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1067Certes, ce n’est qu’une remarque abstraite, mais cela mesure l’état d’esprit du président Obama. La “fatigue Obama” le touche, lui aussi. Ainsi l’entend-on, dans une longue interview à ABC.News, le 25 janvier 2010, annoncer qu’il préférerait être “un bon président d’un seul mandat” qu’un “médiocre président de deux mandats”…
«President Obama, buffeted by criticism of his massive health care reform bill and election setbacks, said today he remained determined to tackle health care and other big problems despite the political dangers to his presidency. “I'd rather be a really good one-term president than a mediocre two-term president,” he told ABC's ‘World News’ anchor Diane Sawyer in an exclusive interview today.
»Obama sat down with Sawyer two days before he will deliver a State of the Union speech to a joint session of Congress, and he acknowledged the political setbacks of his first year in office.»
On ajoutera aussitôt, indirectement dans cet ordre d’idée, l’annonce, répercuté par Huffington.post ce même 25 janvier 2009, qu’Obama prépare un budget avec des réductions de dépenses importantes – autour de $250 milliards – pour tenter de résorber l’énorme déficit fédéral… Ces réductions ne toucheraient pas les dépenses de défense et de sécurité nationale, les plus contestables de son action, pour se concentrer sur les dépenses domestiques (que reste-t-il d’autre?), celles qui sont le plus réclamées par la poussée populiste.
«The spending freeze is likely to meet with tepid support among the president's fellow Democrats, many of whom view self-imposed limitations as risky politics and policy at a time of deep economic recession. Last week, House lawmakers – who will essentially have a larger role than the president in assuring that the spending freeze is implemented – rejected the proposal after it was initially floated. One Democratic strategist jokingly quipped that the president was taking a page out of the Republican playbook for the sole purpose of placating his Republican critics. “So we already know Obama has now taken the McCain campaign's health care position on the excise tax,” the strategist said. “Wasn't a freeze in discretionary spending also McCain's plan for when the economy tanked?” […]
»Exempt from the limits will be security and defense agencies, whose budgets will undoubtedly rise in the years ahead as the president pursues an aggressive foreign policy agenda. Asked whether the administration is concerned that the deficit reduction pursued by freezes on “non-security” spending would be wiped out by increases in military spending, [
@PAYANT Pour un président nouvellement populiste, ce choix de réduction des dépenses fédérales laisse à penser (on ne touche pas aux dépenses de la politique belliciste extérieure et du Pentagone, donc on coupera dans les dépenses domestiques)… Allez donc vous étonner que lui pense déjà, on l’imagine avec une certaine amertume, à l’hypothèse d’un seul mandat, et non de deux. La seule question qu’on a envie de lui retourner est de savoir s’il ne serait pas également, dans ce cas, “un président médiocre d’un seul mandat” , voire le “président catastrophique d’un seul mandat”. D’ailleurs, puisque nous sommes dans les hypothèses qui vont vite, autre question au président: terminera-t-il son premier mandat, et son seul mandat?
L’humeur évolue aussi vite à Washington que les événements eux-mêmes. Evoquer ainsi cette possibilité d’un seul mandat un an, à quatre jours près, après une inauguration solennelle et presque historique dans le registre de l’émotion, qui faisait croire qu’un homme nouveau allait enfin affronter la crise qui secoue les USA; cette inauguration, à peine trois mois après cette élection du 4 novembre 2008 qui fit vivre une nuit de folie aux USA, où les Américains crurent que l’American Dream était à nouveau parmi nous. La vitesse des événements, des humeurs, des psychologies, ne cesse de nous étonner. La remarque de Barack Obama marque toute la déception, toute l’amertume, voire le découragement qui touchent les USA, et lui-même maintenant, avec cette sensation irrépressible d’un très possible échec, voire, plus gravement, du découragement devant une tâche qui semble impossible – qui l’est effectivement, selon nous – de redresser le destin contraire et catastrophique des USA, vaincre leur gigantesque crise… (Et le reste avec, bien entendu, car la crise des USA secouera toutes les structures du monde, la civilisation entière d’ailleurs – actant que nous sommes bien dans une crise fondamentale de notre civilisation.)
Et puis une question vient à l’esprit: BHO pouvait-il faire autrement, dans tous les cas pour cette première année de présidence? Notre réponse a toujours été et reste positive, dans la mesure de l’exceptionnel, si Obama avait eu l’audace qu’il n’eut pas; s’il avait choisi d’être cet “American Gorbatchev” qu’il n’a pas osé être; s’il en avait eu l’idée – ce qui, même cela, apparaît de plus en plus improbable. Sans doute, également, cette sorte d’orientation radicale et brutale apparaît-elle impossible dans les mécanismes du pouvoir bloqué du système de l'américanisme, comme cela paraît encore plus sûrement hors de portée d’une psychologie américaniste, fût-elle celle d’un Africain-Américain (preuve par l’absurde que l’intégration raciale fonctionne – pour le pire de notre civilisation, sans aucun doute).
Le résultat de cette incapacité, de cette impuissance d’avoir de l’audace, c’est l’amertume et le découragement devant le désordre qui ne cesse de grandir, les blocages, les coups bas, la “discorde chez l’ennemi”, et, cerise sur le gâteau, la montée désormais actée de la colère populaire. Obama est désormais plus que jamais une “marionnette de la crise”, même si la marionnette a ses humeurs. Son action est désormais marquée par l’incohérence avec des attitudes et des mesures qui se contredisent, marquant le désordre extérieur et son désarroi devant ce désordre. («The worst strategy of all would be for Obama to be a populist on Mondays and Wednesdays, and a conciliator on Tuesdays and Thursdays», écrit Robert Kuttner, et c’est bien le chemin chaotique qui est en train d’être pris.)
Les mots ont été dits, même si c’est pour marquer une résolution ou ce qui veut le paraître. Obama a évoqué cette hypothèse d’un seul terme. Elle ne le quittera plus désormais, car lorsqu’on évoque de telles possibilités dans la situation où il se trouve, même pour la repousser implicitement, c’est qu’elle vous habite déjà, qu’elle vous a envahi, qu’elle a infecté votre psychologie. Allons un peu plus loin : lorsqu’on évoque cela dans la situation actuelle des USA, c’est qu’on acte l’impasse, le blocage de cette situation, et qu’on n’est plus très loin de s’attendre au pire. Il y a certes la personnalité d’Obama qui est en cause; mais on l’a déjà dit, dans le climat actuel c’était certainement l’homme le plus brillant que l’on pouvait espérer. Qu’il soit déjà dans un état d’esprit de reconnaître qu’il est sur la voie de l’échec signifie également, à côté de son cas personnel, le blocage et la paralysie complètes du pouvoir aux USA, avec le désordre et la perte de contrôle qui s’ensuit. La prochaine question, en deux volets, pourrait bien être celle-ci: BHO terminera-t-il son premier mandat et les USA entameront-ils alors la phase finale de leur crise majeure de rupture?
Mis en ligne le 26 janvier 2010 à 09H58