Un suicide à 29%

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Un suicide à 29%

18 août 2019 – Mais non, finalement le “suicide apparent” ne l’est pas du tout, suicide et bien suicide après tout. Après les révélations du WaPo qui ont ranimé les commères du complotisme, la sentence officielle est tombée, comme Epstein lui-même est tombé, tombant et se suicidant à la fois, certes sans l’aide de quiconque, et se brisant l’os hyoide, – et cette sentence est : Epstein est innocent de tout complot contre lui, il s’est bien suicidé tout seul. Certains vont jusqu’à remarquer pour s’en moquer avec une certaine légèreté certes, la rapidité avec laquelle le diagnostic de l’autopsie a été bouclé après l’article du WaPo alors que l’on traînait jusqu’ici sans vraiment se presser, en faisant l’important, le préoccupé, le professionnel assermenté, en jugeant gravement le cas extrêmement complexe, empêchant de parvenir rapidement à une conclusion satisfaisante pour tous et qui dissipe tous les doutes déplacés à propos de la rectitude et de la vertu des autorités.

Entretemps, l’on avait appris que le corps d’Epstein avait été demandé à ces mêmes autorités, sans doute pour lui donner des funérailles décentes, conformément aux canons de la foi dont on connaît la mansuétude pour le pêcheur de cette sorte. Il semble que la personne qui ait fait cette demande se soit identifiée elle-même comme “un associé d’Epstein”, sans doute pour le garder, embaumé, exposé dans un catafalque au siège de Epstein Associates, Inc.

...Là-dessus et venus de Forbes via ZeroHedge.com, des détails pleins d’humanité  sur la vie cellulaire infligée à ce prisonnier de marque et de luxe, notamment entre le moment (le 31 juillet) où il fut sortie de sa cellule de “haute surveillance-suicide” après sa tentative du 23 juillet, et son “suicide apparent” qui ne l’est plus désormais du 10 août. Selon un avocat-supplétif (la “source”) en supplément pour la séquence à l’équipe normale d’Epstein, et qui eut accès à Epstein dans des conditions non précisées mais qui s’est donc confié à Forbes, il y eut notamment la visite d’une charmante jeune femme, dans un climat qui pourrait faire croire aux commères complotistes que tout n’était pas vraiment dépressif, ni annonciateur de “suicide apparent”, dans la vie cellulaire-pénitenciaire de Jeffrey Epstein... 

« “La scène était surprenante. Parce qu'elle était jeune... Et jolie”, a dit la source. Il a supposé que la femme pouvait être avocate, mais il n'était pas sûr. Il a été rapporté qu'Epstein payait des avocats juste pour s'asseoir avec lui dans ces salles de réunion pendant huit heures par jour simplement pour qu'il puisse éviter sa cellule.
» ...Quant à la jeune et jolie soi-disant avocate d'Epstein, la source a noté qu'elle ne semblait avoir aucun dossier avec elle. Il a émis l'hypothèse qu'elle aurait pu être une associée de première année et qu'elle était habillée de façon décontractée. “C'était un pantalon et un chemisier... Ça aurait pu être un jean ou un autre type de pantalon,” dit-il. “Genre, tenue de brunch pour un dimanche matin”.
» La source a déclaré que le traitement lui rappelait le mode de vie d'Epstein en Floride [en 2008] lorsqu'il avait passé 13 mois ‘en prison’ sous l'accusation d’organisation de réseaux de prostitution dans le cadre d'une entente aux conditions très critiquée avec les procureurs fédéraux. Epstein sortait chaque jour de prison et se rendait à son bureau, chez lui, dans le cadre d'un programme de placement à l'extérieur jusqu’à 12 heures par jour, six jours par semaine. “Il m'a semblé que c'était comme un remake de la Floride où il pouvait aller à son bureau... passer les journées chez lui plutôt que dans sa cellule”, dit la source. »

Il y a d’autres nouvelles extravagantes et de rumeurs étonnantes dans cette affaire Epstein dont on peut aisément se convaincre qu’elle a tout, absolument tout pour symboliser, dans l’“époque étrange” que nous vivons, une Amérique extraordinaire, absolument diabolisée et entropisée, en train de se décomposer littéralement dans sa propre pourriture et l’odeur qui va avec, où la vie publique du pays n’est qu’un état constant et vibrant de libre-concurrence et de libre-échange de toutes les corruptions possibles (celles pour liquider Epstein, celles d’Epstein pour voir la vie en rose dans sa cellule-le-moins-possible), de fausses nouvelles arrangées de complotismes et de Politically Correct, – des FakeNews pas si fausses mais avec un zeste de simulacre, drapées dans un affrontement de simulacres géants… Par exemple…

• On apprend qu'Epstein, avant d’être arrêté, et même avant des articles révélateurs du Miami Herald (à partir du 25 novembre 2018) devant mener à son arrestation, avait fait le ménage des plus grosses spécificités embarrassantes de sa vie courante, par exemple en faisant transférer d’urgence sur son île favorite (Pedo Island) une énorme pelleteuse-bétonneuse payée $100.000 cash pour des travaux de terrassement qu’on suppose aussitôt appartenir à la catégorie des cover-up type-Mafia (ossements notamment, avec des rumeurs de pratiques sataniques incluant des sacrifices humains). Bien entendu,  cette affaire de la pelleteuse-bétonneuse n’est-elle qu’un des actes de la grande opération de nettoyage, et d’autres détails sont donnés dans l’article.

• Tout le monde s’amuse avec un tableau figurant un “portrait extrêmement sexuel” de Bill Clinton, qu’on aurait retrouvé dans l’appartement new-yorkais d’Epstein. Clinton y apparaît dans une robe bleue et des chaussures rouges à haut talons, tout cela rappelant ton sur ton l’attirail vestimentaire de Monica Lewinsky qui avait fait l’objet d’une enquête extraordinairement tatillonne et croustillante, pour ceux qui aiment tatillonner et croustiller, – mais aussi attirail similaire portée à l'occasion ou l'autre par Hillary, pour qu'il n'y ait ni jalouse, ni créature bafouée... (Observant ce “portrait” en photo, j'ai la curieuse impression que ces types ne sont vraiment capables de ne penser qu'à ça, je veux dire à la perversité qui les met hors de la nature, bien entendu en plus du fric. Ils n'ont nulle crainte du ridicule de leur diablerie si marquée par leur goût du bling-bling, bien entendu en plus du goût du fric. Ces types n'ont aucun goût, dans tous les sens de l'expression, je veux dire même si un cannibale blanc et suprémaciste voulait les bouffer après les avoir fait frire sur canapé.)

• Même WhatDoesItMeans s’y met, à partir de nouvelles certifiées justes, comme celle du “suicide” (un “suicide apparent” de plus, un) d’un policier qui serait, selon le site, celui qui aurait donné l’alerte après la découverte du “suicide apparent” d’Epstein.

L’affaire Epstein se caractérise ainsi par l’extrême fantaisie de ses prolongements, et plus que jamais à sa place dans la catégorie des tragédies-bouffes, extrêmement tragiques et extrêmement bouffes, effectivement parfait symbole de son “époque étrange”. Le côté rafraîchissant de cette sordide équipée est que le public accueille les nouvelles officielles dont on comprend la complexité et le maniement vertueusement prudent, avec le plus complet scepticisme, et même dirais-je, dans un sens de rejet de la parole officielle qui devrait être un sujet d’inquiétude extrême pour la direction du système de l’américanisme : 29% des personnes interrogées par l’institut Rasmussen croit qu’Epstein s’est suicidé, 42% croient qu’il a été assassiné. La vigilante et avisée Caitline Johnstone pense qu’il s’agit d’un événement considérable, qu’on n’a jamais vu une telle perception de scepticisme, d’hostilité, aussi vives et aussi vite, pour la version officielle d’un événement de cette importance.

« …En dépit de la folle poussée des médias de masse pour s’en prendre à tous ceux qui remettent en question le récit officiel d'Epstein, qui sont aussitôt qualifiés de “cinglés de la théorie de la conspiration”, seulement 29 % des personnes interrogées ont déclaré qu'elles croyaient qu'Epstein s’est suicidé comme on leur avait dit, et 42 % qu’il a été tué. Jamais de ma vie je n'ai vu un rejet aussi généralisé et instantané d'une narration promue par un établissement aux États-Unis.
» C’est extrêmement important. La capacité de la classe dirigeante à manipuler la façon dont les gens pensent, agissent et votent est la seule chose qui empêche le public d'utiliser le pouvoir de leur nombre pour forcer des changements réels et créer un nouveau système qui ne repose pas sur une guerre, un écocide et une exploitation sans fin. Le moteur de la propagande dans les médias de masse est aujourd'hui à son point le plus faible et le plus vulnérable de tous les temps, et les tentatives des gestionnaires narratifs pour reprendre le contrôle ne font que les exposer plus gravement.
» Le pouvoir est la capacité de contrôler ce qui se passe. Le pouvoir absolu est la capacité absolue de contrôler ce que les gens pensent de ce qui se passe. Nos dirigeants sont en train de perdre rapidement ce pouvoir absolu.
» Les gens se réveillent. »

Pour mon compte, je ne me suis jamais vraiment endormi… Je dors trop peu.