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340A Brasilia, demain 16 avril, le président brésilien Lula doit rencontrer le ministre turc des affaires étrangères de Turquie pour travailler sur une proposition commune sur l’Iran, qui se concrétiserait en un texte à proposer aux Nations-Unies. L’intention des deux pays est d’éviter de nouvelles sanctions contre l’Iran, celles que cherchent à mettre en place le groupe américaniste-occidentaliste classique (USA et UE principalement).
C’est Defense News, ce 14 avril 2010, qui donne quelques indications sur la rencontre de demain. D’une façon symbolique au sens politique certainement très significatif, la rencontre a lieu “en marge” du sommet du BRIC, dans la même ville de Brasilia.
«Turkey and Brazil, too non-permanent members of the U.N. Security Council that oppose new sanctions on Iran because of Tehran's controversial nuclear program, are working on a diplomatic solution that would bypass sanctions, Turkish Foreign Ministry officials said. Turkish Foreign Minister Ahmet Davutoglu is scheduled to meet April 16 with his Brazilian counterpart, Celso Amorim, and President Luiz Inacio Lula da Silva.
»During a nuclear security summit in Washington earlier this week, Turkish Prime Minister Recep Tayyip Erdogan and Lula both said the Iran question should be resolved diplomatically and without sanctions. Both leaders met with U.S. President Barack Obama.
»Turkish diplomats said the two countries were considering proposing a joint text for a U.N. Security Council resolution on Iran that would avoid any fresh sanctions.»
@PAYANT Il ne fait pas de doute que le fait même de cette rencontre à Brasilia, en même temps que se tient le sommet du BRIC, représente effectivement un événement symbolique et politique à la fois. On ne peut pas ne pas penser qu’en l’occurrence, Lula apparaît comme une sorte de “délégué” du BRIC, pour parler avec le ministre turc; c’est-à-dire qu’il apparaît comme ayant implicitement le soutien de ce groupe, et sans aucun doute de la Russie et de la Chine dont le groupe américaniste-occidentaliste cherche vainement depuis des mois, sinon des années, le soutien pour une politique de sanctions dures contre l’Iran. On ne peut pas ne pas penser que cette rencontre, qui est dans l’esprit de ce que nous avons déjà évoqué à propos du BRIC (voir le 18 juin 2009), rapproche encore un peu plus la Turquie de ce groupe, au point que ce pays devrait, comme nous l’avons déjà suggéré, pouvoir en faire partie un jour ou l’autre.
Lula s’est récemment affirmé avec la plus grande fermeté comme un adversaire de sanctions et de pressions agressives supplémentaires contre l’Iran. La Turquie ne cesse d’affirmer et d’approfondir une position qui est de prôner un accommodement avec l’Iran, d’autant plus nécessaire à la lumière du grossier déséquilibre qui fait du groupe américaniste-occidentaliste le porteur d’eau d’une politique prônée par le pays le plus agressif de la région, et de surcroît illégalement surarmé de systèmes nucléaires (Israël). La réunion de ces deux pays, le Brésil et la Turquie, pour une initiative qui contre la politique occidentaliste, est d’un poids considérable. Il y a effectivement le poids spécifique des deux pays, leur position “en dehors et en dedans” du système occidentaliste, leur respectabilité selon les normes occidentalistes, leur volonté parallèle de rompre les tendances classiques, à la fois contraignantes, stériles et paralysantes de ce même système occidentaliste. Le Brésil et la Turquie sont des membres éminents de ce que l’Ouest nomme “la communauté internationale” (c’est-à-dire les pays “respectables” selon les conceptions de l’Ouest, rassemblés autour de lui), et en même temps des “dissidents” affichés de l’ordre que voudrait perpétuer cette “communauté internationale”. Ils jouent à merveille de cette ambiguïté.
Brésiliens et Turcs ont décidé leur initiative commune au sommet formidable de Washington, salué comme un immense succès d’Obama et qui fait l’unanimité des participants sur un problème potentiel (des terroristes disposant de nucléaire) qui est d’abord le produit de l’obsession occidentaliste. (La première suggestion qu’un groupe terroriste informel pourrait disposer d’une arme nucléaire, – on disait “atomique” à l’époque, – date de 1946 et d’un fameux article de Life inspiré par le Pentagone, sur l’hypothèse d’un groupe disposant d’une bombe et d’une fusée, sans doute récupérée de l’arsenal fantasmagorique de Nazis survivants, et tirant cette fusée sur les USA. C’est dire si l’obsession vient de loin et l’on cherche en vain un signe qu’elle se soit jamais confirmée d’une façon ou l’autre, par une tentative ou l’autre.) Au sommet de Washington, Obama a évoqué timidement la possibilité implicite qu’Israël puisse signer le traité de non-prolifération des armes nucléaires, ce qui semblerait indiquer que le président des USA est effectivement informé qu’Israël dispose d’à peu près 200 têtes nucléaires. Par contre, c’est sans timidité que l’on a évoqué le danger iranien, avec son unique bombe menaçante qu’on nous promet pour dans les mois qui viennent, à peu près depuis 2003.
Par conséquent, la conférence était l’enceinte toute trouvée pour que, dans une de ses coulisses, les Brésiliens et les Turcs élaborent le projet commun qu’ils vont discuter demain à Brasilia. La mention, dans la dépêche citée, que les deux dirigeants brésilien et turc, Lula et Erdogan, ont rencontré Obama à Washington lors de la conférence, pourrait vouloir signifier qu’ils lui ont parlé de leur projet commun. C’est possible mais cela n’a pas plus de signification pour cela. Dans l’affaire iranienne, Obama est prisonnier des groupes divers qui ne veulent rien d’autre qu’un durcissement continu contre l’Iran, – ou, plutôt, qu’une tentative de durcissement continu, car la caractéristique remarquable de la politique occidentaliste est bien la paralysie en la matière. Après tout, à Washington, le 13 avril, Sarkozy a affirmé qu’il fallait voter de toute urgence des sanctions contre l’Iran pour empêcher une attaque israélienne contre ce même Iran, qui serait un “événement catastrophique”. Il disait déjà cela devant la conférence des ambassadeurs, en août 2007. Dans nos temps, l’urgence ne se presse pas trop, et la stupidité confirmée de la politique française sous Sarkozy dans le cas iranien est ainsi soulignée par l’initiative de son ami Lula avec lequel il a établi un partenariat stratégique. On ne cessera jamais de se demander ce que fait la France dans cette galère sarkozyste, elle qui devrait être derrière des initiatives comme celle des Brésiliens et des Turcs, avec un pied tout proche du BRIC.
Quoi qu’il en soit, on doit souhaiter la meilleure chance possible à l’initiative des Brésiliens et des Turcs. Elle ferait capoter une fois de plus dans son marigot la politique “de puissance” des occidentalistes, dont la vanité et la stérilité se déroulent cahin-caha depuis les cinq dernières années. Elle rallierait bien entendu la Chine et la Russie et déplacerait un peu plus l’axe de la politique et des relations internationales hors des champs d’action du groupe occidentaliste, qui fait de plus en plus figure d’un groupe parmi d’autres, et d’un groupe à l’influence en perte de vitesse, dans un monde en plein bouleversement, dans une crise dont il est lui-même l’inspirateur, le concepteur et le réalisateur.
Mis en ligne le 15 avril 2010 à 05H55