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18 avril 2007 — Revenons sur cette affaire de “tsar des guerres perdues” (voir notre “F&C” du 12 avril), — d’abord pour constater qu’on continue à ne pas se bousculer pour le poste, ensuite pour découvrir que l’éventuelle création de cette très-haute fonction pourrait avoir un but précis qui n’a qu’indirectement à voir avec la stratégie et la tactique des guerres perdues. L’argument, assorti d’indications qui nous semblent de bonne source, nous apparaît convaincant.
Il s’agit d’un commentaire de Helena Cobban, sur son site JustWorldNews, en date du 15 avril, sous le titre de : «US national command authority in disarray?». Nous ne connaissions pas ce site avant cette citation et ne pouvons pas en apprécier le crédit d’une façon générale. En lisant l’une ou l’autre des archives proposées, le commentaire nous paraît ne pas manquer de bon sens. C’est dans cet esprit que nous citons le commentaire ci-dessous, qui concerne l’article du Washington Post du 11 avril et la nouvelle que nous avons nous-mêmes commentée (le “tsar des guerres perdues”). L’angle sous lequel cette nouvelle est appréciée nous paraît intéressant.
»In their April 11 article, Baker and Ricks revealed that the three generals who (as of then) had turned it down included retired Gen. Jack Keane — who was one of the main intellectual authors of the ''surge'' proposal! — and retired Marines General Jack Sheehan.
»They wrote,
»Sheehan said he believes that Vice President Cheney and his hawkish allies remain more powerful within the administration than pragmatists looking for a way out of Iraq. “So rather than go over there, develop an ulcer and eventually leave, I said, ‘No, thanks,’” he said.
»At this point, three things seem clear to me:
»(1) There is a widespread distrust among senior retired generals in either the content of the present policy, or the conditions under which this new post is being created, or both;
»(2) The [President] definitely looks as if he's wanting to cut the Secdef out of the loop. (I believe this may even be illegal? It is, anyway, very very unwise.) And,
»(3) The scrambling around and trying to find a new bureaucratic “quick fix” for the policy is a sure sign that the senior administration people themselves realize the policy isn't working well.
»In this regard, the situation in Washington seems highly reminiscent of what was happening in Israel in the third week of their war against Lebanon last summer. At that point the IDF's increasingly desperate chief of staff Dan Halutz summarily appointed a new commander to come in and take command of the Northern Sector over the head of the sector's existing commander... Now, in Washington, Bush seems to be trying to bring in a new (preferably military) person to come in and, in effect, replace Bob Gates.
»All this is potentially very disquieting. On the other hand, the administration has already seen fairly high levels of (high-level) distrust, second-guessing, and general administrative flailing around throughout the disastrous course of this war in Iraq. One thing that struck me from reading Tom Ricks's book “Fiasco”, for example, was how often Condi Rice or Don Rumsfeld or other high-level actors felt they needed to send their own personal envoys out to Baghdad to get a feel for what was going on there. That gave me the distinct sense that these officials didn't trust the reports they were receiving through the normal channels, that is, from each other. (And therefore, they didn't trust each other.) Meeting and dealing with this constant stream of high-level envoys must quite often have been a real headache for the Iraqis, and for the US generals on the ground.
»So this latest development is, it seems to me, a continuation of a long-running flailing around within the upper reaches of the Washington bureaucracy. But it's probably the most serious to date.»
Cette appréciation de Helena Cobban doit être placée à la lumière de confirmations qui sont venues d’autres sources (qui nous sont propres), après l’article du Washington Post, selon lesquelles la recherche de ce que nous désignons comme un “tsar des guerres perdues” est très sérieuse, notamment de la part du directeur du National Security Council et conseiller du président Stephen J. Hadley. L’appréciation principale de Helena Cobban qui nous intéresse est, bien sûr, que cette recherche a pour but essentiel de court-circuiter le secrétaire à la défense Robert Gates.
On observe alors, devant l’existence de cette tentative et devant l’échec de cette tentative de trouver un “tsar des guerres perdues”, l’existence d’une situation de complète paralysie du système de sécurité nationale aux USA. (Au reste, l’appréciation est conjoncturelle ; si Hadley trouvait effectivement un “tsar”, notre appréciation est que cela ne changerait rien à la situation sinon en l’aggravant par l’intrusion d’un pouvoir de plus, aussi impuissant que les autres.) Il y a effectivement une confirmation du rôle particulier de Gates comme modéré et comme frein contre les initiatives aventuristes de l’administration. L’aide dans ce sens de certains services dans son département, notamment l’U.S. Navy, nous semble également confirmée. (On pourrait également placer dans ce même courant les initiatives de la Speaker de la Chambre des Représentants, Nancy Pelosi.)
Pour autant, ces forces modératrices ne parviennent évidemment pas à développer une politique générale structurée et efficace. Elles n’en ont pas les moyens ni les structures, et elles n’ont pas la possibilité de se rassembler d’une façon efficace (sans parler de la légalité de la chose). Leur action sert surtout, involontairement, à continuer à déstructurer ce qu’il reste de politique extérieure des USA après les aventures lancées depuis septembre 2001, — aventures qui ont contribué elles-mêmes, bien entendu, au processus de déstructuration générale de la politique US.
L’impuissance du pouvoir est ainsi complète aux USA. Nous parlons d’impuissance plus que de paralysie parce que ce pouvoir “bouge”, au contraire d’une situation de paralysie. (Une situation de paralysie serait beaucoup moins inquiétante : on pourrait alors penser qu’en ôtant le facteur principal du pouvoir supposé générer la paralysie, — l’administration Bush, ce qui se fera en 2008 avec l’élection présidentielle, — la paralysie pourrait être guérie.) L’impuissance se manifeste alors par le contraire de la paralysie, par le désordre d’activités contradictoires, — ces diverses activités concurrentes, sans but général, sans coordination, sans effets construits. Il faut accepter plus que jamais l’idée d’une énorme puissance qui se manifeste désormais par des actions qui ne reflètent que les intérêts particuliers, les visions restrictives de chacun des centres qui la composent, évidemment jusqu’à la contradiction.
(La remarque de Cobban concernant un détail du livre Fiasco est intéressante à cet égard : «One thing that struck me from reading Tom Ricks's book “Fiasco”, for example, was how often Condi Rice or Don Rumsfeld or other high-level actors felt they needed to send their own personal envoys out to Baghdad to get a feel for what was going on there. That gave me the distinct sense that these officials didn't trust the reports they were receiving through the normal channels, that is, from each other.»)
Il devient de plus en plus difficile de penser que ce phénomène d’impuissance soit dû à la seule administration Bush et à ses initiatives bellicistes. Cette administration a largement contribué à la formation de ce phénomène, bien entendu, mais le contexte, notamment la liturgie impérative de “la guerre contre la terreur”, l’y a largement aidé ; nous dirions même que ce contexte l’a conduite dans cette voie, et que l’administration est aujourd’hui prisonnière de la “guerre contre la terreur” autant qu’elle emprisonne les autres pouvoirs US avec elle. (Dito, l’importance que nous accordons a contrario à la mésentente qui se manifeste, notamment entre USA et UK, sur cette question phraséologique, impliquant comme on le comprend alors une mésentente de situation et de vision politiques d’une extrême importance.)
Il y a tout lieu de croire que cette impuissance dans le désordre, cette sorte d’“impuissance convulsive”, est en train de devenir une marque structurelle du pouvoir aux USA. C’est dire que nous confirmons notre jugement qu’elle survivra bien entendu à Bush, — d’autant plus que la “guerre contre la terreur”, elle, lui survivra. C’est dire que les USA, leur pouvoir et le désordre désormais systémique et plus seulement politique que dispense ce pouvoir, sont aujourd’hui le premier problème politique, et de loin, de notre crise de civilisation.
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