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344Telle qu’elle est présentée par le commentateur US des affaires de sécurité nationale Jeff Huber, l’affaire est du type: “c’est complètement fou, mais pourquoi pas?” Huber publie ce 9 novembre 2009 sur Antiwar.com, un article qui reprend l’hypothèse d’un marché secret conclu par Hillary Clinton avec les militaires pakistanais (et le chef du service de renseignement ISI), pour tenter d’aboutir à un accord de retrait des forces US d’Afghanistan.
Huber s’appuie sur une dépêche d’agence italienne expliquant que Clinton avait fait pression pour que l’ancien ministre des affaires étrangères de Karzaï quitte la course à la présidence, et que cela était considéré comme un maître coup diplomatique. («Adnkronos International [AKI], the Italian news agency, reports that the U.S., in the person of Hillary Clinton, pressured Hamid Karzai rival Abdullah Abdullah to drop out of the presidential race. The way AKI describes it, this was the biggest foreign policy coup of the Obama administration to date.») Puis Huber cite un article d’Atimes.com (du 6 novembre 2009), confirmant assez logiquement le précédent, puisque du même auteur (Syed Saleem Shahzad, chef du bureau d’Asia Times au Pakistan et correspondant de AKI): «“In exchange for the pullout of the non-Pashtun Abdullah, Pakistan’s military has agreed to actively mediate between Washington and the Taliban over a reconciliation plan that will allow the U.S. to exit from Afghanistan, as it is doing in Iraq, with a semblance of success.”
Syed Saleem Shahzad explique qu’Hillary Clinton a passé quatre heures avec le chef d’état-major des forces militaires pakistanaises, et le chef de l’ISI, pour envisager un accord où les militaires pakistanais aideraient décisivement à un arrangement entre les talibans et Washington. Parallèlement, sont écartées les bonnes intentions washingtoniennes d’appuyer la démocratisation du pays, puisque cette rencontre et cet accord reviendraient à reconnaître la toute-puissance des militaires et de l’ISI dans la direction pakistanaise.
Huber conclut: «The fascinating aspect of Shahzad’s narrative is that it sounds crazy as a coot and yet makes perfect sense. The course McChrystal proposes pursuing in AfPak is perfectly stupid. We’re poised to send tens of thousands more young military persons there to protect Afghans from people they’re related to in order to make the related people go away though they have nowhere else to go. We’re going to do that for the sake of disrupting a terror network that no longer exists in Afghanistan, and we’re willing to invest many years and many young American lives and much American treasure toward this goal.
»Shahzad would have us believe that our secretary of state, who is mostly known for being strident and abrasive, has, over a three-day period, managed to avert the demise of our republic by cutting the biggest dope deal ever with some of the biggest sleazebags ever. It’s an incredible story, and one I find hard to believe. But I hope it’s true.»
(En annexe symbolique pour notre information, hier, 8 novembre 2009, interviewé sur CNN, Gorbatchev donnait son avis: «Gorbachev […] said Sunday that, instead of sending more troops, Obama should begin to the lay the groundwork to withdraw from Afghanistan. “I think that what’s needed is not additional forces…
@PAYANT Il y a, de plus en plus, deux interprétations dans la communauté des observateurs de la question afghane et des décisions US à cet égard. D’une part, ceux qui jugent Obama indécis, très inquiet de la tournure que prend la guerre mais prisonnier d’une pression classique du système, des bellicistes et des militaires et cherchant des arrangements intermédiaires, avec l’idée qu’on peut tout de même trouver une voie intermédiaire pour faire avancer les choses sur le terrain; d’autre part, ceux qui jugent qu’Obama et son équipe (surtout Biden, Jones et, semble-t-il, Hillary) sont affolés devant les perspectives de la guerre et veulent une orientation vers un désengagement radical, impliquant des initiatives audacieuses. L’affaire Shahzad-Huber va évidemment au deuxième parti.
Ce qui crée une “atmosphère spéciale” qui conduit à accréditer des hypothèses de cette sorte, c’est évidemment le temps incroyablement long que prend Obama pour se décider à propos de la demande du général McChrystal. Obama «is buying time», disent les géopoliticiens qui croient à la dictature des rapports des forces apparentes, et de forces dont on ne sait plus si elles existent vraiment, – «is buying time», par exemple, parce que l’hiver approche et que les talibans vont être obligés de réduire leurs activités. C’est réduire la stratégie à la tactique météorologique. Au contraire, ce “buying time” pourrait effectivement représenter le délai qui permet aux hypothèses les plus folles de se concrétiser, avec l’idée que l’équipe BHO est prête à beaucoup pour se débarrasser du boulet afghan. Il est à noter que cette même hypothèse est retenue, en désespoir de cause, en dernière option, par les mêmes géopoliticiens (Friedman, de Stratfor) si, effectivement, toutes les autres options ne marchaient pas…
Mais quelles autres options ? Le “temps incroyablement long” pour qu’Obama prenne une décision sur le plan McChrystal pourrait s’avérer encore plus “incroyablement long”, puisque certaines sources avancent désormais que, très récemment, la date pour une telle décision aurait été repoussée à janvier 2010. Ce report alimenterait encore plus l’hypothèse Shahzad-Huber, malgré tout l’aspect complètement incroyable que lui trouve Huber. Effectivement, lorsqu’on se trouve devant une situation officiellement de plus en plus “incroyable” (le délai qui ne cesse de grandir pour la décision “d’urgence” attendue d’Obama), les hypothèses également “incroyables” prennent du corps.
Shahzad, note Huber, semble dire que le Pentagone est d’accord dans cette opération; Huber semble tout de même un peu stupéfait de cette affirmation (mais on n’en est pas à une “stupéfaction” près et celle de Huber ne semble pas complètement convaincante). Il est vrai que cette version pourrait sembler difficile à accepter. Pour autant, on voit que la situation au Pentagone varie constamment et ne peut être tenue pour acquise dans un seul sens; de même, il ne peut être tenu pour acquis que le Pentagone soit constamment d’un seul bloc, par conséquent il peut être partagé dans cette occasion, avec certains pouvant effectivement soutenir une telle perspective.
En conclusion, on observera sans originalité que la situation afghane à Washington est aussi insaisissable que du sable coulant entre vos doigts. Cela justifie effectivement d’envisager des hypothèses peu orthodoxes, et le crédit de Shahzad dans son domaine, autant que celui de Huber dans le sien (c’est un ancien officier de marine avec des contacts suivis avec les milieux de sécurité nationale), autorisent de s’y arrêter le temps d’un commentaire. Cela fixe, au moins, que, plus que jamais, la crise afghane est dans une phase de profonde incertitude.
Mis en ligne le 10 novembre 2009 à 12H25