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20 mai 2004 — Les USA s’apprêtent à retirer un dixième de leurs forces de Corée du Sud, qui constituent la moitié des troupes immédiatement aptes au combat dans la zone démilitarisée. GW nous assure joliment que ce retrait n’affecte en rien l’engagement US dans la région. Pour la réalité, bien sûr, c’est Chalmers Johnson, historien et spécialiste de l’Asie à l’Université de Californie de San Diego, qui est intéressant à écouter : « The greatest limiting factor on the empire right now is manpower. They are running out of it. »
Le sentiment à Washington ne cesse d’empirer et tourne au pessimisme apocalyptique, un peu partout, au Congrès, au sein de l’administration elle-même. Une peinture réaliste, et même d’un réalisme effrayant, de la situation nous est faite par Julian Borger, du Guardian, ce jour. Borger nous rapporte ce jugement général d’un faucon fameux dans les milieux conservateurs avant d’enchaîner sur un tableau plus large :
« “I believe we are absolutely on the brink of failure. We are looking into the abyss,” General Joseph Hoar, a former commander in chief of US central command, told the Senate foreign relations committee. The apocalyptic language is becoming increasingly common here among normally moderate and cautious politicians and observers.
» Larry Diamond, an analyst at the conservative Hoover Institution, said: “I think it's clear that the United States now faces a perilous situation in Iraq. We have failed to come anywhere near meeting the post-war expectations of Iraqis for security and post-war reconstruction. There is only one word for a situation in which you cannot win and you cannot withdraw — quagmire.”
» The growing fear is that the US will able neither to defeat the insurgents in Iraq nor to find an honourable means of withdrawal, while every week there will be an haemorrhaging of US credibility in the Arab world and far beyond. “With at least 82% of the Iraqis saying they oppose American and allied forces, how long do you think it will be before the Iraqi government asks our departure?” said Senator Joseph Biden, the senior Democrat on the foreign relations committee. »
Ce qui apparaît de plus en plus nettement est que la crise se développe parce que les États-Unis se trouvent dans une situation de blocage absolu ; blocage politique, sans aucun doute, illustration de ce qu’on nomme “un bourbier” — « a situation in which you cannot win and you cannot withdraw » ; blocage militaire, également, comme le montre Jim Lobe dans un texte où il détaille les problèmes d’effectifs qui constituent une paralysie majeure de l’appareil militaire américain, avec la conséquence qu’on a vue en Corée du Sud
« According to Paul Sperry of the Hoover Institution, the Pentagon has just launched a massive nationwide call-up of former service members – a total of 118,000 Individual Ready Reserves (IRR) – who have not fully completed their eight-year contractual obligation to the Army.
» These people, who have all but formally signed their release papers, are now being ordered to report to their Army National Guard or Army Reserve units for possible activation “in support of missions in Iraq, Afghanistan and other locations.”
» News of the IRR activation coincided with Rumsfeld's order to send 3,600 soldiers from the Army's Second Infantry Division based near the demilitarized zone (DMZ) across from North Korea, another ''rogue state'' with WMD, to Iraq. The troops constitute 10 percent of U.S. forces in South Korea and one-half of combat-ready ground troops there.
» While the Pentagon insisted the shift will not affect Washington's ability to defend South Korea, the significance of removing troops confronting North Korea was missed by few here. As one unnamed administration official told the Nelson Report, a private newsletter, “We are pulling out our conventional deterrent force in the midst of a self-declared nuclear crisis with North Korea!
(…)
» “The administration has come to recognize that relying on reserves and the national guard are not sufficient for the nature of the occupation they're involved in, and the only ones that are available are in Asia,” noted John Gershman, an Asia analyst at New York University, who added the move suggests to Pyongyang that Washington “is not going to launch a strike against it any time soon.”
» “Mobilizing the passive reserves [IRR] is probably the last thing they can do before either cutting back on what they're doing, or go to the military draft, or go hire foreigners, but the country can't really afford that,” according to [Chalmers] Johnson, whose 2003 book, Sorrows of Empire, deals with U.S. military forces overseas. »
A Washington, la paralysie est complète. L’on ne peut faire qu’y attendre les poussées successives de la crise, les unes après les autres, et tenter d’en écarter les effets comme on écope une voie d’eau. L’immense inconnue de la situation, c’est l’effet sur l’élection présidentielle. Il est possible qu’on soit d’ores et déjà arrivé à une situation de blocage là aussi, qui constitue du reste la plus grave hypothèse qu’on puisse envisager : une situation de blocage de la démocratie elle-même, lorsque la popularité d’un dirigeant s’effondre et que cet effondrement n’est nulle part répercuté dans les intentions de vote des électeurs, sans qu’aucune entrave n’intervienne.
On peut envisager une situation extraordinaire où GW Bush serait réélu malgré une formidable situation de perte de légitimité due à la crise en Irak et à son effet dans l’opinion publique. (L’indice d’approbation de l’action du président est tombé en trois mois, de février à avril, de 61% à 55%, puis 42%.) Il s’agit d’un effet pervers de la démocratie de communication, avec la tendance accentuée par la communication de séparer les personnes en cause de la politique à laquelle ils président. On serait dans la situation d’un exécutif ayant perdu toute son autorité tout en conservant le contrôle de la puissance américaine, à l’heure où la crise irakienne demanderait une autorité sans faille. Désormais, les Américains sont placés devant cette sorte d’hypothèses.
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