Un BRICS sans Poutine

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Un BRICS sans Poutine

• Le sommet des BRICS, en Afrique du Sud le mois prochain, aura ceci de particulier qu’il se fera sans la présence physique de sa principale vedette. • Nous n’aurons du Poutine qu’en virtuel. • Cette situation résulte d’une manœuvre du niveau habituel avec les américanistes-occidentalistes : corruption, petites combines minables, mensonges et & simulacres. • Si Poutine venait, les Sud-Africains seraient théoriquement obligés de l’arrêter conformément au mandat d’arrêt lancé contre lui par le vertueux Tribunal Pénal International.

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Le sommet des BRICS du mois prochain a été et reste l’objet d’une très grande activité sur un point complètement hors du programme préparé de longue date : le cas et la présence de Vladimir Poutine. Le cas est simple : si Poutine venait à Johannesbourg (le conditionnel est nécessaire), l’Afrique du Sud serait tenue d’appliquer la décision d’inculpation du Tribunal Pénal International (TPI) et de l’arrêter. La décision du TPI, effectuée dans les plus viles conditions de corruption habituelles à l’Ouest-corruptif par des juges complètement manipulés, datait du mois de mars et l’on a compris depuis qu’elle visait effectivement à poser un problème légal d’énorme dimension à l’Afrique du Sud (signataire du traité du TPI) pour la réunion des BRICS.

C’est fin avril qu’apparut publiquement le problème, à l’occasion d’une erreur et d’un cafouillage du président sud-africain, – lesquels laissent à penser que l’Afrique du Sud n’avait pas jusqu’alors pris conscience du problème que posait cette attaque des pays occidentaux contre Poutine, contre l’Afrique du Sud et contre les BRICS. Initialement, la première réaction de Ramaphosa avait été de quitter le traité établissant le TCI pour être libre de recevoir Poutine.

« Le président sud-africain Cyril Ramaphosa a commis une erreur en déclarant que le pays quitterait la Cour pénale internationale (CPI), a annoncé mardi son bureau.

» “Cette clarification fait suite à une erreur dans un commentaire fait lors d'une conférence de presse tenue par le Congrès national africain (ANC) au pouvoir sur le statut de l'Afrique du Sud vis-à-vis de la CPI”, a déclaré le bureau de Ramaphosa dans un communiqué publié sur son site Internet.

» “Malheureusement, le président a affirmé à tort une position similaire lors d'une séance médiatique aujourd'hui."

» La présidence a affirmé que l'Afrique du Sud reste partie au Statut de Rome, le document clé de la CPI, et « continuera de faire campagne pour une application égale et cohérente du droit international ».

» Ramaphosa a suggéré de se retirer du tribunal plus tôt alors que son pays se prépare à accueillir un sommet BRICS (un groupe informel qui comprend le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud) en août. Le mois dernier, la CPI a émis un mandat d'arrêt contre le président russe Vladimir Poutine. Le tribunal a accusé Poutine et la commissaire russe aux droits de l'enfant Maria Lvova-Belova d'avoir “expulsé illégalement” des enfants des “zones occupées d'Ukraine”.

» Les accusations font référence aux efforts russes pour évacuer les civils des zones – principalement dans la région à prédominance russophone du Donbass – qui ont été bombardées par l'armée ukrainienne. La Russie, qui, comme les États-Unis, n'est pas signataire de la CPI, a accueilli environ 2,9 millions de réfugiés ukrainiens, plus que tout autre pays. »

A la suite de ce branle-bas de combat, s’est ouvert une saga de déclarations et de pseudo-décisions contradictoires. La manœuvre de l’Ouest-corruptif est très vite apparue clairement, tandis que l’Afrique du Sud se découvrait dans une position très vulnérable. Cela était apparu dès le début et expliqua les premiers tournants et contradictions du président sud-africain. L’Afrique du Sud dépend pour son commerce et ses investissements de plus de 40% de l’Ouest et il est extrêmement probable qu’un flux de menaces directes et précises, sans parler de sanctions, ont afflué discrètement à Johannesbourg si l’Afrique du Sud quittait le TPI (et recevait Poutine).

Très vite, l’Afrique du Sud offrit à la Russie une solution de compromis qui consistait à accepter une victoire de l’Ouest : Poutine restant à Moscou et parlant en virtuel. Les Russes eurent beaucoup de mal à envisager d’accepter, avec des positions qui semblaient presque des ultimatums à l’Afrique du Sud (“Poutine viendra et on verra ce que vous ferez”). Ramaphosa eut une réaction assez pitoyable, exposant publiquement toute l’impuissance de sa position pour obtenir l’indulgence de la Russie :

« Le président sud-africain Cyril Ramaphosa a averti que l'exécution d'un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) contre Vladimir Poutine lorsque le dirigeant russe participera au sommet des BRICS le mois prochain à Johannesburg équivaudrait à une “déclaration de guerre” contre Moscou.

» “La Russie a clairement indiqué que l'arrestation de son président en exercice serait une déclaration de guerre”, a déclaré Ramaphosa dans un dossier rendu public mardi. “Il serait contraire à notre constitution de risquer de s'engager dans une guerre avec la Russie”. Il a ajouté qu'une telle décision manquerait également à son devoir de protéger l'Afrique du Sud. »

Finalement, la solution retenue satisfait l’Afrique du Sud : Poutine parlant en téléconférence, Lavrov menant la délégation russe. Il s’agit d’un canard boiteux bien entendu, où les Sud-Africains sont satisfaits d’avoir “sauvé” le sommet et les Occidentaux de l’avoir “compromis” par le sauvetage lui-même.

Certains commentateurs sont sévères, sinon très sévères. C’est le cas d’Andrew Korybko, qui juge que l’épisode a montré que l’association des BRICS n’est nullement une garantie d’exercice d’une pleine souveraineté (anti-occidentaliste) comme certains le croient et l’affirment. Il ne soupçonne nullement l’Afrique du Sud d’avoir manœuvré pour contrecarrer la venue de Poutine, mais de s’être montrée très maladroite dans l’exercice, aggravant les conditions de communication de cette affaire, la rendant très difficile à gérer, empêchant qu’elle se règle en secret :

« Ce que Pretoria aurait dû faire, c'est jouer la carte de la sérénité, refuser de participer au cirque médiatique entourant le prochain sommet et discuter franchement de tout avec le bloc à huis clos. Cela aurait permis de préserver les apparences pour toutes les parties concernées et de faciliter la possibilité de transférer entièrement l'événement vers un format en ligne sans qu'aucune explication ne soit nécessaire. Au lieu de cela, l'Afrique du Sud a discrédité sa propre intégrité et celle des BRICS après que son comportement peu diplomatique a rendu impossible la mise en œuvre en douceur de ce plan de secours, ce qui a abouti à une victoire politique de l'Occident. »

On comprend la critique mais on peut également avancer l’idée que l’Afrique du Sud ne tenait nullement à perdre l’impact public du sommet (soit par une transformation en virtuel, soit par le choix d’une autre capitale d’un des BRICS), et donc qu’après tout sa “maladresse” aboutissant à la formule retenue est un peu voulue. Ce sommet des BRICS attirera 40 délégations de pays non-BRICS venus en observateurs et constituera un événement de communication considérable, pour les BRICS – et pour l’Afrique du Sud. Peut-être est-ce cette hypothèse qui agacé les Russes, plus que le problème Poutine lui-même... Cela, d’autant que les principales décisions attendues sont déjà prises, comme sans doute l’entrée de deux nouveaux pays dans l’association, et sans doute l’Argentine et l’Arabie Saoudite.

Cela dit comme simple hypothèse qui n’est pas anti-BRICS pour autant, le jugement de Korybko d’une « victoire politique de l'Occident » ne rencontre pas complètement notre agrément.

Poutine-absent, Poutine-vedette

Que va-t-il se passer à J-Bourg ? Poutine ne sera pas là et ainsi le principal événement de communication sera l’absence de Poutine, – et ainsi Poutine, présent en virtuel, sera-t-il la vedette du sommet, encore plus que s’il était là. On peut compter sur Lavrov et son énorme présence, et sur la “demi-déesse” porte-parole Zakharova, pour faire le barouf qu’il faut dans ce sens ; les deux seront aidés par le poids considérable acquis par la Russie depuis deux ans, – économiquement, technologiquement et militairement, – et donc son poids déjà considérable au sein des BRICS encore plus renforcé.

Cela permettra à l’un ou l’autre, et aux Russes notamment, d’évoquer justement cette absence d’unité politique au sein des BRICS, selon l’argument : “Si vous voulez tenir, il faut une unité politique, car eux feront tout pour nous désunir en employant la faiblesse de l’entente politique”. L’arrivée probable de l’Arabie est une excellente chose à cet égard, un renforcement de cet argument implicite. L’une des principales surprises de ces deux dernières années est la capacité des Saoudiens, jusqu’alors jugés si trouillards et si velléitaires, de faire jouer durement la dimension politique dans les conflits avec l’Ouest-convulsif, notamment du point de vue économique.

Toute “victoire” de cette sorte, aujourd’hui, a la vertu de nous montrer à quelles vertus nous avons affaire avec les gens d’Occident.

 

Mis en ligne le 21 juillet 2023 à 16H50