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1402A chaque jour suffit, – à peine, – sa révolution, au moins en devenir, et chaque jour nous découvrons une nouvelle pousse printanière. Dans les pages du Guardian du 25 février 2011, nous découvrons Uncut, un “mouvement citoyen” comme l’on dirait en langage parisien politically correct, et qui l’est réellement d’ailleurs (“citoyen”) et nullement pour les talk shows télé ; Uncut, qui s’est développé au Royaume Uni et qui est désormais adopté par les USA. Uncut s’en prend aux banques, avec des actions d’occupation des locaux forçant à une fermeture temporaire de la banque, alors que la justification de son action initiale est l’évasion fiscale des grandes corporations (corporate power). Il est difficile pour les esprits avisés de ne pas voir une corrélation, d’abord de ce développement de Uncut aux USA avec les développements à Madison, dans le Wisconsin (et aussi dans l’Ohio, à Columbus), ensuite et d’une façon plus générale, du développement de Uncut anglo-saxon avec le mouvement général antiSystème qui dévaste l’ordre américaniste-occidentaliste dans le monde arabe. Dans l’esprit de la chose, il y a globalisation en un seul mouvement marqué par une logique antiSystème.
C’est le 18 février 2011 que le Guardian pécisait d’une manière circonstanciée le développement de UK Uncut, ainsi nommé puisqu’il s’avérait, dans le même article, que ce mouvement britannique s’étendait aux USA avec USA Uncut.
«The co-ordinated occupations of Barclays branches will mark the first national day of action against banks by UK Uncut, which has already forced the temporary closure of more than 100 high street stores. The group has previously targeted companies such as Boots and Vodafone accused of avoiding millions of pounds in tax. Targeting Barclays has proved particularly popular, with more protests planned in large cities as well as smaller towns such as Grimsby, Hastings and Shrewsbury. […]
»And as campaigners turn their attention to banks, and Barclays in particular, it emerged their Twitter-driven campaign has spread to the United States, where similar protests are being organised under the banner US Uncut. “The folks in the UK who decided to stand up, organise and speak out are a daily inspiration to me and the rest of the movement in the States,” said Carl Gibson, 23, one of the founders of the first US Uncut group in Jackson, Mississippi.
»“The message is simple – before you sacrifice hard-working public-sector employees' jobs and necessary public programmes, why not first make the richest of the rich pay their fair share in taxes?” Gibson, who started the first US group a week ago after reading an article in the Nation, said there were already US Uncut “chapters” in 20 states and at least 10 demonstrations planned for 26 February – the date of UK Uncut's second “day of action” against the banks.»
Le 25 février 2011, comme déjà signalé, le Guardian publie un nouvel article où il détaille notamment les conditions de l’extension d’Uncut aux USA.
«Hundreds of activists in the US are planning to take part in a day of direct action in a move inspired by Britain's fast growing protest group. US Uncut groups have sprung up from New York to Hawaii in the last three weeks and activists will demonstrate against government cuts and corporate tax avoidance in more than 50 cities on Saturday.
»The US protest movement was inspired by UK Uncut, an anti-cuts campaign group that has temporarily closed scores of high street stores accused of tax avoidance since it was set up five months ago…»
Le même 25 février 2011, RAW Story publie un article exclusif où il annonce la “journée d’action” de USA Uncut et demande autant une participation maximale que le plus d’informations possibles sur cette journée, de la part des participants. Le site RAW Story, de tendance progressiste, entend également présenter USA Uncut comme un mouvement partiellement concurrent de Tea Party, notamment de cette partie de Tea Party marquée par ses liens avec des donateurs milliardaires (comme les frères Koch) représentant les intérêts du corporate power.
«Corporate tax evasion has evolved into a virtual art form. Two-thirds of US corporations didn't pay so much as a dime in taxes between 1998 and 2005, exploiting a multitude of loopholes, according to a Congressional report.
»Targeting corporations who evade taxes turned out to be quite the anti-austerity rallying cry in England, where a new prime minister is pushing painful cuts for working people. Now, that same rallying cry is going out across the United States, where the anti-spending tea party movement has in recent years overshadowed the voices of those who want government to be more active on behalf of the middle class.
»A new non-partisan group called US Uncut – named after UK Uncut – aims in part to challenge the tea party's push for lower corporate taxes. They instead want Congress stop letting wealthy corporations dodge their taxes. “This is an issue that has been ignored for way too long,” Carl Gibson, a US Uncut spokesman, told Raw Story. “Congress has been chipping away and chipping away at corporate responsibility to pay taxes.” “And now it's gotten to the point where the middle class is being sacrificed on the altar of deficit reduction, while big corporations are getting away with not paying any taxes at all.”
»The website Wall St. Cheat Sheet found that corporations routinely claim hundreds of millions in tax deductions. In 2009, Bank of America qualified for a $1.9 billion tax benefit, and General Electric a $1.1 billion write-off.»
Un passage intéressant de l’article de RAW Story est une présentation structurelle et politique du mouvement aux USA, tel qu’il a pris forme d’une manière qu'on doit qualifier objectivement de spontanée même si c'est à l’exemple du mouvement britannique ; nous nous plaçons dans ce cas selon les normes et les orientations de notre référence du système antiSystème. On retrouve les mêmes caractères d’absence de direction hiérarchique au profit d’une coordination, d’absence d’organisation structurée au profit d’une organisation en “cellules” indépendantes coordonnées entre elles (organisation en réseaux), d’absence d’orientation politique marquée selon les critères du Système au profit d’une pression déstructurante contre les formes existantes du Système en place (dans le secteur financier), etc.
«US Uncut boasts “no central leadership,” and appears to be as organic as grassroots movements get. Gibson, 23, of Jacksonville, Mississippi, founded the first chapter. He works a few part-time jobs and confesses to having no prior experience in organizing or in politics. He was inspired by the vibrancy of UK Uncut, and spurred into action after reading an article in The Nation magazine about replicating such a movement in the US.
»Is US Uncut a “libéral” or “progressive” movement? “Absolutely not,“ Gibson said. “This is nonpartisan. We don't endorse any specific political ideology or candidate or party.”
»The movement will hold its first day of organizing on Saturday, February 26, with demonstrations mainly outside banks in 50 cities. It's expecting crowds in the dozens in the smaller cities and hundreds in some bigger cities. “This is our first national day of action,” Gibson said. “And all of us are coming together to say: before you take away housing subsidies, raise college tuition and fire teachers, just make sure that corporations are paying their fair share in taxes like the rest of us.”
»The broader goal is to “reshape the national debate” and challenge the tea party's narrative that “government can't do good things for people, and that we can't raise taxes, we can only cut.” “Maybe there isn't a spending problem. Maybe it's a revenue problem,” Gibson said. “And it's not that the money's not there. The money is there. It's with these corporations who aren't paying taxes.”»
…Il est vrai que c’est d’abord cette spécificité anglo-saxonne, ou anglo-américaine (et non anglo-américaniste dans ce cas), qui nous arrête. Le symbole est puissant même si le mouvement n’en est encore qu’à ses débuts (“à ses débuts” puisque notre espoir est qu’il se développe) ; il apparaît comme un double sympathique des fameuses special relationships, et cette fois encore sur initiative britannique mais dans un sens infiniment vertueux du point de vue de la lutte contre le Système. C’est en effet ce point de vue (antiSystème) qu’il faut privilégier, plutôt que trop s’arrêter aux détails des intentions et des modalités d’action des uns et des autres. A partir d’une spécificité mobilisatrice (dénonciation de l’évasion fiscale), on en vient naturellement à la contestation de facto de l’ordre financier du Système, avec la mise en cause des monstrueuses actions de sauvegarde des banques responsables de leur propre effondrement et qu’on juge innocentes de la chose puisque les trésors publics les ont renflouées. Il est excellent que cette contestation vienne de la population des deux pays qui sont les inspirateurs et les maîtres d’œuvre de cet ordre financier.
D’autre part, si le développement de UK Uncut est intéressant en soi, c’est son extension inspiratrice à USA Uncut qui doit retenir l’attention, puisque tout ce qui conteste et affaiblit l’ordre américaniste est d’une importante centrale. La position attribuée à USA Uncut de concurrent de Tea Party n’est finalement pas une mauvaise chose. Notre sentiment est que, plutôt que conduire à un affrontement diviseur comme caractéristique centrale, cette concurrence va forcer Tea Party à renforcer son aile populiste pour ne pas trop prêter le flanc à la critique de USA Uncut, c’est-à-dire à lutter plus fermement contre la pénétration du mouvement par des fortunes personnelles agissant en relais du corporate power ; plutôt qu’une “politisation” gauche droite (gauche versus droite) qui s’appuie sur des notions idéologiques dépassées, stériles et diviseuses à l’avantage du Système, on aurait un renforcement général de la tendance populiste antiSystème. L’“apolitisme” de USA Uncut argumenté par Gibson est en fait une affirmation politique fondamentale parce qu’antiSystème, comme l’est Tea Party malgré ses affirmations partisanes. Finalement, l’importance des antagonismes entre les deux mouvements (le “coupons les dépenses publiques” de Tea Party contre le “répartissons d’une façons radicalement différentes les dépenses publiques” de USA Uncut) devrait se réduire sous la pression de la dynamique antiSystème qui sous-tend tous ces mouvements.
…En effet, nous sommes en plein dans l’antiSystème, et le développement de Uncut montre que l’influence de l’esprit de cette dynamique donne des fruits intéressants. De toutes les façons, même si UK Uncut a plusieurs mois d’existence (depuis le début de l’automne 2010) et précède donc le mouvement d’“enchaînement crisique” commencé en décembre 2010 avec la Tunisie, l’influence de ce second et immense mouvement sur le développement soudain d’Uncut, notamment vers les USA, est évidente. Le rapport entre USA Uncut et la dynamique de contestation lancée avec force à Madison, Wisconsin, est manifeste et puissant selon notre point de vue, notamment dans l’éveil contestateur des psychologies impliquées. L’esprit est manifestement similaire et renvoie à une résistance antiSystème qui est devenue à la fois contestatrice et contre-offensive.
Par conséquent, longue vie à Uncut, d’ailleurs sans garantie absolue que la chose se réalise. Mais, dans le climat actuel, les chances sont grandes qu’effectivement Uncut fleurisse sous ses diverses formes. C’est un tribut indirect rendu à l’explosion psychologique antiSystème qui se manifeste depuis décembre 2010 (la Tunisie) ; c’est une affirmation symbolique très puissante et efficace parce qu’elle coupe les ailes à la principale défense du Système qui est de tenter d’isoler le mouvement d’“enchaînement crisique” sous la seule rubrique pseudo géopolitique et certainement moralo-politique d’un mouvement de “démocratisation” du monde arabe, ainsi récupéré par la soi disant supériorité morale américaniste-occidentaliste dispensée par la rhétorique mielleusement vertueuse du Système. La “démocratisation” est l’arme de communication favorite du Système pour tenter de désamorcer la puissance contestatrice, en la réduisant à un de ses slogans favoris qui a pour tâche de subvertir cette contestation contre-offensive jusqu’à l’inversion et à la dissolution. L’amalgame (l’axe Le Caire-Madison), par la logique puissante de l’esprit de la chose, du mouvement dans les pays arabes et de la contestation populiste au sein du Système (surtout dans sa partie anglo-saxonne) est un moteur puissant de communication pour renforcer la tendance vitale de la formule “système antiSystème”, à la manière de l’action contre-offensive du système immunitaire d’un corps vivant.
Mis en ligne le 26 février 2011 à 05H44
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