Un extraordinaire aveu et une extraordinaire accusation de Raytheon, dans un procès extraordinaire

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Il y a actuellement un procès en cours entre la famille d’un pilote de l’U.S. Navy et la firme Raytheon. C’est un procès extraordinaire. La famille demande $20 millions de dommages et intérêts à Raytheon, producteur du missile sol-air Patriot, parce que son parent Nathan D. White, – fils, mari et père des plaignants, – a été tué à bord de son F-18 abattu par erreur par un missile sol-air Patriot, en 2003 lors de l'invasion de l'Irak. La famille poursuit Raytheon parce qu’elle affirme que la firme savait que son missile avait (a toujours?) un système d’identification ami-ennemi (“friend and foe”) défaillant. La chose semble avoir été montrée et démontrée devant la justice, ce qui n’est pas étonnnt dans la mesure où les faiblesses du Patriot sont largement et publiquement documentées sans que ces affirmations publiques aient jamais été démenties.

Un prolongement extraordinaire de ce procès exytraordinaire a pris la forme d’une déclaration officiellement actée de Daniel Roy Kirby, un des dirigeants de Raytheon. Kirby affirme que l’U.S. Army, qui a commandé, accepté et déployé opérationnellement le Patriot, était parfaitement au courant au moment des faits de cette faiblesse grave du missile. Cette révélation est venue du Boston Globe, reprise par UPI le 26 décembre.

«Kirby alleged that before Navy pilot Nathan D. White's plane was accidentally shot down by the Patriot System in 2003, Army officials knew the system struggled to differentiate between friendly and enemy aircraft.

»“Prior to April 2, 2003, the Army was aware that there had been documented instances in which the Patriot System in training, test, and/or combat failed to perform to operational requirements, including specifically its misidentification of friendly vehicles as enemy targets,” Kirby alleged.

»The Globe said that since White's family filed a $20 million lawsuit against Raytheon, the company has attempted to refocus the blame for the incident on the military.»

Les affirmations de Kilby (qui semblent effectivement fondées) ont été faites alors que l’U.S. Army a exercé des pressions très fortes sur Raytheon pour qu’il n’en soit pas ainsi. Les enjeux de cette affaire sont considérables et l’avancement du procès est suivi par diverses parties extérieures. Selon le jugement qui sera rendu et la responsabilité qui sera déteminée (Raytheon ou/et l'U.S. Army), les prolongements graves peuvent être divers.

• D’autres parties civiles peuvent s’appuyer sur une éventuelle jurisprudence de culpabilité pour attaquer l’une et/ou l’autres entités mises en cause (Raytheon et/ou l'U.S. Army). Ces parties civiles peuvent être constituées par d’autres familles de victimes (dont celles des membres de l’équipage d’un Tornado britannique également abattu par erreur). Certains pays acheteurs du Patriot peuvent également demander des comptes.

• Il est en général acquis que les “prouesses” du Patriot ont été dissimulées au profit d’une formidable campagne mensongère de promotion pour vendre le Patriot à l’exportation. C’est l’une des raisons pour laquelle l’U.S. Army a accepté ce système avec toutes ses faiblesses, et certainement en toute connaissance de cause. L’autre raison est que l’U.S. Army ne voulait pas interrompre un programme majeur dont dépendait une partie de son statut budgétaire et opérationnel, et notamment toute la crédibilité de la première génération des systèmes de défense anti-missile. Un jugement entérinant juridiquement les faiblesses du Patriot pourrait porter un coup très grave à toutes ces capacités faussaires auxquelles prétend l’U.S. Army et mettre en cause certaines exportations.

C’est sans doute la première fois qu’un tel cas, si remarquable par son importance et le prestige des protagonistes, venu de l’intérieur même du tout-puissant complexe militaro-industriel (CMI), vient à la lumière d’une investigation juridique et pourrait conduire à un jugement qui serait une interférence majeure du pouvoir judiciaire dans le CMI et ses pratiques douteuses. Il s’agirait d’une petite révolution qui pourrait ne pas être sans suite, aux USA où la pression et l'incursion judiciaires représentent une activité importante du système malgré les conséquences économiques graves (voir les attaques contre l'industrie du tabac). Jusqu'ici, la plupart des procès contre l'industrie et l'institution militaires ont été faites contre des circonstances fortuites (erreur humaine, erreur de gestion, erreur de coordination, etc.). Ce procès innove en ce qu’il va au cœur d’une affaire qui est une tromperie délibérée concernant le fonctionnement d'un système d’arme sensible d'une part, et un système d'arme vedette de l'arsenal américaniste d'autre part.


Mis en ligne le 28 décembre 2007 à 06H33