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1379L’atmosphère et les commentaires accompagnant le vote hier de la Chambre des Représentants US en faveur du plan Paulson, après son refus historique du 29 septembre, mesurent le décalage extraordinaire de la direction politique américaniste face à la crise. Krugman avait bien entendu raison:
«The House will probably vote Friday on the latest version of the $700 billion bailout plan - originally the Paulson plan, then the Paulson-Dodd-Frank plan, and now, I guess, the Paulson-Dodd-Frank-Pork plan (it's been larded up since the House rejected it on Monday). I hope that it passes, simply because we're in the middle of a financial panic, and another no vote would make the panic even worse. But that's just another way of saying that the economy is now hostage to the Treasury Department's blunders.»
Le titre de The Independent aujourd’hui restitue l’essence de la chose: “Le Congrès s’est résolu à l’inévitable…” Rarement un tel vote, annoncé comme un événement formidable puisqu’il devait statuer sur un plan acclamé comme salvateur, – quelle dérision dans tout cela, – a été accueilli avec autant d’amertume et de désenchantement, et dans des conditions aussi malsaines. Même “les marchés” s’y sont mis, en dégringolant à l’annonce de mauvaises nouvelles de l’“économie réelle” préférées en signification à la “bonne nouvelle” du vote de la Chambre, prouvant ainsi qu’ils peuvent après tout dire la vérité: «There was a mixed response to the historic vote in the markets as a devastating new report revealed a slowing economy with the greatest job losses in nearly six years. There are widespread concerns that the rescue plan may not be enough to pull the US economy out of its stall.»
Le vote a été obtenu par les procédés habituels, c’est-à-dire qu’ils ont éé achetés littéralement par des promesses de subventions locales, sectorielles, etc., selon l’habitude du système, c’est-à-dire une opération de corruption massive. «The inclusion of tens of billions of dollars in subsidies for pet projects in their home constituencies helped. The White House and Congressional leaders resorted to old-fashioned methods to nudge the bill into law, bribing, bullying and flattering members of both parties.» La description dans le détail du processus vaut un peu d’attention, avec le passage d’une proposition de loi de 2 pages au départ à un texte de 450 pages détaillant toutes les mesures prises pour acheter les votes divers, –une opération massive de corruption organisée par toutes les autorités réunies dans un même élan. Il est bien que des mesures aient été prises pour les malades mentaux mais il est tout de même recommandé de s’interroger sur leur présence dans ce plan massif de soi disant sauvetage de la structure financière US, – et ainsi de suite tout au long de cette loi pour le moins étrange.
«Since many of the politicians who rejected the bill the first time, are in fear being thrown out of office on 4 November the package was festooned with “pork barrel” measures – financial bribes – to help their congressional districts and encourage a “yes” vote. In a week, the bill grew to a phonebook-sized 450 pages as $150bn in handouts were tacked on to make it more palatable.
»Among the “sweeteners” were tax breaks for commuting cyclists and help for the world's biggest manufacturer of arrows that would make them cheaper for boy scouts to buy. Only so-called “kiddie arrows” will benefit, Congress was assured. Big game hunters who buy “grizzly broadheads” and other fancy arrows would still be taxed.
»And the bribery didn't stop there. Among the hundreds of pages of tax breaks there are provisions to help film and television production companies as well as renewable energy firms, all of which will add to the administration's burgeoning spending deficit.
»Measures which congressmen have been nursing for years, including giving equal treatment to mental and physical ailments were also included. Jim Ramstad, a Republican from Minnesota, switched his vote in favour of the bill because his personal crusade of more than a decade of winning “mental health parity” had finally seen the light of day. “The revised bill is a recovery bill for the economy and a recovery bill for millions of Americans suffering from the ravages of mental illness and addiction,” Mr Ramstad said.»
Ainsi s’achève l’épopée de l’adoption du plan Paulson. On a rarement vu une telle accumulation de médiocrité, d’impuissance, de couardise, de «leadership vacuum», de la part de toute la direction réunie pour une fois en une unanimité révélatrice, – l’administration, la direction du Congrès, les deux candidats à la présidence… Avec tout de même l’éclair du vote négatif de la Chambre du 29 septembre, qui introduit dans la situation washingtonienne un facteur de déstabilisation, une potentialité de perte de contrôle au moins ponctuelle d’acteurs pourtant considérés comme acquis au système.
Le résultat de l’aventure commencée le 18 septembre est, selon le langage technocratique et économiste, l’inverse de l’habituelle formule propagandiste (une situation “win-win”), – c’est-à-dire une situation “lose-lose”.
• La direction politique washingtonienne pousse un soupir de soulagement, va tendre à une certaine démobilisation, ce qui signifie pour elle inattention et à nouveau perte de perception de la réalité au profit des jeux politiciens habituels. Dans le cœur d’une crise qui n’est évidemment pas finie et qui nous réserve de nouvelles surprises, la formule n’est pas heureuse. Du côté des parlementaires dont le vote fut acheté comme on l’a vu, l’impression est tout ce qu’on veut sauf l’idée d’une unité nationale pour lutter contre la crise. Plus que jamais, la corruption règne, et notamment la corruption psychologique.
• Les péripéties diverses du plan Paulson, jusqu’à son adoption par raccrocs et manigances diverses, ont exposé aux “acteurs” de la crise l’absence complète d’autorité et de capacité d’action de la direction politique. Les votes du Congrès n’ont pas du tout suscité l’effet attendu parce que ces péripéties l’ont fortement érodé, jusqu’à le rendre presque anodin; le contraire de ce qu’on attendait de l’effet de choc. L’attention prioritaire portée par “les marchés” aux mauvaises nouvelles de l’emploi, qui sont survenues en même temps que le vote comme une sanction révélatrice de toute l’opération, montre le peu de crédit, y compris pour sa capacité psychologique de mobilisation, laissé ainsi au plan Paulson.
Mis en ligne le 4 octobre 2008 à 09H29
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