Une attaque sans précédent

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Une attaque sans précédent

Bien entendu, il y a la restriction qui accompagne une action qui se veut symbolique. Les Iraniens ne tenaient surtout pas à mettre Trump dans une situation où, en fonction de tweets agressifs de ces derniers jours, ils auraient dû riposter et ainsi définitivement lancer le cycle de l’escalade. Par contre, les Iraniens ont adopté des attitudes inédites, sans précédent contre des moyens stratégiques US en temps de guerre non-déclaré : ils les ont attaqués en tant que tels, dans une acte volontaire, et ils ont aussitôt proclamé leur responsabilité. Voilà les conditions de l’attaque qui font de la décision US de ne pas riposter, par rapport à leur logique unilatéraliste, américaniste et suprémaciste, officiellement et en tant que gouvernement, un véritable recul marquant leur volonté d’éviter autant que faire se peut sinon à tout prix un engagement direct avec l’Iran. Cette idée a certainement beaucoup à voir avec les pressions des militaires US, qui doivent se battre continuellement pour tenter de contrôler “les impulsions” de Trump, – et parfois, Trump leur échappe...

Ci-dessous, nous reprenions le texte de Elijah J. Magnier du  8 janvier 2020 disposant manifestement d’informations de première main de provenance iranienne. PhG a utilisé da    ns son  texte du 7 janvier certains tweets de Magnier, dont l’on retrouve le sens analytique dans le texte ci-dessous.

On trouve dans le texte de Magnier le maximum de détails sur l’opération, sur les significations multiples qu’elle fournit, sur les situations nouvelles qu’elle met en place. Bien entendu, la décision de Trump de “ne pas riposter à la riposte” ne clôt en aucune façon la querelle USA-Iran, on pourrait même dire qu’elle en élargit le cadre. L’allusion de Trump a l’engagement de l’OTAN signifie que les pressions US sur les Européens pour qu’ils participent activement à des opérations contre l’Iran vont s’accentuer. Les Européens, qui ont joué un rôle absolument pitoyable dans l’épisode, vont se trouver une fois de plus confrontés aux conséquences de leur “servilité volontaire ».

Le compte-rendu de Magnier vient d’un commentateur manifestement pro-iranien et favorable à l’“Axe de la Résistance” (l’Iran et ses divers alliés de la région). Pour autant, il s’agit d’un esprit critique indépendant : on s’en aperçoit dans son texte du 5 janvier où il met en accusation les alliés de l’’Iran de l’“Axe de la Résistance”, face aux efforts souvent désespérées de Soleimani pour les rassembler dans un action commune et coordonnée.

dde.org

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L’attaque de l’Iran : messages & conséquences

Peu après minuit heure locale aujourd’hui, des missiles balistiques iraniens « Fateh 313 » ont frappé deux bases militaires en Irak où se trouvent une forte concentration de membres des forces US et d’autres forces alliées. Cette frappe directe de l’Iran a été lancée en représailles contre l’assassinat, par les USA, du chef de la brigade al-Qods du Corps des gardiens de la Révolution iranienne Sardar Qassem Soleimani et de ses compagnons, tués par un drone américain à l’aéroport de Bagdad la semaine dernière. La riposte iranienne envoie plusieurs messages stratégiques au Moyen-Orient en cette année 2020 et pour bien des années à venir. Quels sont ces messages? Qu’adviendra-t-il après l’attaque ouverte de l’Iran contre le pays le plus puissant du monde?

Un responsable iranien de haut rang a contacté le premier ministre irakien Adel Abdel Mahdi après minuit pour l’informer que l’Iran avait décidé de riposter à l’assassinat de son général. L’Iran a dit qu’il viserait une concentration des forces US en Irak, sans toutefois frapper les forces irakiennes.

Selon des sources bien informées à Bagdad, le premier ministre Adel Abdel Mahdi a répondu que « cet acte pourrait avoir des résultats dévastateurs au Moyen-Orient et l’Irak refuse de devenir le théâtre d’une guerre entre les USA et l’Iran ». Le responsable iranien a répondu que « ce sont les USA qui ont lancé ce cycle de violence, pas l’Iran; la décision a été prise ».

Le premier ministre Abdel Mahdi a informé les forces US de la décision iranienne. Les USA ont décrété l’état d’urgence et alerté toutes les bases US en Irak et dans la région pour les prévenir de l’attaque.

L’Iran a bombardé la base militaire américaine la plus importante en Irak, Ayn al-Assad, où ces deux derniers jours, le commandement américain concentrait la majeure partie de ses forces. Bien des bases US, en particulier dans les régions sous contrôle chiite et autour de Bagdad, ont été évacuées au cours des derniers jours vers Ayn al-Assad, où se trouvent des abris anti nucléaires, pour des raisons de sécurité. Ayn al-Assad est situé dans le désert de l’Anbar, proche de la frontière irako-syrienne. C’est de cette base que les drones qui ont assassiné Sardar Soleimani et ses compagnons à l’aéroport de Bagdad ont décollé. L’Iran a également bombardé une autre base US à Erbil, au Kurdistan.

L’Iran a communiqué sa décision en reprenant le style utilisé par les Américains. Le 30 décembre 2019, le secrétaire à la Défense Mark Esper avait contacté le premier ministre Abdel Mahdi pour l’informer, sans lui demander la permission, de l’intention des USA de bombarder des forces irakiennes (forces de mobilisation populaire ou FMP). Les positions de cinq bases des forces de sécurité irakiennes ont été détruites, tuant du même coup 79 membres des FMP et de la police fédérale ainsi que des officiers de l’armée irakienne.

Esper a donné peu de temps (une demi-heure) au premier ministre pour informer ses forces. L’Iran a informé Abdel Mahdi une demi-heure avant le lancement de 15 à 18 missiles à têtes multiples modernisés « Fateh 313 » contre les bases dans l’Anbar et à Erbil.

L’Irak a perdu sa souveraineté au milieu de la bataille que se livrent l’Iran et les USA. Il ne pourra la recouvrer que lorsque les forces US quitteront le pays, comme le parlement irakien l’a décidé. Cette décision a été prise en réaction à l’assassinat du major général Qassem Soleimani, en sa qualité d’envoyé chargé d’une mission diplomatique. En 2014, le gouvernement irakien a invité officiellement Soleimani lorsque l’Irak a demandé à l’Iran d’envoyer 100 conseillers iraniens en Irak pour soutenir la lutte contre Daech. Il jouissait de l’immunité irakienne et dirigeait une cellule du renseignement iranien à Bagdad, par loin de l’ambassade américaine, en coordination avec des responsables russes, syriens et irakiens. C’était un diplomate muni d’un passeport diplomatique et il devait rencontrer le premier ministre irakien le jour suivant à 8 h 30, pour y recevoir un message de l’Arabie saoudite. Le premier ministre Abdel Mahdi avait accepté de jouer un rôle de médiation entre l’Iran et l’Arabie saoudite et assurait une liaison à la suite de l’initiative de paix proposée par l’Iran aux dirigeants arabes. Soleimani est arrivé en Irak à la suite d’une demande du président Trump de réduire la tension avec l’Iran. C’était un voyage multitâches.

L’Iran a utilisé ses missiles de précision qui ont atteint leurs cibles lorsqu’il a bombardé Daech et les séparatistes kurdes au Kurdistan le 18 septembre dernier. La nuit dernière, l’Iran a utilisé des missiles balistiques à ogives multiples conçues pour éviter les pertes, en envoyant un message clair à Trump. Il y a eu peu ou pas de victimes et les USA n’ont partagé aucune information à propos des pertes.

Les Iraniens n’ont pas utilisé de missiles lancés à partir de silos souterrains, choisissant plutôt de déployer ouvertement ses missiles contre les deux bases US en Irak. L’Iran a ouvert la porte à la désescalade, car sans désescalade, la guerre n’aurait pas manqué d’éclater dans l’ensemble du Moyen-Orient.

Le président Trump a acculé le régime iranien au pied du mur, en l’obligeant à riposter à l’assassinat de son général par les USA. Son organe officiel affirme que « 80 militaires américains ont été tués », un message qui ravit l’opinion publique et le nationalisme iranien des millions de personnes qui honorent la mémoire de Sardar Soleimani. Il sert aussi à galvaniser le soutien public derrière le régime au cas où des représailles américaines nécessiteraient une autre riposte iranienne pouvant entraîner la guerre.

Le message iranien s’adresse aussi aux membres du parti Démocrate aux USA, pour qu’ils s’en servent à l’encontre du président qui a promis que ses soldats ne seraient pas en danger pendant son mandat. En réalité, il met en danger la vie de milliers de soldats à la merci d’une frappe ou d’un affrontement avec l’Iran et ses alliés au Moyen-Orient.

L’Iran a également envoyé un message clair en prenant pour cible la base US à Erbil. Selon des responsables iraniens, c’est pour faire comprendre que si le commandement militaire des USA décide de déplacer ses troupes en Irak vers Erbil, les forces US au Kurdistan seront à portée des missiles et pas plus en sécurité là qu’ailleurs en Irak.

Le bombardement en Irak révèle que les missiles d’interception des USA étaient inactifs à Ain al-Assad et qu’une autre attaque d’envergure au moyen de missiles de précision pourrait causer un massacre si telle était l’intention derrière la frappe.

La frappe de cette nuit était la deuxième réponse à l’assassinat de Sardar Soleimani. La première est venue du parlement irakien, dont la résolution appelle au retrait de toutes les forces étrangères du pays. La deuxième provenait du président Hassan Rouhani qui a dit : « Vous avez réussi à couper les mains de Qassem Soleimani (la frappe a démembré le général iranien), nous couperons les jambes de votre présence au Moyen-Orient. »

Cette frappe est loin d’être la dernière contre les forces US au Moyen-Orient. Si le président Trump décide de ne pas riposter, l’Iran ne frappera plus les forces US directement en, annonçant sa responsabilité. Mais il ne faut pas s’attendre à ce que l’Iran et ses alliés cessent de harceler les forces US si elles demeurent en Irak.

Un autre message s’adressait à Israël. Le nouveau commandant nommé à la tête de la brigade al-Qods du Corps des gardiens de la révolution iranienne, Ismail Qaani, a rencontré les représentants de tous les groupes palestiniens à Téhéran. Selon une source bien informée, l’Iran a promis « son soutien illimité à tous les groupes palestiniens jusqu’à ce qu’ils atteignent leur objectif ». L’Iran a aussi annoncé qu’« Israël a participé avec les USA à l’assassinat de Sardar Soleimani ».

L’époque où les USA pouvaient frapper sans être frappés en retour semble révolue. Depuis Pearl Harbor, c’est la première fois qu’un pays revendique sa responsabilité d’avoir frappé des cibles américaines. Cette situation grave et complexe peut se régler par un retrait total des forces US en Irak. Cette solution, que le parlement irakien a déjà exigée officiellement, peut sauver les vies de militaires américains.

Les USA ne peuvent que survoler le ciel de l’Irak et évitent tout transport terrestre. Ils se trouvent dans un milieu très hostile en Irak, où chaque soldat, officier ou diplomate est devenu une cible potentielle. À la suite de l’annonce hostile de plusieurs groupes en Irak, il est évident que les forces US ne sont plus en sécurité nulle part dans le pays. L’assassinat de Sardar Soleimani a ruiné toutes les possibilités de négociation de cette administration américaine avec l’Iran. La Russie et la Chine attendent tranquillement en coulisses que la porte s’ouvre pour combler le vide.

Elijah J. Magnier