chapeaute d’un nouveau commentaire, qui est de lui (Doctorow) personnellement. (Tout cela, le 10 mars 2018 également.) L’accent, déjà présent dans le texte de ConsortiumNews, est mis notamment et principalement sur l’extraordinaire absence d’échos de cette lettre dans la presseSystème, alors qu’elle émane tout de même de quatre sénateurs, qu’elle s’adresse au ministre des affaires étrangères, qu’elle porte sur le processus fondamental de limitation des armements, qu’elle implique la question de l’armement fondamental par excellence qu’est le nucléaire. Le simulacre de narrative où se trouve retranchée sur un mode triomphant la presseSystème, barricadée derrière des montagnes de censures et de mensonges directs ou par omission, citant des sources imberbes et exotiques, trafiquant des documents fabriqués et ainsi de suite, tout cela constitue un phénomène qui ne cesse de susciter l’ébahissement. On se trouve là devant un mur infranchissable, – ce qui est somme toute, dirait quelque agent d’influence grimé en docteur Faust (russe, ou plutôt antiSystème ?), une excellente chose dans la mesure où elle interdit à la situation de prétendre à nouveau à la décence et encourage le maintien du climat hystérique...
« Fait assez remarquable, ce que nous [McGovern et Doctorow] avons écrit comme un commentaire est devenu un article de presse dans le sens d’un article d’information pur et simple parce que ce deuxième jour après la publication de la lettre au secrétaire d'État Tillerson par quatre sénateurs américains sur le site Web officiel du Sénat, avec un communiqué de presse, il y a eu toujours pas de rapport sur ce développement exceptionnel dans les médias imprimés américains traditionnels. Il semblerait que même les sénateurs deviennent des non-personnes lorsqu'ils franchissent la ligne du conformisme politique et prônent une approche rationnelle de la question de sécurité numéro un de notre époque.
» À l’argumentation du Commentaire ci-dessous, j’ajouterai ici deux points :
» D 'abord, le fait que la sénatrice californienne Dianne Feinstein soit l'une des signataires en dit long sur la façon dont les Russes ont manœuvré les États-Unis dans un secret qui était impénétrable pour les 17 agences américaines. En effet, les Russes semblent avoir introduit furtivement au stade de la production plusieurs nouveaux systèmes d'armes stratégiques qui pourraient rendre inutiles les systèmes ABM sur terre et en mer avec lesquels les Etats-Unis encerclent la Fédération de Russie pour une première frappe nucléaire potentielle, Le programme américain, décrit aujourd'hui avec moquerie par les analystes russes comme une nouvelle “ligne Maginot“, a été acheté au frais du contribuable américain pour des centaines de milliards de dollars. Feinstein est l'un des membres les plus anciens du Comité sénatorial du renseignement où, de 2009 à 2015, elle était présidente, poste qu'elle a cédé seulement lorsque son parti a perdu le contrôle de la Chambre haute lors des élections de mi-mandat.
» Deuxièmement, il convient de porter une attention particulière au dernier paragraphe de la lettre. Il convient de noter que ces quatre critiques acerbes de la Russie de Poutine sont favorables à la façon dont les Américains et les Soviétiques ont négocié la retenue mutuelle dans les armes de destruction massive pendant la première guerre froide. Bien sûr, à l'époque, nous n’avions pas le dénigrement brutal des dirigeants soviétiques, comme cela est devenu une pratique courante ces dernières années, avec un secrétaire d’État américain qui n’a rien vu d’inconvenant dans le fait de comparer Vladimir Poutine à Hitler. Si les discussions sur le contrôle des armements ont des chances de succès, la partie américaine devra réapprendre un comportement respectueux et une diplomatie professionnelle. »
Bonne chance et bon vent à “la partie américaine”, car on ne sort pas si aisément de l’asile psychiatrique quand on s’est soi-même installé aux commandes. Pour ce cas, nous ne tirerons comme conséquence qu’un seul constat : il existe une vérité-de-situation, que The Gang of Four a effleurée dans sa lettre et qui conforte les antiSystème dans leur action de communication, qui est que la séquence (Russiagate) entamée à “D.C.-la-folle” depuis deux ans est un montage complet conduisant les USA à une catastrophe sous la forme d’un désordre proche d’être le Trou Noir de l’effondrement si aucune correction décisive n’est apportée. (...“si” la restriction est utile à mentionner, au vu des chances qu’elle a d’être opérationnalisée.) La précision sur Feinstein confirme que les services de renseignement aux USA sont en pleine déroute et ne savent plus que faire, embourbés qu’ils sont dans la “politisation” la plus basse et la plus sotte, devenus complètement incapables de faire le travail d’analyse qu’il développait durant la Guerre froide.
Pour tous les cas vus ici, c’est-à-dire en rajoutant la première partie consacrée à la “crise” des hypersoniques, la vérité-de-situation embrasse une situation générale où les attributs essentiels de la puissance américaniste, – son pouvoir politique et de communication, sa puissance militaire, – se trouvent plongés dans une crise générale si profonde qu’on ignore s’il y a un fond, c’est-à-dire “un désordre proche d’être le Trou Noir de l’effondrement”...
Mis en ligne le 11 mars 2018 à 13H21
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