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5234• Parmi les diverses personnalités illustrant les engagements incandescents et chaotiques de l’époque, l’Allemande Sahra Wagenknecht est l’une des plus intéressantes. • Avec un texte de Georges Feltin-Tracol.
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Certains pourraient juger que l’une des premières impressions que fait de Sahra Wagenknecht est celle d’une beauté altière. Mais il s’agit sans doute de la “vieille école” ; de toutes les façons, “beauté altière” n’exclut nullement volonté et jugement politiques de qualité, on dirait même : “au contraire”. Née en RDA (Allemagne communiste), d’un père iranien et d’une mère allemande, membres des Jeunesses Libres qui est la branche “jeunesse” du SED (l’équivalent du PC en Allemagne de l’Est), adhérente au SED au début de1989, au moment où tout s’effondre, communiste, stalinienne sur les ruines du Mur, surveillée bien entendu par l’équivalent ouest-allemand de la Stasi, Sahra Wagenknecht a tout pour déplaire au Système. C’est chose faite..
De son parcours tumultueux et remarquable et de cette femme politique, l’auteur-commentateur Feltin-Tracol dit :
« Sahra Wagenknecht se méfie du compromis qu’elle assimile à tort à de la compromission. »
... Le “à tort” est acceptable dans des temps normaux, mais il est évident que nous ne sommes pas dans des “temps normaux”. Wagenknecht a fort peu de chance de réussir ce “on ne sait quoi” qu’elle recherche en politique, mais si elle réussit ce sera éclatant.
Une autre appréciation mérite d’être contestée, celle où Wagenknecht est comparée à Mélenchon :
« Outre-Rhin, Jean-Luc Mélenchon est de sexe féminin et s’appelle Sahra Wagenknecht, l’une des vedettes de la scène politique allemande. Ses prises de position récentes la mettent presque en rupture avec les responsables du parti contestataire de gauche radicale, ‘Die Linke’ (‘La Gauche’). »
Il est assuré et incontestable qu’elle a beaucoup des choix fondamentaux de Mélenchon à l’origine ; la différence, qui fait que l’on nomme la chose “inversion”, est qu’elle-même s’est tenu à ses choix fondamentaux en dépit de tous les avatars tandis que Mélenchon les a trahis les uns après les autres. Mélenchon, lui, accepte les compromis de son époque, – avec la mode sociétale, avec le courant migratoire, avec la pose anti-flic à deux balles, – et il est partout en état de compromission.
Ainsi Wagenknecht a-t-elle fondé ‘Die Linke’ qu’elle a dirigé. Puis, quinze ans plus tard, elle a envoyé paître ‘Die Linke’ qui exigeait qu’elle se démette de son mandat de députée parce qu’elle avait accepté de rencontrer les gens de l’AfD d’extrême-droite. Imaginez Mélenchon faisant un bras d’honneur à LFI parce que le parri lui interdit une rencontre qu’il a décidée d’avoir avec Marine Le Pen ! Cela fait tant d’obstacles conformistes à franchir dans une France si indépendante qu’elle croule sous le poids des conformismes... Mélenchon a d’autres ambitions, le pauvre.
Bref, Wagenknecht a compris que le seul espoir de parvenir à quelque chose de constructif dans le tourbillon crisique actuel, quelque chose qui accélère ce tourbillon, c’est de réunir des gauches et les droites souverainistes, et évidemment jusqu’à ce que la dialectique-Système nomme “extrême-droite” en y casant mes gens d’extrême-droite qui préfèrent l’anticapitalisme souverainiste à le wokenisme à la mode des salons.
Sahra Wagenknecht est une “jeune femme” de 53 ans. Elle a épousé en seconde noce le vieux (actuellement 79 ans) Oskar Lafontaine, qui fut un authentique révolutionnaire anticapitaliste et anti-globaliste à la fin du siècle dernier. Tous deux représentent l’opposition la plus féroce à l’engagement allemand en Ukraine et , Sahra Wagenknecht a organisé le 25 février 2023 l’une des plus importantes manifestations pacifistes contre cette politique germano-européenne.
Au moment où l’AfD atteint les 20% de voix et devient le deuxième parti en Allemagne, se posent les questions que l’auteur pose à propos de Sahra Wagenknecht :
« Sera-t-elle l’ultime recours d’une caste qui assiste avec effroi à la croissance dans les intentions de vote de l’AfD ? Osera-t-elle au contraire se libérer des clivages conventionnels et se rapprocher de l’AfD afin de constituer un front de salut national et populaire ? On n’a pas fini de parler de Sahra Wagenknecht. »
... Eh bien, parlons-en observant qu’un “ultime recours” de cet acabit n’a riien pour nous déplaire... L’auteur est Georges Feltin-Tracol, son article « Vigie d’un monde en ébullition », n° 80, mise en ligne le 27 juin 2023 sur ‘Radio Méridien Zéro’, repris par ‘Euro-Synergies.Hautefort.com’ du 2 juillet 2023.
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Outre-Rhin, Jean-Luc Mélenchon est de sexe féminin et s’appelle Sahra Wagenknecht, l’une des vedettes de la scène politique allemande. Ses prises de position récentes la mettent presque en rupture avec les responsables du parti contestataire de gauche radicale, Die Linke (« La Gauche »).
À 53 ans, cette originaire d’Iéna en République démocratique allemande (RDA) a l’habitude des polémiques. Elle applique ce que la philosophe belge Chantal Mouffe, théoricienne du « populisme de gauche », conçoit comme la « démocratie agonistique », soit un système de relations politiques qui ne repose pas sur la recherche permanente du consensus. Sahra Wagenknecht se méfie du compromis qu’elle assimile à tort à de la compromission.
Sa notoriété contraste avec son parcours militant particulièrement incorrect pour le système en place. Née d’un père iranien et d’une mère allemande de l’Est, elle s’engage adolescente dans la Jeunesse libre allemande, l’organisation officielle des jeunes en RDA. Début 1989, elle adhère au SED, le Parti socialiste unifié d’Allemagne qui gouverne Berlin-Est depuis 1949. Aux lendemains de la chute du Mur de Berlin en 1989 et de la disparition de la RDA en 1990, elle accompagne la transformation du SED en Parti du socialisme démocratique (PDS). Elle s’investit dans la tendance marxiste la plus orthodoxe, la Plate-forme communiste, qui salue l’action de Joseph Staline et joue sur la nostalgie grandissante de la RDA.
L’équivalent occidental de la Stasi, en plus puissant et en plus hypocrite, l’Office fédéral de protection de la Constitution surveille très tôt cette nouvelle Rosa Luxemburg. En 2007, elle participe à la création de Die Linke. Soutien du Vénézuélien Hugo Chavez et du Bolivien Evo Morales, hostile à l’OTAN, Sarah Wagenknecht approuve le mariage pour tous. Députée allemande au Parlement dit européen de 2004 à 2009, elle accède à la vice-présidence de Die Linke en 2010 et y reste jusqu’en 2015. Depuis 2009, elle siège au Bundestag en tant qu’élue de la Rhénanie du Nord – Westphalie. Elle co-préside même le groupe parlementaire entre 2015 et 2019.
Cette ancienne étudiante en philosophie et en économie épouse en secondes noces en 2014 Oskar Lafontaine aujourd’hui âgé de 79 ans. Dirigeant du Parti social-démocrate SPD de 1995 à 1999, il est ministre-président du Land de la Sarre de 1985 à 1998. Le chancelier Gerhard Schröder le nomme en 1998 ministre fédéral des Finances. Mais il en démissionne quatre mois plus tard en 1999 parce qu’il n’accepte pas le tournant néo-libéral de la sociale-démocratie. Après bien des péripéties politiques au cours desquelles il réclame la dissolution de l’euro, il parvient à fonder Die Linke qui réunit le PDS devenu le Parti de gauche et des anciens Allemands de l’Ouest rassemblés dans l’Alternative électorale travail et justice sociale. Sahra Wagenknecht incarne alors la figure du principal courant interne d’opposition, La Gauche anticapitaliste.
Elle s’enflamme pour Podemos en Espagne et La France insoumise. Elle lorgne avec envie vers les Italiens du Mouvement Cinq Étoiles. En 2018, elle pose en gilet jaune devant l’entrée de la Chancellerie fédérale. Le milieu politico-médiatique allemand bien plus compassé qu’en France n’apprécie pas sa liberté de ton.
Ainsi, dès 2015, met-elle en garde ses amis de Die Linke sur l’ouverture inconsidérée des frontières. Elle estime en effet qu’« une frontière ouverte à tous, c’est naïf ». Elle veut néanmoins le maintien des conditions libérales d’accès au droit d’asile…
En 1996, elle co-signe avec le journaliste Jürgen Elsässer, ancien militant de gauche rallié au national-conservatisme, Vorwärts und vergessen ? Ein Streit um Marx, Lenin, Ulbricht und die verzweifelte Aktualität des Kommunismus (« En avant et oublier ? Une dispute sur Marx, Lénine, Ulbricht et l'actualité désespérée du communisme »), une discussion argumentée sur le poids de l’héritage communiste dans la société allemande.
Hors de Die Linke, elle lance en 2020 un mouvement d’action publique Aufstehen (« Debout » ou « Se lever »), sans grand succès populaire. Un an plus tard paraît son essai, ‘Die Selbstgerechten. Mein Gegenprogramm – für Gemeinsinn und Zusammenhalt’ qu’on peut traduire ‘Les bien-pensants. Mon contre-programme. Pour le sens de la communauté et la cohésion’. Dans la continuité de l’État économique fermé de Fichte, elle prône un État national fort, veut une limitation draconienne de l’immigration et qualifie de « pharisiens » Black Lives Matter et Fridays for Future (les grèves lycéennes du vendredi pour le climat lancées par la délicieuse Greta Thunberg). Elle critique une gauche multiculturaliste ultra-libérale progressiste.
S’élevant contre les sanctions qui s’abattent sur la Russie tant par intérêt socio-économique que par tropisme politique, Sahra Wagenknecht organise le 25 février 2023 un imposant rassemblement pacifiste devant la Porte de Brandebourg à Berlin. Elle bénéficie de l’aide d’Alice Schwarzer. Ancienne élève de Michel Foucault, rédactrice en chef du magazine EMMA, cette octogénaire est une fervente féministe universaliste qui pourfend la pornographie et la prostitution. Cette ardente pacifiste co-signe en 2010 un ouvrage qui attaque l’islamisme au nom des valeurs féministes occidentales.
Outre des pacifistes, des militants de ‘Die Linke’ et des féministes, cette manifestation attire de nombreux sympathisants de l’AfD (le parti patriotique Alternative pour l’Allemagne). Quelques semaines plus tard, l’AfD invite Sahra Wagenknecht à la rejoindre. Le 10 juin dernier, la direction de ‘Die Linke’ la somme de se démettre de son mandat de députée, ce qu’elle refuse, précisant l’absence constitutionnelle du mandat impératif.
Le microcosme politicien lui prête maintenant l’intention de fonder un nouveau parti qui pourrait selon les baromètres d’opinion obtenir près de 20% des suffrages aux dépens de ‘Die Linke’ et, surtout, de l’AfD. Régulièrement interrogée sur son avenir, elle répète qu’elle pense plutôt à un engagement intellectuel sans toutefois exclure la moindre hypothèse politique.
Sera-t-elle l’ultime recours d’une caste qui assiste avec effroi à la croissance dans les intentions de vote de l’AfD ? Osera-t-elle au contraire se libérer des clivages conventionnels et se rapprocher de l’AfD afin de constituer un front de salut national et populaire ? On n’a pas fini de parler de Sahra Wagenknecht.
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