Un Roi avec divertissement

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Un Roi avec divertissement

23 août 2019 – Trump s’exclame, exulte, tempête ! Il s’écrie “Wow !” Il fait venir ce pauvre besogneux de “Staches” (Bolton), qui range ses bombes avant d’attaquer le fameux pétrolier iranien : “See that ! See that ! I am the Antechrist for these Dems bastards ! I love it !” Il fait venir ce gros-cul de Pompeo-the-Pompeux, qui met en place le 666ème(le chiffre de la Bête) projet d’invasion du Venezuela : “Mike, I’m the King of Israel, the God of the Second Coming ! Do you believe that ?” Contrairement au fameux roman énigmatique, Trump est “un Roi avec divertissement”.

Redevenons... euh... sérieux...

Trump a provoqué une tempête dont les thèmes sont terribles, d’une sensibilité et d’un caractère presque religieux, – Israël et ses liens avec les USA, les juifs américains, l’antisémitisme... Ayant provoqué cette tempête terrible qui a allumé un terrible incendie, il s’est empressé de souffler sur les braises avec entrain, en tweetant des affirmations remarquables ; l’un d’elles selon lesquelles, d’après l’un de ses admirateurs, il ne serait rien de moins que le personnage central de la Seconde-Venue (Second Coming) de Jésus, – donc qu’il serait Jésus et nul autre. Wow !” , commente-t-il.

Il faut donc jeter un coup d’œil sur la terrible tempête de tweets terribles qui s’est déchaînée en commentaire furieux, ahuries, pleins de dégoût, tonnant de colère et tonitruant d’horreur, de vénération, de révélation, dégoulinant d’amour inconditionnel, – tout cela, suivant ces trois tweets en chaîne et enchaînés qu’avait postés le Président... (Je les laisse en anglo-américain pour le charme, la couleur locale, l’exotisme et la précision scientifique de l’historien.)

« Thank you to Wayne Allyn Root for the very nice words. “President Trump is the greatest President for Jews and for Israel in the history of the world, not just America, he is the best President for Israel in the history of the world...and the Jewish people in Israel love him....
» ....like he’s the King of Israel. They love him like he is the second coming of God...But American Jews don’t know him or like him. They don’t even know what they’re doing or saying anymore. It makes no sense! But that’s OK, if he keeps doing what he’s doing, he’s good for.....
» .....all Jews, Blacks, Gays, everyone. And importantly, he’s good for everyone in America who wants a job.” 
Wow! »

Cette affaire de la plus haute importance ne tombe pas du ciel comme un éclair dans un ciel bleu. Elle s’inscrit dans une longue série d’attaques et de contre-attaques depuis plus d’une semaine autour des sujets déjà mentionnés, qui commencèrent avec l’épisode de la visite contrariée de deux des quatre cavalières de l’Apocalypse de The Squad. Trump, qui ne lâche jamais sa proie, a poursuivi une  terrible offensive contre les deux jeunes femmes, en l’élargissant très vite, – superbe sens de l’à-propos, – à la question du vote des juifs américains dont il juge péremptoirement qu’ils devraient tous, sans-exception, lui revenir à cause de sa politique israélienne d’une tendresse extrême pour Netanyahou, au lieu d’aller en majorité, selon ce qu’on en dit, au parti démocrate qui est le parti des infâmes jeunes femmes du Squad.

Voici quelques paragraphes plus sérieusement écrits, que je glisse à ce point pour faire saisir l’ampleur de l’affrontement ; où l’on voit qu’il s’agit d’un débat d’ampleur national, et cela dit, sérieusement je vous l’assure, à la fois avec ironie pour la forme du débat, avec beaucoup plus de sérieux pour le fond.

« ...“Je pense que les juifs qui votent pour les démocrates... Je pense que ça montre soit un manque total de connaissance ou un manque incroyable de loyauté”, a déclaré Donald Trump le 20 août, provoquant un tollé aux États-Unis.
» Interrogé sur la conférence de presse donnée la veille par les deux élues démocrates persona non grata en Israël, Donald Trump s’est indigné des sous-entendus de l'une d'elles, Ilhan Omar, qui a invité les représentants américains à se rendre sur le territoire israélien pour constater comment étaient utilisés les fonds américains alloués à la défense israélienne. 
» “Je n’arrive même pas à croire que l’on ait cette conversation”, s'est insurgé le président américain. “Il y a 5 ans, l’idée même de parler[...] de réduire l’aide aides à Israël à cause de deux personnes qui détestent Israël et détestent les juifs...” a-t-il poursuivi. Attaquant l'élue démocrate, Donald Trump avait affirmé quelques minutes plus tôt : “Omar est un désastre pour les juifs. Je ne peux pas imaginer que s’il y a des juifs dans sa circonscription, ils puissent voter pour elle.”
» Destinée initialement aux représentantes du Parti démocrate, cette attaque a largement fait réagir, provoquant notamment l’indignation d’une dizaine d’associations et d’organisations juives américaines ou pro-Israël lassées d’être “utilisées” par le président dans sa bataille électorale. L'évocation par Donald Trump de l'idée de déloyauté de la communauté juive a été vue comme une rhétorique antisémite. Une grande partie de ces puissantes organisations, avec à leur tête l'AIPAC, avaient d’ailleurs déjà dénoncé la décision d’Israël d'interdire aux deux élues démocrates de se rendre sur son territoire.
» “On ne sait pas très bien à qui le président s’en prend quand il dit que les juifs ‘manqueraient de loyauté’, mais les accusations de déloyauté ont été utilisées depuis longtemps pour attaquer les juifs.[...] Il est grand temps d’arrêter d’utiliser les juifs comme un outil politique”, a souligné le président de l'Anti-Defamation League (ADL).
» Même son de cloche pour le directeur du Centre de l’action religieuse pour une réforme du judaïsme (RAC) qui a estimé que les propos du président étaient “irresponsables et dangereux”. “Les libertés politiques et religieuses sont la marque de fabrique de cette nation. Arrêtez d’utiliser la communauté juive pour gagner des points dans les sondages”, a ainsi lancé le rabbin Jonah Pesner.
» L’American Jewish Committee (AJC), qui se présente comme apolitique, a pour sa part qualifié la déclaration de Donald Trump d’“inappropriée, pas la malvenue et véritablement dangereuse”. “Les juifs américains, comme tous les Américains, ont une large gamme d’opinions politiques”, a affirmé le président de l'organisation, David Harris, dans un communiqué, appelant le président à “arrêter sa rhétorique qui divise et à se rétracter”. »

Vous voyez comme le cas est complexe et compliqué à la fois, ce qui est assez rare. Il est vrai que Trump est le président qui a, – et de loin, de très-loin, – la politique la plus pro-israélienne de tous les présidents US depuis qu’Israël existe. A cette lumière, l’accuser d’antisémitisme est une gageure difficile à conduire à terme, malgré l’expérience accumulée depuis des décennies dans ce genre de manœuvre expiatoire.

Trump étant un homme simple, homme de rapports (d’argent) et de pourcentage d’intérêt (à son avantage, pour chaque acte posé), sa logique disant “puisque j’ai cette politique, tous les juifs américains doivent voter pour moi” est imparable. D’ailleurs certains juifs pro-Trump et votant Trump, et certaines juives comme la ravissante mannequinne Elizabeth Pipko,  fondatrice en plus de The Exodus Movement, abondent dans le sens du président, contre l’avis d’organisations juives aux USA aussi puissantes que celles qui ont été citées plus haut.

Pour être plus sophistiqué, l’argument de ces organisations et des juifs anti-Trump, qui semblent être la majorité des juifs américains, n’en est pas moins respectables. Va-t-on les traiter comme du bétail obligé de voter dans un seul sens, pour n’importe qui, pour un clown-bouffon, sans autre débat ? Ce n’est pas loin de l’esprit de l’Holocauste, ça, d’autant qu’ils sont beaucoup parmi les activistes de l’ultra-gauche démocrate, à peinturlurer Trump en nouveau Hitler.

... Vous aurez remarqué que, du côté de Netanyahou, c’est plutôt silence-radio sur le cas, signe d’un embarras évident. On le comprend aisément, toute cette affaire le place devant de singulières contradictions, qui sont l’essence même de l’incroyable pavlovisme pro-israélien de la politique washingtonienne.

Alors, encore et toujours, il y a Trump, encore-Trump et toujours-Trump, le clown-bouffon qui marche les pieds dans le plat. Dès qu’une polémique grotesque et tonitruante dont il est l’inspirateur commence à sembler s’apaiser en un débat sérieux où l’on pourrait noyer le poisson d’arrangements douteux sous l’argument de belles phrases huppées, humanitaristes, larmoyantes, martiales dans le sens de “nos-valeurs-partagées” et ainsi de suite, il en remet une couche grandiose qui grippe la délicate machinerie aux compromis-Système entre maffieux de bon aloi. Alors, dans ce cas c’est son triple tweet vu plus haut où il joue au Roi d’Israël et au Jesus de la Seconde-Venue en citant un zélé trumpiste, histoire de dire en rigolant, “Wow ! C’est pas moi qui le dis”... La machine repart de plus belle, explose en tweets extatiques (la minorité) et en tweets absolument déchaînés, complètement furibards (“ce type est fou”, “complètement timbré”, “un entonnoir à la Maison-Blanche”).

Vous croyez que je me fais chroniqueur de l’insignifiant et du superfétatoire ? Détrompez-vous aussitôt, car voici effectivement l’étrange génie de ce bouffon venu d’on ne sait où, manipulé par ses travers spasmodiques et les forces mystérieuses qui utilisent ces travers à bon escient, – un escient antiSystème en fin de compte, – manipulé au-delà de tout par son inextinguible et presque spirituel bonheur de sa contemplation sans fin de soi-même. Comprenez-vous qu’avec toutes ces grotesqueries dont ils nous abreuvent depuis une décade, rallumant sans cesse l’incendie qui ne demande qu’à s’éteindre dans le chef de tous ces gens sérieux de l’ombre et des 0,001% multimilliardaires, tous ces manipulateurs des complots immémoriaux qui mènent le monde à notre nez et à notre barbe, il finit par faire apparaître les vrais dimensions iniques et grassement payée de la cause dont il se veut le défenseur à mort pourvu que ce soit pour ses intérêts.

(Bien sûr, en n’oubliant pas, je m’en garderais bien, l’aide précieuse de quelques allumeuses d’incendies politiques de première dimension, telles que sont les filles du Squad, d’où la justesse du propos, – pardon si c’est du mien dont je parle : « Les filles du Squad sont aussi insaisissables que Trump, tantôt alliées absolues du Système, tantôt radicalement antiSystème. [...] En un sens, elles ont introduit dans le parti démocrate, ou “aile gauche du Parti unique”, le même désordre-chaos que Trump a introduit dans le parti républicain, ou “aile droite du Parti unique”. Les deux s’équivalent, pour cette raison ils se haïssent jusqu’à la mort. »)

Est-ce que vous vous rendez compte que ce bouffon, cet “entonnoir à la Maison-Blanche”, a réussi à mettre sur le devant de la scène, jusqu’à mortellement diviser les juifs américains eux-mêmes et à mettre dans l’embarras le plus profond son allié de toujours, Netanyahou, il a réussi  à exposer au grand jour, c’est-à-dire à mettre en cause la problématique incroyablement contradictoire et tordue du soutien indéfectible de Washington à Israël. Il a réussi à mettre cette question-sacrée au grand jour de la haine autour de Trump qui déchire “D.C.-la-folle” depuis USA-2016, cette “question-sacrée” qui est (était ?) une des dernières poutre-maîtresses unissant encore les deux ailes du parti unique, qui désormais se déchirent et se consument encore plus dans une haine inextinguible. Leur haine qui désormais embrase la question-sacrée des relations entre les USA et Israël est comme un incendie de la grande forêt amazonienne : qui l’arrêtera car rien ne semble pouvoir l’arrêter... Et le pompier-pyromane-schizophrène, c’est le bouffon, c’est “l’entonnoir de la Maison-Blanche” qui crie à gorge déployé qu’il faut que l’incendie s’éteigne, et qu’il ne s’éteindra, – “messieurs-dames, Wow ! votez pour moi”, – que si tous les juifs américains votent pour lui.