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1738L’idée et la matière politiques du complot excitent particulièrement les esprits. Depuis qu’existent la puissance politique et l’enjeu du pouvoir, la question du complot est posée. Il y a ceux qui en voient partout, jusqu’à implicitement en faire une théorie ; il y a ceux qui dénoncent cette théorie, accusant les théoriciens de voir des complots partout… Pour le journaliste et le chroniqueur se pose la question : que faire du complot?
Aujourd’hui, l’idée du complot trouve sa concrétisation la plus complète dans l’attaque du 11 septembre. Chaque fois qu’on publie une information ou une analyse sur l’attaque du 11 septembre 2001, la même question ressurgit, la même opposition s’exprime entre ceux qui affirment la thèse du complot et ceux qui dénoncent une obsession qualifiée par le néologisme de “complotiste”.
Récemment, la question a donc été soulevée à nouveau. Il y eut, le 20 mars, l’intervention de l’acteur américain Charlie Sheen. Il exprima lors d’une émission télévisée de type talk show les doutes qu’il entretient et documente depuis longtemps sur l’attaque du 11 septembre 2001.
Malgré la notoriété de l’acteur et l’importance de la diffusion de ses déclarations, la réaction des médias a été hésitante et erratique, et d’une façon générale plutôt négative. Une fois de plus s’est imposé le constat que le fait même de poser une question à propos de cet événement, d’envisager une révision plus ou moins importante de la version officielle, représente pour beaucoup de commentateurs une démarche totalement insupportable. Il y a presque une réaction inconsciente, pavlovienne, comme si l’idée du complot était aussi insupportable qu’une éruption d’acné insupportable. Certains des commentaires, employant des termes comme “bizarre” ou bien “I know all about Charlie Sheen and I don't care what he says” pour décrire la démarche de l’acteur, impliquent que le fait même de la mise en question relève de la santé mentale.
Le site RAW Story a décrit ces réactions le 23 mars: « On Monday [20 March], Sheen, star of the CBS sitcom ‘Two and a Half Men’ and the multiple Oscar-winning film Platoon, talked with GCN Radio Network's ‘The Alex Jones Show,’ and explained why he had trouble believing the “official 9/11 story” advanced by the Bush Administration and the 9/11 Commission.
» “It's like they want to pigeonhole all of us into conspiracy nutbags when we're not debating things that are related to UFO's bringing down the towers or Building 7 or the Pentagon and so its feels like there's things in there that we’re not the conspiracy theorists on this particular issue,” said Sheen. “It seems to me like 19 amateurs with box cutters taking over four commercial airliners and hitting 75 percent of their targets: that feels like a conspiracy theory.”
» CNN's Showbiz Tonight played extended segments from the Sheen interview Wednesday night, then followed it up with an extended discussion on some of the “unanswered questions” with a producer of a National Geographic documentary on 9/11 and the Media Coordinator of 911Truth.org.
» “I'm one of these people who believes that anyone who takes everything that has been spoonfed to us by the government, from wherever, about what happened on 9/11 is being naive,” Showbiz Tonight anchor A.J. Hammer admitted during the broadcast. “When I say this to people sometimes, they look at me like I'm kind of nuts.”
» Earlier Wednesday, Jones complained of a “mainstream media blackout” on the Sheen interview. “Despite a huge reaction amongst the alternative media to Charlie Sheen's comments on 9/11, in part due to a brief link on the Drudge Report which was mysteriously pulled after a few hours, newswires and entertainment outlets have actively sought to impose a blackout on the story,” Jones and Paul Joseph Watson wrote at Prison Planet.
» According to Jones and Watson, a major wire service expressed interest in running an article, but Jeff Williams of the LA Associated Press office allegedly informed them “I know all about Charlie Sheen and I don't care what he says” before cutting off the phone call. The Sheen story ran at a few conservative Websites on Wednesday including Human Events Online and Red State, referring to Jones' radio show as “left wing” or “liberal.”
» Sheen's interview has started to become fodder for the gossip columnists. Thursday's edition of the New York Post contains a Page Six item on Sheen, though The Defamer, an online gossip site based in Los Angeles, first wrote it up on Tuesday. “Charlie Sheen has joined the 9/11 gone-bonkers brigade,” reads the Post. “The ‘Two and a Half Men’ star gave a bizarre interview on GGN Radio Network's conspiracy-minded ‘The Alex Jones Show,’ in which he suggested that the federal government was covering up what ‘really’ happened.”»
Cette question de la validité de l’attaque du 11 septembre, officiellement fixée, — peut-être le terme “figée” est-il plus approprié ? — dans la version d’une attaque terroriste, est le sujet qui fait le plus l’objet de spéculations. La polémique fait montre d’une endurance exceptionnelle si l’on tient compte du “blackout” que lui oppose la grande presse officielle. Cette endurance finit par constituer un événement en soi, jusqu’à sembler imposer une certaine légitimité à la recherche de versions alternatives à l’événement.
La question de la conspiration, du complot est évidemment le cœur de cette démarche mais l’on ignore de plus en plus son objet réel. La question est devenue, au fil des mois et des années : a-t-on le droit de mettre en cause la version officielle ou bien risque-t-on l’embastillement ou l’internement ? Les réactions à l’interview de Charlie Sheen pourraient nous faire penser qu’il y a complot, certes, et qu’il est du côté des médias officiels.
Il existe désormais la possibilité que tout soit sur le point de basculer. Un grand événement est survenu le 23 mai, qui va dans ce sens. Nous l’avons présenté et commenté dans notre Bloc-Notes de ce même jour.
La question du “complot-9/11”, considérée jusqu’alors par l’appréciation officielle comme un artefact douteux fabriqué par des cerveaux malades, est brusquement devenue un fait sociologique et historique. Si 45% d’Américains (contre 47% pensant le contraire) jugent comme tout à fait acceptable l’idée qu’il faut rouvrir une enquête sur l’attaque 9/11, et 42% (contre 48%) jugent effectivement qu’il y a eu complot (cover up) de la part des autorités fédérales pour dissimuler la vérité, on se trouve devant un événement sociologique et historique incontestable.
Il s’agit du premier sondage sur cette question aux USA. C’est comme si l’on avait craint jusqu’alors de découvrir cette terrible vérité du doute fondamental qui habite une partie importante de la population ; comme si, d’autre part, la vérité officielle était quelque chose qu’il était inconcevable de soumettre au processus de la mise en question statistique. (Selon RAW Story encore, qui commente le 23 mai le sondage Zogby : « The poll is the first survey that has attempted to gauge the level of Americans' doubts about 9/11 and was carried out for the “9/11: Revealing the Truth, Reclaiming Our Future” conference to be held in Chicago in June. »)
Auparavant, nous avions constaté qu’une personnalité académique, l’un des très rares experts dans la délicate question des réseaux Gladio, le Dr. Ganser, considère que l’attaque du 11 septembre 2001 est l’objet d’une étude académique constante selon trois hypothèses a priori aussi crédibles les unes que les autres, et dont une est la version officielle et les deux autres des versions accréditant une forme ou l’autre de complot.
Ces événements impliquent que la thèse d’une opération manipulée est devenue, au fil des événements, bien autre chose qu’une “thèse de complot”. L’événement du 23 mai nous conduit même au constat révolutionnaire, notamment explicité par le même RAW Story, que l’idée d’un complot est devenue une position standard d’une partie substantielle de l’opposition à l’establishment, regroupant pas loin de la moitié des opinions aux Etats-Unis. Cela détruit définitivement, en bonne et simple logique, la thèse selon laquelle cette idée est marginale, et donc négligeable, — et donc, surtout, laissée à l’index, dans le placard maudit des choses “démonisées”.
Pour rappel, le commentaire de RAW Story :
« ...Overall, the breakdown on the question closely followed the usual political divisions in the country: Republicans vs. Democrats and independents, whites vs. minorities, the wealthier and better-educated vs. the poorer and less educated, people over fifty vs. those under fifty, men vs. women.
» This rough balance in opinions is itself a striking finding. It suggests that doubts about the officials accounts of 9/11, far from representing an extreme fringe position, have become a standard component of anti-establishment attitudes.
» When asked specificially if they thought there had been a government coverup of evidence that contradicts the official story, the results were again not far from an even split, with 48% rejecting the idea of a deliberate coverup and 42% supporting it. Belief in a coverup was the majority position among Democrats, 18-29 year olds, and a few other groups. »
Par ailleurs (voir notre rubrique Notre bibliothèque), nous présentons deux textes sur la question du complot. L’intérêt de ces textes n’est pas d’intervenir en faveur de l’une ou l’autre interprétation, dans l’une ou l’autre thèse “complotiste”, mais bien de travailler à la mise en perspective de la notion de “complot” dans la réalité informationnelle présente.
La notion de “complot”, avant d’être condamnée expéditivement sous l’étiquette d’“obsessionnelle”, est définie par une perception d’extrême relativité. Par essence, tous les facteurs constituant une thèse de complot sont soumis à une évaluation avec plusieurs interprétations, jusqu’aux plus contradictoires. Le complot est le domaine de l’extrême relativité, et, enfin, le domaine de la contingence absolue, — si cette expression en forme d’oxymore ne vous décourage pas… Rien, absolument rien n’y est assuré.
Mais ce constat ne disqualifie plus le complot, et encore moins, et surtout plus aujourd’hui. Le phénomène qu’on peut juger comme le plus exceptionnel de notre époque est le caractère d’extrême relativité de l’information d’une part, de l’analyse d’autre part (l’analyse elle-même est soumise à ce phénomène de relativité, en plus de se nourrir à des informations elles-mêmes “relativisées”). Ce phénomène marque au degré le plus élevé possible l’information officielle. Chaque jour nous montre que l’information officielle, surtout d’origine anglo-saxonne (celle qui domine la sphère de l’information), est un “complot permanent”. Le virtualisme, autre aspect de cette ‘information officielle anglo-saxonne’ sinon sa définition même aujourd’hui, l’est encore plus systématiquement, — c’est un “complot permanent contre la réalité”.
Que vaut dans ce cas la critique permanente portée contre le complot, critique d’invraisemblance et d’obsession ? L’affaire toute chaude des “étoiles jaunes” des députés iraniens juifs, répercutée en 48 heures par deux Premiers ministres (canadien et australien) et un porte-parole (département d’État, USA) respectivement de trois gouvernements anglo-saxons jugés honorables, tout cela démenti dans les 24 heures qui suivent, est une démonstration impérative de cette situation. Les questions qui viennent évidemment à l’esprit sont cruelles : où est le complot ? Où trouve-t-on invraisemblance et obsession? N’ayez pas la cruauté d’attendre des réponses.
Procédons par constats négatifs : dans l’affaire 9/11, il est manifeste que les “autorités” ne veulent pas qu’on s’interroge sur le fait qu’il y a complot ; que toute personne qui s’interroge sur le fait qu’il y a complot est soupçonnée dans l’équilibre de son activité mentale plus que sur le produit de son activité mentale, et ainsi de suite… Il en résulte qu’au départ, la discussion porte sur ce qui devrait être la conclusion.
Le diagnostic vient en premier : la thèse du complot est le produit d’une psychologie malade, laissons-la de côté ; puis, en remontant à mesure que l’objet s’entête : le “complotiste” est fou. En dernière analyse, si l’entêtement persiste : examinons la thèse du complot puisqu’il le faut et qu’il nous reste du temps, mais en sachant fort bien qu’elle n’est pas sérieuse … Pour découvrir, divine surprise, que cette thèse est folle ! Retour à la case départ et ainsi de suite.
La démarche de déni du complot est elle-même un complot, — mais un complot inconscient et involontaire, acté collectivement, et donc mesure d’un déséquilibre collectif de l’activité mentale. Cela ne signifie pas qu’il y a stricto sensu “complot pour étouffer la thèse du complot” avec réunion dans des lieux sombres en manteaux gris couleur de muraille mais que ceux qui dénient cette thèse le font en général d’une façon obsessionnelle qui signale un état psychologique aggravé. Leur démarche de déni est de type pavlovien, effectivement instrumentée par une psychologie obsessionnelle. On leur dit “complot”, ils salivent et ils crient : “Au fou !” Puis ils retournent à la niche, parler des valeurs occidentales.
Dans ce cadre, les 45%-42% d’Américains qui veulent une nouvelle enquête (45%) et qui se disent convaincus qu’il y a eu “cover up” (42%) des autorités (« supporting the idea of a deliberate coverup », c’est-à-dire, objectivement considéré : complot, soit pour dissimuler la vérité, soit pour dissimuler la vérité qui impliquait ceux-là mêmes qui la dissimulent), — ces chiffres sont un coup de tonnerre. On n’en a guère parlé officiellement ni dans notre grande presse officielle. C’est le signe qu’effectivement l’affaire est grave.
La thèse du complot est désormais authentifiée par une minorité significative du peuple américain. (Inutile de barguigner là-dessus : nos démocraties ne vivent sous perfusion que grâce aux sondages ; seuls les sondages leur donnent l’apparence de dynamisme qui fait qu’un ministre en passant peut avancer sans bégayer qu’il y a encore de la vie là-dedans ; on ne peut repousser un sondage, surtout venant de Zogby [maison honorable], le sondage dit par conséquent le vrai ; nous voilà coincés.) C’est très justement dit, ce mot de “striking” qui définit la force du choc (intraduisible en français mais grosso modo : quelque chose qui vous met KO) : « This rough balance in opinions is itself a striking finding. It suggests that doubts about the officials accounts of 9/11, far from representing an extreme fringe position, have become a standard component of anti-establishment attitudes. »
Ces événements divers nous éclairent moins sur les circonstances de l’attaque du 11 septembre (là-dessus, la documentation est fournie, dès l’origine) que sur le sort de ce qu’on nommerait “la vérité officielle”. L’événement se situe dans le courant de la perte de légitimité des pouvoirs démocratiques en Occident. L’activité inouïe de la “communication” officielle, c’est-à-dire de “l’interprétation officielle” des événements par les autorités officielles, accélère cette perte de légitimité en faisant des autorités officielles des parties dans le grand jeu politique.
L’attaque du 11 septembre est l’événement fondateur de cette période d’accélération décisive de la situation que nous décrivons. Le crédit de l’information officielle, qui n’est plus soutenu par la légitimité perdue corps et bien des autorités, dépend par conséquent d’une version du récit de l’attaque. Mais en aucun cas on ne peut envisager, justement, que ce soit une version : ce ne peut être que la vérité officielle. Il s’agit moins de protéger d’éventuels comploteurs ou de soutenir l’argument de la légitimité de la guerre contre la terreur. Il s’agit de tenter de faire survivre un substitut (“9/11-ce-n’est-pas-un-complot”) à la légitimité officielle qui s’est effondrée. L’enjeu va bien au-delà de la discussion autour du complot. La version “9/11-ce-n’est-pas-un-complot” est devenue un nouveau catéchisme de notre religion démocratico-américaniste. Impie, relaps et sacrilège celui qui en doute, — mais 42% du peuple de la puissante et vertueuse Amérique ?!
La découverte que la puissance de l’enjeu, avec tous les moyens mis autour pour le protéger, n’empêche pas 42%-45% de la population US de douter de “la vérité” ou de la contester radicalement est une terrible nouvelle. Elle est bien plus catastrophique que l’attaque elle-même, — l’attaque selon la version officielle, s’entend.
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