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19 avril 2006 — Révélée le 20 mars dernier, l’affaire du Doncasters Group Ltd britannique fait son petit bonhomme de chemin. C’est une affaire en beaucoup de points semblable à celle de la controverse des ports américains (la société de Doubaï DPW rachetant la concession de la gestion de six ports US à l’anglais P&O), avec même cette similitude d’un groupe de Doubaï (Dubai International Capital [DIC]) voulant racheter un groupe britannique (Doncasters). Autre similitude intéressante avec un autre débat : Doncasters, qui est un groupe de défense, fabrique des éléments du Joint Strike Fighter (JSF) américain, ce qui nous renvoie à la violente querelle opposant Américains et Britanniques sur la question du JSF.
C’est le 20 mars (Bloomberg) et le 22 mars (The Financial Times et The Christian Science Monitor [CSM]) que l’affaire a été rendue publique. Résumant l’affaire, le CSM introduisait l’idée de la présence controversée du JSF dans ses tenants et aboutissants.
« Officials in the US and in the United Arab Emirates are worried that the furor sparked by the Dubai ports deal may be repeated, this time over a core Pentagon program: development of the cutting-edge F-35 Joint Strike Fighter. The Financial Times reports that the new concerns have arisen due to the pending investigation of the purchase of Doncasters, a privately held British aerospace manufacturer, by the UAE-owned Dubai International Capital in a deal worth $1.2 billion.
» Although the proposed transaction has not yet drawn much attention in Congress, the first signs of unease emerged on Tuesday when John Barrow, a Democratic lawmaker, released a letter demanding a tour of Doncasters' Georgia facility. “It is reported that your facility produces turbine engine parts critical to tanks and military aircraft...one must assume [it] plays a necessary and substantial role in the nation's ongoing military efforts in Iraq and Afghanistan,” Mr Barrow wrote... »
Hier, le groupe PINR reprenait l’ensemble de cette affaire et offrait la conclusion suivante : « As was the case with the ports deal, Democrats will surely capitalize on another opportunity to paint Republicans as being weak on national security issues as the 2006 elections draw near. Republicans, despite controlling both the U.S. House and Senate, are increasingly finding themselves on the defensive as they are positioned between a White House mired in political scandal and poor approval numbers, and emboldened Democrats looking to regain control of Congress.
» The Doncasters deal will certainly fall under increased scrutiny in coming weeks. Following the Dubai Ports World debacle, the Bush administration will find itself at the center of another complicated national security debate that will go beyond party lines and standard economic discourse. However, an expensive, experimental weapons project will likely elicit a less visceral public reaction than did the issue of port security.
» U.S. lawmakers must decide whether to embrace economic nationalism or uphold the free trade principles that they typically champion. While Dubai has ostensibly looked past the criticisms raised in the failed ports deal, a similar outcome in the current matter could very well scare away foreign investors, Arab and otherwise, and signal that the United States is not necessarily open for business. »
On notera une remarque de l’extrait ci-dessus de l’analyse de PINR, dont nous ne partageons certainement pas l’orientation: (« …However, an expensive, experimental weapons project will likely elicit a less visceral public reaction than did the issue of port security. »). Elle a l’intérêt de nous montrer l’appréciation que les milieux économiques non spécialisés (avec lesquels le groupe PINR entretient ses contacts habituels) portent sur le programme JSF
Nous serions tentés de présenter l’hypothèse inverse : le JSF nous paraît un enjeu bien plus polémique que les ports américains, du point de vue de la sécurité et compte tenu du sentiment général qui règne à cet égard à Washington. Il suffit que l’affaire éclate en public pour que l’aspect polémique du JSF, déjà fortement installé, soit relancé, notamment au niveau de la presse qui connaît désormais le cas.
Nous proposerons également le jugement que l’affaire Doncasters-DIC nous paraît plus sujette à une polémique importante que l’affaire DPW/ports américains. Il y a plusieurs causes à cela, que nous devons envisager moins en raison de leur validité qu’en fonction d’un écho public et polémique éventuel conduisant à des attitudes de surenchère démagogique. Ce qui compte ici n’est pas la validité des arguments observés mais l’écho que ceux qui les développeront en attendent. Nous sommes dans le domaine de la paranoïa et de la démagogie.
Nous détaillons sous forme d’hypothèses les éventuelles causes de polémique.
• La cause de base est la même que l’affaire DPW/ports américains : protection de la sécurité nationale contre les tendances à l’ouverture difficilement contrôlable de la globalisation.
• L’affaire impliquant le JSF va mettre au premier plan la question de la sécurité des composants du JSF. On sait que l’un des arguments publics avancés pour justifier la résistance des Américains aux pressions britanniques pour obtenir des transferts de technologies et de sources-code du JSF est développé dans le domaine, notamment, des liens des Britanniques avec les Français dans la défense (le porte-avions notamment) ; de là, les craintes que les Français obtiennent de la technologie US via les Britanniques et la fassent suivre vers des pays hostiles (la Chine). Que tout cela paraisse farfelu et du domaine de la fabulation à certains, et certainement avec de bonnes raisons, n’a guère d’importance. Nous répétons que nous nous trouvons dans le domaine de la surenchère médiatique où seule compte l’apparente validité des arguments exposés. Dans un système où une société britannique fabriquant des composants du JSF est transférée vers Doubaï, des arguments de cette sorte vont fleurir.
• Toutes les mesures possibles, partielles ou complètes, pour contrer ces arguments, seront dommageables d’une façon ou d’une autre : qu’il s’agisse du retrait ou de la séparation du marché des composants JSF de Doncasters, du contrôle contraignant de ce marché, du refus de l’autorisation de vente de Doncasters.
• On ajoutera que Doncasters est engagée également dans la fabrication de composants du char US M1 Abrams. C’est un argument de renforcement de la polémique démagogique qu’on décrit.
• Une convergence de situation peut également intervenir. C’est autour du 1er juin que les Norvégiens diront s’ils restent dans le programme JSF ou s’ils le quittent. Selon la décision norvégienne et les circonstances de cette décision, il peut y avoir un effet supplémentaire pour la polémique (ou, au contraire, un effet apaisant ?).
• Un aspect singulier de cette affaire, pour ce qui concerne la souveraineté nationale, est qu'elle voit les autorités américaines intervenir pour juger de la vente d'une société britannique à une société de Doubaï, sans qu'il y ait intervention physique de l'une ou l'autre société sur le territoire US. Mais, bien sûr, Doncasters a des unités opérant aux USA et se soumet au contrôle, — nous donnant un aperçu de plus sur la valeur de la souveraineté nationale britannique dans les rapports avec les USA.
• D’une façon plus générale, pour le cas de la polémique UK-USA sur le JSF, la suspicion américaine à l’encontre des Britanniques sur leur capacité à protéger les “secrets” du JSF devrait être renforcée par cette affaire.
La véritable question posée est de savoir si l’affaire Doncasters-DIC va déboucher sur une polémique où le Congrès puis la presse seront partie prenante. Cela n’est pas assuré. Si, durant la période de finalisation des décisions de l’administration (fin mai) une autre grosse affaire monopolise l’attention publique washingtonienne, le cas peut ne soulever aucun effet particulier. Avec les diverses polémiques en cours (Irak, crise iranienne, scandales intérieurs, etc.), cette circonstance est loin d’être improbable.