Un prince différent

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Un prince différent


26 avril 2002 — La rencontre du président Bush et du prince Abdallah, chef politique de facto de l'Arabie Saoudite, a permis de mesurer la véritable position de l'Arabie Saoudite dans la question de la crise du Moyen-Orient et vis-à-vis de la politique américaine dans la région. Diverses interventions et confidences entourant cette rencontre, répercutées par différents médias, dont un excellent article par les services étrangers de la BBC, ont permis également de renforcer cette appréciation de la position politique saoudienne, de façon beaucoup plus précise et concrète. (Il faut également préciser que cette rencontre, aux États-Unis, dans le ranch de GW qui est le lieu d'accueil réservé aux invités privilégiés, a eu beaucoup de difficultés à être mise au point et décidée. Les Américains ont beaucoup insisté, les Saoudiens étant extrêmement réticents.)

Il y a même eu le fait, très inhabituel pour les Saoudiens qui cultivent la discrétion jusqu'à l'obsession, de déclarations publiques et par conséquent officialisées, qui contribuent à rendre compte du sérieux de la position saoudienne, et du sérieux de leur critique de la politique américaine. On notera particulièrement une déclaration très abrupte et à la limite de la polémique du ministre saoudien des affaires étrangères. La BBC rapporte cet épisode de cette façon : « Prince Saud ridiculed Mr Bush's description of Mr Sharon as ''a man of peace''. ''Ariel Sharon a man of peace? I don't even think Ariel Sharon believes that,'' he told US television. » Une prise de position d'un ministre saoudien mettant en cause de façon aussi directe le président Bush indique bien que les Saoudiens ne craignent plus aujourd'hui d'affirmer clairement leur position.

Le prince Abdallah a exprimé clairement sa position sur deux points :

• Il faut qu'Israël se retire rapidement des territoires qu'il occupe et il faut qu'un processus de paix soit mis en route. Certaines sources ont indiqué que les Saoudiens soutiennent complètement Arafat.

• Les Saoudiens ont réitéré leur opposition à une attaque de l'Irak. Ils ont précisé aux Américains que leurs relations avec l'Irak sont sur la voie d'une amélioration substantielle, depuis le sommet arabe de Beyrouth de la fin mars. Ce point pose un problème particulièrement aigu à GW Bush, alors que l'attaque contre l'Irak reste la priorité absolue de son aile dure, au sein de son administration. Il est de plus en plus probable qu'une telle attaque provoquerait une crise grave entre les USA et l'Arabie.

Il y a un enseignement très intéressant dans cette visite. Le point essentiel est que, désormais, l'Arabie Saoudite se pose comme le leader des pays arabes au Moyen-Orient, et par conséquent l'éventuel défenseur des différents pays et groupes arabes qui se trouvent en conflit dans la région avec des forces proches des USA. Il y a 20 ans, cette position était tenue alternativement par l'Egypte ou/et par la Syrie. Il s'agit là d'un changement important du statut de l'Arabie. Ce pays n'apparaît plus comme un allié vassal des USA dans la région. C'est un résultat direct de la crise israélo-palestinienne. Jusqu'alors, l'Arabie était sur la défensive, en position d'accusée pour ses liens supposés avec Al Qaïda. La crise entre Israël et les Palestiniens, avec la politique Sharon soutenue par Washington, au moment où Abdullah présentait un plan de paix très intéressant pour ce conflit, a totalement modifié la position de l'Arabie, jusqu'à lui faire occuper cette place désormais d'interlocuteur privilégié des USA, et éventuellement interlocuteur très contestataire de la politique US. L'Arabie est passée du statut d'allié économique et vassal à celui d'allié politique et contestataire.