Un couple improbable hautement inflammable

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

   Forum

Un commentaire est associé à cet article. Vous pouvez le consulter et réagir à votre tour.

   Imprimer

 5988

Un couple improbable hautement inflammable

12 août 2020 – Ne comptez pas sur moi pour vous détailler le CV de la candidate-VP choisie par Joe, avec ses diverses bifurcations, son ambition aux dents longues jusqu’à laisser des raies accusatrices sur le parquet, son opportunisme ondoyant et sa démagogie pour toutes les saisons. Kamala Harris, – c’est le nom de la Belle-au-Joe-dormant, – est taillée sur mesure, avec sa réputation de dure type-“law-&-order” et sa récente reconversion progressiste-sociétale, avec sa situation extrêmement aisée qui la met facilement dans les fameux 0 ;1% (revenu cumulé d’un peu plus de $1,8 million en 2018, avec son mari avocat très célèbre et très-très cher, et elle-même sénatrice de Californie) ; avec son origine croisée très LGTBQ-BLM mais aussi un petit zeste d’originalité (père jamaïcain et mère tamoule), et ainsi de suite. Du cousu-main et du plaqué-or, et le choix de Joe aussitôt approuvé par la Lady McBeth démocrate-sociétale (Hillary) et le Iago démocrate-progressiste (Bernie Sanders).

Ce qui m’intéresse, c’est de vaticiner un peu autour de ce “ticket” si improbable, entre une sénatrice pleine de feu et de voltefaces de 57 ans, et un vieux crouton gâteux de 77 ans, noyé dans ses obsessions, dans ses incertitudes cognitives, dans sa démence souriante et explosive, dans son masque anti-Covid et aujourd’hui encore peut-être pas vraiment informé qu’il est candidat à la présidence. Tous les gens sérieux sont d’accord, – et notamment WSWS.org qui retrouve un peu de sa verve et de son venin pour l’occasion, – pour dire que Harris est la candidate-VP préférée du parti, du Complexe, du Corporate Power, de Soros et du Système.

Pourtant et malgré ce consensus, on a formidablement merdé pour annoncer ce choix imposé à Joe, qui devait lui-même l’annoncer le 1er août, qui a cafouillé jusqu’au 11, y compris dans la journée du 11 où il disait qu’il allait le faire, puis qu’il ne le ferait pas (l’annonce du choix remise d’un jour) puis qui l’a fait finalement, dans la soirée. Même le nom de l’heureuse élue a été l’objet de bien des fulgurances contradictoires, Harris n’ayant plus la cote depuis longtemps et ressurgissant soudain alors qu’on attendait Susan Rice.

Le vieillard a des humeurs, dit-on, et il entre parfois dans des colères incontrôlables, verse dans des caprices incompréhensibles, ne veut pas décoller de son masque anti-Covid et ne pensant qu’à cela. (Joe a une trouille insensée d’attraper Covid-le-perfide-scélérat, qui frappe les gentils vieux à terre.) D’autre part, il n’est pas sûr qu’il ait une très grande affection pour Harris, qui l’a terriblement allumé lors du débat des 26-27 juin des candidats démocrates aux primaires, soulevant quelques vieilles carcasses pourries et casseroles cliquetantes pour rappeler que Joe est un vieux raciste terriblement manœuvrier et démago, à qui il arriva de dire un jour à une assemblée d’électeurs sudistes qu’il était sénateur du Delaware, et que “le Delaware a été du côté des Confédérés pendant la Guerre Civile”.

(Harris l’a allumé également pour ses pratiques de peloteur effréné, sans parler des accusations de viol, et même sur ses capacités éventuelles de président. Politico écrivait en avril dernier : « La sénatrice Kamala Harris (D-Calif.) a déclaré mardi qu'elle croit les femmes qui disent se sentir mal à l’aise après avoir reçu des attouchements non désirés de Joe Biden.
» “Je les crois et je respecte le fait qu’elles puissent raconter leur histoire et qu'elles aient le courage de le faire”, a-t-elle déclaré lors d’une réunion de sa campagne  au Nevada.
» La sénatrice californienne a ajouté que Biden devra décider lui-même s'il se présente à la présidence.
» “Il va devoir prendre cette décision pour lui-même. Je ne lui dirais pas ce qu'il doit faire”, a déclaré Harris. »)

Vous croyez que je musarde et flânarde en remâchant des choses connues, pour ne pas dire grand’chose, faire l’important et remplir une page-blanche de ce Journal-dde.crisis. Mais non, au contraire, j’apprête le vif de mon sujet.

Bien entendu, vous connaissez tous la condition de Joe. Malgré les efforts faits pour la dissimuler, l’opinion aux USA en semble elle-même fort avertie, comme le montre une enquête d’opinion disant que 74% des républicains et 49% des démocrates interrogés pensent qu’il ne finira pas son mandat s’il est élu ; et 38% des personnes interrogées, dont un démocrate sur 5, qui pensent que Joe est affecté d’“une sorte ou l’autre de démence” ; et 61% des sondés qui pensent que Joe devrait aborder publiquement cette question... Notamment et pour ce faire, il devrait prendre l’initiative de se faire examiner. Un journaliste de la chaîne-amie MSNBC qui l’en pressait s’est fait vertement rembarrer par un Joe entrant soudain dans une fureur incontrôlée et demandant pourquoi, Grand Dieu, pourquoi devrait-il faire des tests cognitifs !

... Ceci et cela n’ayant rien pour étonner : ni la fureur comme réponse, ni le refus d’un examen parce que justement, la pathologie dont est affectée Biden suppose d’abord son déni furieux de la part de lui-même, et les colères brutales répondant à l’indignation à cet égard en sont le signe supplémentaire. Je veux suggérer par là, pour être plus général et en venant à mon sujet, que Biden le vieux crouton, ‘Sleepy-Joe’ comme le surnomme Trump, sera loin, très-loin d’être malléable, ‘manipulable’ si vous voulez un terme plus explicite, lorsqu’il sera président s’il l’emporte. On ne manipule pas aisément quelqu’un qui subit des troubles psychologiques, qui suppose toujours des tendances maniaques ou schizophréniques.

C’est là qu’intervient le cas de la VP de couleurs mélangées, d’opportunisme et d’ambition insatiables, que Joe vient de choisir. C’est alors que nous réalisions le caractère extraordinaire de la situation, qui n’a rien de politique, rien de rationnel, rien qui réponde à la froide analyse de la situation générale selon les facteurs habituels de la science politique. Le caractère dont je parle, c’est cet événement absolument extraordinaire compte tenu de ce que sont, l’une pour l’autre selon la coutume, la présidence et la vice-présidence aux USA.

Je crois pouvoir avancer que jamais dans l’histoire de ce pays et dans l’histoire de l’américanisme, un candidat à la présidence ne s’est présenté dans de telles conditions. Il se dit lui-même « un président de transition », – j’imagine qu’il ignore précisément ce qu’il veut dire par là, – et la spéculation unanime est de savoir s’il partira dans six mois, dans deux ans, ou s’il réussira l’exploit quasi-herculéen d’aller au bout de son mandat. (Quant à un deuxième mandat, hein, vous savez ce qu’on doit en penser.) C’est donc un président en sursis et sur le fil du rasoir de l’esprit à son crépuscule qu’ils vont élire si Joe est élu, un président dont tout le monde craindra ou attendra son départ pour demain matin. Vous imaginez ce que seront, dans de telles conditions, son crédit, son autorité, sa légitimité.

Par conséquent, “je crois pouvoir avancer que jamais dans l’histoire de ce pays et dans l’histoire de l’américanisme” (bis), un(e) candidat(e) à la vice-présidence ne s’est présenté(e) dans de telles conditions. D’habitude, un VP est un non-être politique, sauf des cas rarissimes où il y a accord entre le président et son VP, le dernier cas étant celui de GW Bush, novice avéré et le reconnaissant lui-même, ayant choisi de donner des pouvoirs importants à son VP Dick Cheney, mais gardant tout de même la haute main sur des entreprises déstructurantes qu’il soutenait avec un zèle idéologique inattendu, qui s’était révélé au long de sa présidence pour alimenter avec ardeur les catastrophes que nous connaissons. D’autres cas montrent une situation où le président est quasiment remplacé, soit par son entourage (Nixon en 1973-74), soit par sa femme (Wilson en 1919), mais il s’agit chaque fois d’un cas accidentel, et qui n’est en aucune façon rendu officiel.

Le cas Biden-Harris est complètement différent. Harris sait qu’elle remplacera Biden, au moins à 95% des possibilités, sinon à 110% pour les mieux-informés. Elle le tient évidemment pour un vieux crouton gâteux et devenant fou, donc sans autorité, sans légitimité, et il est probable qu’elle en conclut qu’il est d’une grande faiblesse. En plus, je fais l’hypothèse, cela alimenté par les débats, qu’elle ne l’aime pas et l’on sait qu’elle n’est pas une tendre. Il est très probable qu’elle se conduira avec lui comme en terrain conquis, qu’elle se placera pour gérer les affaires, sans doute avec d’autres, sans prendre beaucoup de précautions.

La chose est d’ailleurs dite sans ambages, comme allant de soi. ZeroHedge.com écrit : « Elle est également la première vice-présidente qui, conformément à l’opinion d’une grande partie du pays sur l’état de santé de Biden, dirigera en fait les choses en coulisses (peut-être de concert avec les secrétaires d’État et du Trésor de Biden, et un chef de cabinet mis dans la combine). » Le même article cite une analyse de Fox.News : « La présidente du RNC [direction du parti républicain], Ronna McDaniel, a rapidement déclaré que Biden avait choisi “la personne qui serait effectivement en charge des quatre prochaines années”. Cela rejoint l’argument de Trump selon lequel le candidat de 77 ans est hors course et captif de l'aile ultralibérale de son parti. »

La situation en fonction de l’état de Biden est jugée “comme allant de soi”, écrivons-nous. Sans nul doute en théorie, mais c’est une autre affaire d’envisager que Biden soit mis de côté, empaillée disons, jusqu’à son départ officiel, tandis que Harris & Cie s’occupent des affaires courantes du monde. Je pense que ceux qui pensent cela, “comme allant de soi” encore une fois, vont peut-être un peu vite. L’état de Biden élu-président serait plutôt, je pense, comme je l’ai décrit : un personnage instable, hors de toute logique, à l’humeur incontrôlable, et qui pourtant est effectivement le président. En quelque sorte, Biden serait un remake de Trump, mais dans un autre registre : tout le monde croyait un peu vite que Trump deviendrait une marionnette, alors qu’il s’est avéré plutôt incontrôlable. Trump n’a pas les troubles cognitifs de Biden, mais son narcissisme exacerbé fait l’affaire pour soutenir la comparaison. C’est selon cette forme de pensée que je ne crois pas que Biden sera de tout repos. On ne manipule pas un personnage de cette sorte, et je répète que je ne crois pas que Harris soit à cet égard une bonne infirmière, que je crois au contraire que sa présence, son ambition, sa position aux affaires, aggraveront encore la situation.

Bien entendu, s’il le faut, si Biden ne part pas avec le complet accord de son plein gré, on en viendra vite à considérer son départ forcé. C’est-à-dire que, comme dans le cas (encore) de Trump pendant quelques semaines, on envisagera l’application du 25ème Amendement, c’est-à-dire la destitution pour incapacité de gouverner, selon une procédure d’une complexité labyrinthique et avec des précisions fort imprécises. Pour cela, il faut une proposition écrite du VP (de la VP) et « une majorité [note de PhG : combien ?] des principaux fonctionnaires des départements exécutifs ou de tel autre organisme désigné par une loi promulguée par le Congrès... » ; ensuite, le Congrès a vingt jours pour se prononcer, et il faut une majorité des deux tiers des deux Chambres pour prononcer la destitution.

Ce n’est pas acquis d’avance, dans le climat actuel, avec une aile ultragauche du parti démocrate qui voudra des gages, avec des républicains montés à fond contre la ‘communiste’ Harris, etc... Effectivement, vous lisez ou vous vous dites tout cela “dans le climat actuel”, avec la situation qu’on sait, totale incertitude, crise profonde et de sans retour, où se trouve l’Amérique.

Bref, le couple Biden-Harris, c’est une image assez juste du système de l’américanisme au cœur de la GCES. Couple improbable, inflammable, bombe à retardement, couple absolument crisique, produit d’un temps devenu fou, promis à la folie comme le reste. Comme vous le voyez, l’alternative du 3 novembre ne laisse pas beaucoup d’issues de secours.

... Entretemps, Trump avait philosophé lors d’une interview à bâtons rompus curieusement donnée Fox Sports Radio. Il avait dit que Biden « s’est lui-même ligoté à un certain groupe de gens » en promettant de choisir une femme noire comme VP. « Certaines personnes disent que les hommes sont insultés par ça, d’autres que c’est très bien. Je ne sais pas... »