Un enchaînement de violences qui n’est surprenant que par sa rapidité

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Un enchaînement de violence qui n’est surprenant que par sa rapidité


20 août 2003 — Sans doute est-ce ce titre du Guardian qui correspond le mieux à la situation : « Iraq: the agony goes on ». Il y a en effet une allure d’enchaînement logique et d’enchaînement fatal dans les événements en Irak, et principalement avec l’attentat du 19 août. Les deux seuls aspects surprenants de cette évolution vers le désordre et le chaos sont : d’une part, sa rapidité et même son accélération ; d’autre part, l’impuissance et l’inefficacité presque caricaturales à force de constance des Américains à en modifier le cours et, par conséquent, leur rôle involontaire dans la rapidité et l’accélération de ce cours. Chaque jour qui passe confirme le pire.

Tout le reste renvoie à une situation classique :

• La radicalisation des opposants, résistants, guérilleros, terroristes, etc, — quel que soit le nom qu’on veut leur donner, et cela dans un but intéressé.

• L’élargissement extrêmement accéléré, — là aussi, la rapidité surprend, — des acteurs de l’opposition à l’occupation du pays, “élargissement” qui va dans le sens d’une “internationalisation” de cette opposition. Cette internationalisation, signalée de toutes parts dans les analyses et commentaires de presse, se fait évidemment, là aussi, dans le sens d’une radicalisation. Chaque nouvel opposant, qu’il vienne d’une organisation terroriste, d’une organisation nationale, etc, voit dans le théâtre irakien l’occasion d’exercer sa puissance et d’affirmer sa position au travers de sa contribution dans l’accélération du désordre. L’évolution de la situation de l’Irak passe donc d’une situation de résistance à une situation de désordre, et donc infiniment plus difficile à contenir et à résoudre. De plus en plus de combattants anti-US ne sont pas en Irak pour “libérer” l’Irak mais pour attaquer les Américains (éventuellement la “communauté internationale”).

• La posture des forces américaines et de l’Amérique elle-même, avec une rhétorique elle-même radicale d’américanisation de la zone, aboutissant à faire de l’Irak l’abcès de fixation de la “guerre contre la terreur”, et cela dans les pires conditions de vulnérabilité pour les Américains.

• Le naufrage accéléré de toutes les tentatives de compromis et de toute position de compromis, dans tous les cas en Irak même. C’est un démenti complet aux arguments de ceux des adversaires de la guerre qui se posent en soi-disant réalistes, en estimant que, puisque nous y sommes et que la guerre est terminée, il vaut mieux aider à la reconstruction du pays. C’était évidemment le pari de l’ONU, — pari perdu.


« [The UN] had deliberately opted for minimal security, to avoid being associated with the occupation forces. But the strategy made the headquarters, formerly the Canal Hotel, vulnerable and it was unclear last night whether any review of conditions had been undertaken since the bombing of the Jordanian embassy.

(...)

» “It is quite unspeakable to attack those who are unarmed,” [UN spokeman] Mr Lone said. “We are unprotected. We're easy targets. We knew that from the very beginning, but every one of us came to help the Iraqi people who have suffered so long, and what a way to pay us back. I think their real target is the Iraqi people.” »


Nous avons eu beaucoup de condamnations et de dénonciations de l’attentat d’hier, qui n’ont représenté que la mesure du désarroi de cette chose étrange qu’on nomme “la communauté internationale”. La réalité est que les conditions de la guerre contre l’Irak, la volonté absolue perçue de déclencher ce conflit avec la plus grande puissance possible, la perception qu’on a eue dans les mois qui ont précédé, voire les mois depuis le 11 septembre 2001, d’un conflit à outrance destiné à déboucher sur une révolution politique et culturelle de toute la région, conduisaient évidemment à l’idée d’une résistance à outrance et invitaient à l’action de tous les terrorismes possibles. Nous y sommes, et « the agony goes on ». La surprise, encore une fois, est la rapidité de cette agonie.