Un signal sinistre pour le JSF

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L’USAF est en train de mettre en place un vaste plan de modernisation d'un certain nombre de ses chasseurs F-16, à cause des délais que connaît le JSF (F-35 Lightning II). John Reed, dans DoDBuzz du 4 novembre 2010, donne des précisions sur cette opération.

«In light of delays with the F-35 Lightning II Joint Strike Fighter, the U.S. Air Force is set to begin looking at which of its newer F-16s will receive structural refurbishments, avionics updates, sensor upgrades or all three, the service’s top requirements officer said today.

»The service has already begun discussing “how to move the old [tactical fighter] fleet to the right” to keep them flying until the JSF comes online, Lt. Gen. Philip Breedlove, chief of Air Force operations, plans and requirements, said today.

»“We’re not going to do a blanket upgrade,” Breedlove said. Instead, the service will inspect its Block 40 and 50 F-16s “on an almost tail by tail basis” to decide what structural refurbishments the jets will need along with which planes will get communications, navigation and even radar updates, the three-star said. “Almost all” of the planes will need at least some structural modifications to keep them flying to their “economic service lives,” he noted. […]

»The Air Force has already made decisions on which structural modifications are needed for the Block 30 and earlier model F-16s, according to the general.»

Notre commentaire

@PAYANT Ces décisions, d’ores et déjà prises ou sur le point de l’être, constituent un changement radical de politique pour l’USAF. Il y a deux ans, l’USAF avait décidé le retrait de 250 F-16, déjà âgés et dont l’entretien et les modernisations nécessaires pour les garder en service constituaient une charge budgétaire supplémentaire importante. Cela impliquait que tout était sacrifié à un effort maximal en faveur du JSF. C’est maintenant la politique inverse qui est lancée : modernisation des F-16 (en nombre non spécifié), les plus vieux (Block 30) comme les plus récents (Block 40 et Block 50), avec des modifications non négligeables voire très importantes puisque portant sur les systèmes de communication, de navigation et même avec la possibilité de nouveaux radars. Cela implique d’abord qu’un certain nombre de F-16 vont avoir leur vie opérationnelle substantiellement prolongée, prenant ainsi une place significative dans l’effectif de l’USAF ; cela implique ensuite un investissement budgétaire non prévu, qui grève le budget de l’USAF déjà dans une crise profonde, avec des effets à attendre sur les commandes de F-35 en acceptant l’hypothèse extrêmement optimiste, sinon utopique au regard de son historique, que ce programme ne connaisse pas de nouveaux retards d’ici là…

En fait, cette approche de l’USAF constitue un signal concret et convaincant que le service est désormais fondamentalement préoccupé par le sort du F-35 et songe désormais à des mesures d’urgence qui peuvent ouvrir la porte à une possibilité de réductions radicales de la commande de F-35, voire pire. La politique de l’USAF vis-à-vis du JSF a été, depuis trois ans, une politique maximaliste de “tout ou rien” : tout l’effort budgétaire et de programmation axé sur le F-35, en écartant toute mesures de prudence comme, justement, la modernisation de F-16 pour prolonger leur vie opérationnelle, ou l’achat de nouveaux F-16. L’idée était que le JSF était si critiqué, si mis en question, qu’il n’était pas question de laisser à ses critiques la possibilité de trouver un argument dans un programme de relance ou de modernisation des chasseurs de l’ancienne génération, comme alternative au JSF. C’était une sorte de “politique à la Cortez”, qui brûla tous ses vaisseaux après avoir débarqué en Amérique pour se couper de toute tentation de rembarquer. D’autre part, l’USAF justifiait cette politique par la nécessité d’orienter toutes ses ressources budgétaires limitées vers le programme JSF.

Le fait pour l’USAF de changer cette politique est d’abord significatif des pressions de la réalité, tout en confirmant les dernières mauvaises nouvelles du programme JSF. Mais ce changement est également important, on le comprend, d’une façon plus générale, notamment pour la psychologie de la prospective de l’équipement de l’USAF. Il ouvre une brèche dans l’engagement en apparence sans faille de l’USAF en faveur du F-35, et cette brèche pourrait très rapidement s’agrandir simplement à mesure de l’apparition des réalités des multiples problèmes du programme JSF. Il s’agit par ailleurs d’une victoire, – victoire contrainte par les nécessités, – d’une fraction de l’USAF qui estime que l’engagement de la force dans le programme JSF est trop risqué, que le programme lui-même est marqué de défauts fondamentaux et peut-être irréversibles.

Quoi qu’il en soit, il faut prendre l’événement d’une façon plus générale pour un signe important de l’apparition d’une interrogation très sérieuse dans le chef du principal soutien du programme JSF (l’USAF), concernant la validité de ce programme. Cela est à considérer à côté des nécessités opérationnelles (obligation de maintenir la flotte des avions de combat à un certain niveau quantitatif), mais justement à cause de ces nécessités opérationnelles. Si les avatars du JSF se poursuivent, si les coûts continuent à augmenter et les délais à s’allonger,– et comment ne pas privilégier cette perspective? – il est désormais très possible que l’USAF en arrive à mettre en cause son engagement dans le programme JSF. A la lumière de cette décision en apparence technique et anodine (modernisation d’une partie des F-16) apparaît pour la première fois ce qui était jugé jusqu’ici absolument impensable : la mise en cause générale du programme JSF.


Mis en ligne le 5 novembre 2010 à 06H48