Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
1070
30 juillet 2002 — Le voyage du Pape aux Amériques, Canada puis Guatémala et Mexique, a été une occasion de développer la spéculation à propos de sa succession. Deux causes à cela :
• L'état de santé de Jean-Paul II, qui est une cause récurrente à cette spéculation, et qui l'a été cette fois de façon paradoxale, — d'abord parce que Jean-Paul II a paru en meilleure condition au Canada, puis plus fatigué, ce qui est normal, dans la dernière partie de son voyage, au coeur de l'Amérique Latine.
• La deuxième raison est plus spécifique, et politiquement intéressante. C'est la localisation de son voyage, précisément son étape en Amérique Latine. Parmi les possibilités envisagées pour la succession de Jean-Paul II, celle d'un Pape “hispanique” est très souvent retenue.
Le quotidien américain Christian Science Monitor (CSM) du 29 juillet a publié un article sur la succession du Pape, qui donne un aperçu intéressant de cette spéculation. Le CSM mentionne notamment l'alternative envisagée, — soit un Pape de transition, assez âgé, plutôt conservateur après l'activisme du pontificat de Jean-Paul II, avant d'envisager une nouvelle forte personnalité ; une forte personnalité sans attendre.
Le CSM cite les noms des candidats les plus souvent cités, sur les 122 cardinaux électeurs dont chacun d'eux peut en théorie être désigné par ses pairs. Huit noms sont cités. Quatre d'entre eux sont Godfried Danneels (Belgique), Francis Arinze (Nigeria), Walter Kasper (Allemagne) et Giovanni Battista Re (Italie). Ce sont surtout les quatre autres noms qui sont intéressants puisqu'il s'agit de quatre cardinaux “hispaniques”. Voici le détail qu'en donne le CSM :
« Claudio Hummes, Brazil. Theologically conservative, but engaged in confronting poverty and other social problems, the Franciscan archbishop of San Paulo is considered one of the strongest Latin American candidates.
» Jaime Lucas Ortega Y Alamino, Cuba. The Archbishop of Havana, Mr. Ortega has kept the church alive in defiance of Cuba's communist regime. Many see parallels with John Paul II, whom he has closely supported.
» Oscar Andres Rodriguez Maradiaga, Honduras. The personable archbishop of Tegucigalpa has long been seen as a rising star. His youth and a recent outburst against US press coverage of the Catholic sex scandals probably weakened his candidacy.
» Dario Castrillon Hoyos, Colombia. Favorite of archconservatives, Mr. Castrillon is the head of the Vatican office of the clergy. A defender of traditional doctrine, he's taken a bold stance against his country's powerful drug lords. »
Le CSM cite encore un commentaire du porte-parole du Pape Joaquin Navarro-Valls, exprimant son scepticisme amusé devant ces spéculations. Navarro-Valls, explique le CSM, rappelle les spéculations durant les deux dernières élections qui se succédèrent très rapidement, et notamment le livre Quel Pape ?, paru en 1978. «
Mais là n'est pas le plus intéressant. Ce qui importe est certainement le climat politique, qui fait que, sur huit “favoris” on envisage quatre cardinaux d'Amérique Latine. Cette partie géographique et temporelle du “domaine” catholique, l'Amérique Latine, a aujourd'hui une importance essentielle pour Rome. Cette importance est en général résumée par la sempiternelle question : un pape européen ou un pape non-européen, ressuscitant la vieille problématique de la deuxième partie du XXe siècle sur l'opposition entre l'Europe et le Tiers-Monde dans le cadre plus général de l'affrontement conservateurs-progressistes (Est-Ouest, si l'on veut).
Ce que nous suggère cette liste, de façon très différente, c'est la démarche de considérer la succession de Jean-Paul II selon la nouvelle problématique de la question de l'antagonisme qui a émergé ces dernières années entre les USA et le reste du monde (ROW, ou Rest Of the World). C'est plutôt dans cette optique qu'il nous semble intéressant d'apprécier cette répartition des nationalités des favoris, et cette insistance mise sur la possibilité d'un Pape “hispanique”. L'arrière-plan se déplace et devient alors celui des tensions entre les USA et l'Amérique Latine, fortement catholique, dans laquelle il faut impérativement inclure le Mexique avec sa position très particulière ; avec la pression qu'il exerce sur les USA, à cause de sa proximité aussi bien qu'a cause de la très forte immigration vers les USA ; avec, enfin, la très forte minorité hispanique d'origine mexicaine, de religion catholique, aux USA même.