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12 juillet 2004 — Les piètres et énormes montages et manipulations que tout le monde connaît, pour préparer la guerre-postiche contre l’Irak, apparaissent désormais officiellement au grand jour après avoir été secrets de polichinelle ponctués de révélations régulières. Cette fois, les différentes étapes du processus apparaissent à la lumière insistante des appréciations officielles.
Le week-end, commencé vendredi, fut très chaud à cet égard. On mettra en parallèle les quelques événements publics qui viennent de se produire :
• La divulgation du rapport officiel de la commission américaine sur la guerre contre l’Irak, qui, objectivement (et avec les vastes réserves qu’on voit plus loin), condamne le principe de cette guerre.
• A Londres, ce week-end, Tony Blair s’est trouvé à nouveau en très grandes difficultés, devant les révélations et annonces diverses que les services de renseignement britanniques retirent leurs allégations sur les ADM de Saddam, qui servirent d’argument à la guerre. On attend cette semaine la publication du rapport Butler, qui doit confirmer combien les arguments pour entrer en guerre constituent au mieux des erreurs, au pire des fraudes manifestes.
• La décision de la Haute Cour Internationale de Justice, qui condamne l’érection par les Israéliens du “Mur” anti-palestinien. Désormais, la légalité des actions de l’équipe Sharon est mise officiellement sur le même pied que celle de l’équipe Bush. Cela permet de bien comprendre, et de façon officielle, la réalité des positions des uns et des autres.
Ce qui est en train de se passer est que les montages généraux réalisés pour permettre cette guerre, après avoir été dénoncés de façon diverse mais massive, par la presse, les institutions indépendantes, des individus ayant eu l’expérience de ces manipulations, etc, arrivent désormais au point où les versions officielles ne peuvent plus écarter leur dénonciation.
Cela n’empêche aucunement les manipulations, les intentions politiques, etc. C’est le cas évident du rapport de la commission du Sénat US, dont les conclusions dénoncent justement les erreurs et les montages mais les attribuent à un bouc-émissaire (la CIA) pour ne pas embarrasser GW durant sa campagne électorale. (Le cas est d'autant plus patent qu'alors que la CIA est dénoncée, des dénonciations officielles éclatent contre le service de renseignement mis en place par les néo-conservateurs au Pentagone en 2002 pour désinformer et manipuler la CIA : le coupable du rapport du Sénat est ici la victime.)
« Claims made by President George Bush and others that Saddam Hussein possessed chemical and biological weapons and was seeking to develop a nuclear arsenal were based on flawed and faulty intelligence, a scathing Congressional report confirmed yesterday. But the report utterly failed to address the issue of whether the administration had manipulated intelligence for its own political ends.
» The report by the Senate Intelligence Committee was highly critical of George Tenet, the outgoing head of the CIA, who leaves office tomorrow. It said he provided skewed advice to politicians and repeatedly failed to include dissenting views from other intelligence agencies, such as those controlled by the State Department and the Pentagon. It also blamed Mr Tenet for not personally vetting President Bush's 2003 State of the Union address, which contained the erroneous claim that Iraq was seeking to purchase uranium in Africa.
» Yet critics of the administration will argue that the report — established with a narrow investigative remit - unfairly scapegoats Mr Tenet. The committee is only due to report on the administration's role in the intelligence failures after the November election. »
Le phénomène auquel nous assistons est très intéressant. Il montre que les manœuvres politiques ne cessent nullement, donc que les causes fondamentales de cette crise, du comportement des directions politiques, du système lui-même, subsistent évidemment. Ce qui est intéressant, c’est que la force et la grossièreté des manœuvres et des montages, du virtualisme en ce sens, sont d’un tel poids et exercent une telle pression qu’on ne peut plus, au sein même du système, écarter la dénonciation publique et officielle des effets de ce comportement. Le virtualisme est devenu impossible à contrôler dans ses effets par ceux qui l’ont initié et l’ont développé.
Pour autant, et malgré cette dénonciation, on peut être assuré, notamment par le fait que le rapport du Sénat US contre la CIA montre une attitude plus partisane (plus “virtualiste”, en un sens) que jamais, que la pratique virtualiste se poursuivra plus forte que jamais. Le système est incapable de se réformer.
On notera, cerise sur le gâteau mais cerise qui en dit long, que, parmi les reproches qui sont faits à la CIA, figure en bonne place, voire en première place celui dont nous estimons qu’il se rapproche le plus possible du virtualisme. « CIA fell victim to “group-think”assumptions », dit le rapport : l’expression “group-think”, ou “group-thinking”, est généralement employée au sein de la bureaucratie du système pour désigner ce que nous-mêmes jugeons être du virtualisme.