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6366• Nous tentons de donner à l’affrontement entre le Hamas et Israël une place et une signification particulières qui permettent de dégager l’une ou l’autre perspective. • Car il est évident que ces deux crises ont nécessairement des liens d’influence entre elles. • Plus important encore : la “guerre” Hamas-Israël prive la crise ukrainienne de sa position absolutiste d’une crise qui efface tout le reste. • C’est la première fois depuis février 2022 que la Russie est libérée de cette chape de plomb d’une communication totalitaire. • La situation est bouleversée.
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Rarement, – nous dirions “Jamais” selon notre connaissance, deux crises transmutées en guerres d’intensité importante et soulevant autant de passions affectivistes ne se sont trouvées en parallèle, au paroxysme de leur violence. Il s’ensuit nécessairement, au travers de prises de position passionnées et prétendument morales, un affolement de la communication qui doit jouer un rôle d’une très grande importance ; l’on sait en effet qu’aujourd’hui, la communication détermine la politique presqu’autant que les intérêts nationaux auxquels, souvent, les hommes politiques ne s’attachent qu’en surface, sans s’intéresser au long terme ni même imaginer qu’il y a un long terme.
Ce rôle de la communication sera d’autant plus important qu’il sera imprévisible parce que les positions morales du public et des élites sur les deux crises, qui forment l’essentiel de la communication et de l’influence comme facteur politique, s’alignent rarement les unes sur les autres. Combien d’intellectuels et apparentés de diverses manières, – nous parlons de l’Ouest-affectif, bien entendu, – qui soutiennent corps et âme Zelenski, feront de même, les uns pour Israël, les autres pour le Hamas, et ainsi devenus dans ce cas ennemis jurés ? Une fois passées les premières réactions d’horreur concernant l’attaque contre des civils israéliens, puis la même chose concernant la répression contre des civils palestiniens, on en reviendra aux prises de position politiques, – affectivisme là encore et , ici et là, – et donc à la confusion multipliée qu’on a signalée se heurtant à la quasi-unanimité zélenskiste qu’on avait constatée.
On a déjà un exemple de cette confusion et de cette absence de corrélation avec les partis politiques aux USA, – bien entendu, avec l’approche des élections présidentielles... D’ailleurs et à propos, n’est-ce pas une situation latente et permanente, l’approche des élections, – n’importe lesquelles que nous importe, – dans toutes nos “démocraties” en crise ?
Le cas est surtout remarquable chez les républicains, pour certains se faisant plus neocon que les neocon classiques (surtout des démocrates), avec comme cibles principales l’Iran et Joe Biden :
« “Vous avez vu cela lorsque ces avions remplis d’argent liquide ont été envoyés par Obama en Iran, [dit l’ancienne ambassadrice US à l’ONU et candidate à la présidence Nikki Haley]… Ce qui s’est passé, c’est que ces fonds ont été envoyés au Hezbollah au Liban. Ils ont été envoyés au Hamas à Gaza. Ils ont été envoyés aux Houthis au Yémen. Ils propagent le terrorisme à chaque fois qu’ils reçoivent un dollar.”
» Les républicains ont critiqué les efforts diplomatiques entre les États-Unis et l’Iran depuis l’administration Obama, lorsque Joe Biden était vice-président. Les États-Unis ont sanctionné ce pays du Moyen-Orient depuis la crise des otages à l’ambassade américaine à Téhéran en 1979.
» Plus récemment, l’administration Biden a débloqué des fonds iraniens gelés dans le cadre d’un accord d’échange de prisonniers avec le pays. L’accord stipulait que les 6 milliards de dollars ne pourraient être utilisés qu’à des fins humanitaires. Mais les républicains ont souligné la nature fongible des actifs, arguant que l’accord libère des ressources permettant à l’Iran de financer des groupes terroristes.
» Le sénateur Tim Scott (R-SC) a fait écho dimanche aux remarques de Haley sur la plateforme de médias sociaux X, affirmant que “les négociations de Biden ont financé l’attaque contre Israël”.
» Pendant ce temps, l’ancien vice-président américain Mike Pence a rejoint Haley dans l’aile néoconservatrice de son parti, trouvant à redire aux appels d’autres républicains à la retenue en matière de politique étrangère.
» “C'est ce qui arrive lorsque des voix influentes comme Donald Trump, Vivek Ramaswamy et Ron DeSantis signalent le retrait de l'Amérique du rôle de leader du monde libre”, a déclaré Pence dimanche, faisant référence à l'opposition croissante au sein de son parti à l'envoi de fonds à l'Ukraine. “Ce qui s’est passé ce week-end était une invasion non provoquée du Hamas en Israël”. »
Pendant que les républicains se déchirent, les démocrates, tout de même un peu terrifiés, se taisent parce qu’ils savent qu’ils ont peu d’arguments financiers et militaires pour défendre leur cause. Ils ne profitent guère des déchirements républicains qui ne sont que de surface et tous à double effet : l’accent mis sur un tournant stratégique vers le Moyen-Orient (certains républicains appellent à « l’approche musclée de l'administration de George W. Bush », – c’est dire) implique une dénonciation de facto de la stratégie de Biden, – la “Biden’s doctrine”, sans rire, – absolument centrée sur l’Ukraine. Les démocrates craignent cette horrible perspective de la cessation des combats en Ukraine.
Et les républicains, que proposent-ils ? Attaquer l’Iran ? Les USA n’ont plus les moyens de ces rodomontades. Ils ne proposent qu’une chose : manipuler la politique extérieure, dans un sens et l’autre, pour en faire un argument électoral pour la bagarre intérieure. Ainsi la “guerre” entre Israël et le Hamas est-elle une incursion-surprise au cœur de la politique intérieure américaniste et un facteur de désordre supplémentaire.
Qui, dans cette atmosphère, se soucie encore du président Z. et du sort de la contre-offensive ?
... Qui ? Mais les Russes, pardi. On entend désormais des informations en grand nombre quoique discrètes et sans beaucoup d’échos sur la pression grandissante de l’armée russe sur tout le front. L’on pourrait ainsi parler d’une « contre-offensive russe » – une contre-contre-offensive si l’on veut, – tout cela effectivement dans la plus grande discrétion, mais en toute bonne foi et sans peur de la censure puisque tout le monde suit ce qui se passe en Israël. Pour saisir quelques-uns de ces bruits ‘bien informés’, écouter Mercouris et lire Larry Johnson, avec cet extrait :
« Alors que l'attention du monde entier est rivée sur Israël qui lutte férocement pour repousser les attaques du Hamas et du Hezbollah, peu d'attention est accordée aux revers subis par l'Ukraine de la part des forces russes. Non seulement l'Ukraine est confrontée à une réduction significative de l'aide militaire occidentale dans les mois à venir, mais les forces ukrainiennes sont de plus en plus repoussées vers le fleuve Dniepr. Voici le dernier rapport du correspondant militaire russe Marat Khairoulline. »
Les Russes, d’ailleurs comme les Chinois, gardent une position très en retrait sur le drame crisique du Moyen-Orient. (Encore plus aujourd’hui pour les Russes, à cause de l’Ukraine bien sûr.) Contrairement à nombre d’interprétations (voir celle de ‘Hindustan Times’, complètement faussée), la Russie suit une ligne médiane qui condamne la violence des deux côtés et s’appuie sur les résolutions de l’ONU. Korybko a pris soin de détailler cette position russe déjà ancienne dans un article réservé à l’analyse du communiqué officiel, rappelant la continuité de la politique russe. D’une façon très caractéristique chez lui, Korybko s’adresse aux médias indépendants et dissident, ou ‘Alt-Media Community’ (AMC), comme il les nomme, pour les prévenir contre toute conclusion hâtive :
« L'AMC a été trompé sur la position de la Russie à l'égard du conflit israélo-palestinien par des personnes influentes qui ont menti à ce sujet pendant des années afin d'accroître leur influence, de promouvoir une idéologie et/ou de solliciter des dons. Loin d'être en faveur de la Palestine comme le pensent à tort nombre de ces personnes, la Russie estime qu'elle est tout aussi responsable de tout qu'Israël. C'est pourquoi elle a une nouvelle fois appelé les deux parties “à mettre en œuvre un cessez-le-feu immédiat, à renoncer à la violence (et) à faire preuve de retenue”, et pas seulement Israël. »
... Il est d’ailleurs de notoriété publique qu’il existe une entente solide de dialogue entre Netanyahou et Poutine, contrairement aux rapports exécrables de Netanyahou avec Biden (et, avant lui, avec Obama). Le premier ministre israélien a affirmé une position très ferme de non-livraison d’armes à l’Ukraine, malgré les pressions US, pour ne pas mettre en danger les relations d’Israël avec la Russie.
Finalement pour cette phase introductive à la crise Israël-Hamas, Russes et Chinois ont demandé à la session extraordinaire du Conseil de Sécurité une relance du processus de paix au Moyen-Orient, ce qui est également la position des pays arabes. Les USA ont présenté une motion condamnant « ces attaques terroristes haineuses du Hamas », sans doute repoussée par les Sino-Russes qui refusent de se faire embrigader dans un processus où leur position sera nécessairement et comme à l’habitude exploitée politiquement par les USA.
Mais tout cela reste bien sûr de la communication, tandis que paraissent des révélations diverses sur les plans d’attaque du Hamas, peu glorieuses pour les services israéliens (“dupés” par le Hamas), autant qu’une réfutation (par Korybko, bien sûr) de la thèse “complotiste” selon laquelle l’attaque aurait été connue de Netanyahou et exploitée par lui pour rester au pouvoir.
L’important nous semble ailleurs. Il s’agit pour nous de tenter d’élargir notre champ de vision et d’apprécier les rapports entre ces deux crises, – lesquelles sont en réalité des “sous-crises” renvoyant à la GrandeCrise et ne pouvant être bien appréciées qu’en fonction de cette parenté. Ainsi voyons-nous deux constats :
• Pour ‘Ukrisis’, la crise ukrainienne, c’est la première fois depuis le 24 février 2022 que les Russes sont complètement libérés, – temporairement, en principe, – de la main de fer de la communication antirusse qui s’est déchaînée contre eux. Cela ne signifie pas que l’on ne parle plus de l’Ukraine mais que l’Ukraine n’est plus l’épicentre de la GrandeCrise. Pour la Russie, c’est une opportunité, voire une victoire stratégique inespérée et nous verrons ce qu’ils en font et en feront, – ce pourquoi l’on dit ce que l’on dit à propos de leur poussée sur le front.
• Pour la “guerre” Israël-Hamas, il s’agit de l’affrontement de loin le plus important de cet antagonisme, non pas tant à cause des massacres, quelle que soit l’horreur considérable de la chose, qu’à cause justement de son rôle vis-à-vis de la crise ukrainienne, et aussi vis-à-vis de l’évolution du monde politique US vers les présidentielles, en coordination avec les effets de la crise ukrainienne.
Il s’agit donc de ne pas se laisser enfermer dans une crise de rupture du monde (Bien & Mal, noir & blanc, etc.) qui paralyse la pensée, comme c’est le cas avec la seule Ukraine. La crise du Moyen-Orient offre un moyen radical de rupture avec “le schéma de rupture” et permet d’avancer l’idée que nous sommes désormais devant un développement inconnu de toutes ces crises, de chacune d’entre elles, qui peut susciter des évènements complètement hors du commun. Ce soudain bouleversement doit aussi permettre à certaines tensions, certaines tentatives de crise avec riposte, de se développer au sein d’ensemble que l’on jugeait verrouillés par des puissances terrestres supérieures et totalitaires. Ces tristes évènements d’Israël permettent d’ouvrir une brèche dans cette carapace totalitaire.
Nous avons aussitôt un exemple de possibilité de crise grave au sein du camp atlantiste, et donc par rapport à l’aspect ukrainien de la GrandeCrise : la Pologne, qui vote le prochain week-end. Que cela nous serve de leçon et d’introduction à cette nouvelle phase, en montrant des hommes de l’UE (Varsovie-UE) travailler directement avec des neocon notoires de Washington-Varsovie pour former la plus sinistre bande possible.
« Le porte-parole des services spéciaux polonais, Stanislaw Zaryn, a publié ces derniers jours sur X (Twitter) deux messages détaillés mettant en garde contre des troubles post-électoraux provoqués par des allégations de fraude. Le premier détaille la manière dont Donald Tusk, chef de file de l'opposition au sein de la "Plate-forme civique" (PO), conditionne les Polonais et la communauté internationale à ne pas accepter les résultats des élections. Dans le même temps, le second article fustige Anne Applebaum pour avoir blanchi ce récit dans son dernier article pour The Atlantic, qui est lu par les décideurs politiques occidentaux.
» Tusk a été Premier ministre polonais, puis président du Conseil européen, tandis qu'Anne Applebaum est mariée à l'ancien ministre des affaires étrangères Radoslaw Sikorski, qui est aujourd'hui membre du Parlement européen et reste une figure clé du PO. Pris ensemble, leur récit de guerre de l'information, sans doute coordonné, prétend que le parti au pouvoir "Droit et Justice" (PiS) prévoit de frauder le vote afin d'empêcher le PO d'accéder au pouvoir, ce qui peut être exploité pour inciter à l'agitation post-électorale.
» Il n'est pas anodin qu'un fonctionnaire aussi important que Zaryn ait pris l'initiative d'interpeller publiquement ces deux personnes, car cela montre que les services spéciaux polonais sont sérieusement préoccupés par le scénario précédent. Tusk a prouvé qu'il était capable d'organiser des rassemblements à grande échelle et il n'est donc pas exclu que lui et ses parrains allemands spéculatifs cherchent à provoquer une révolution de couleur si le PO ne dépasse pas le PiS le week-end prochain. »
Ainsi en est-il de la diversité des “sous-crises” de la GrandeCrise, puisque ce serait l’hypothèse d’une ‘color revolution’ organisée par cette clique UE-Varsovie-Washington sous l’impulsion d’une Allemagne peu satisfaite de la puissance nouvelle de la Pologne. On a tous les ingrédients d’intéressantes querelles transversales : un peu de sport leur fera du bien plutôt que la récitation en aveugle des consignes washingtoniennes et zélenskistes.
Mis en ligne le 9 octobre 2023 à 17H35