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1104Au moins une vérité émerge de la campagne des mid-terms aux USA, deux semaines avant le scrutin du 2 novembre. Cette campagne reflète parfaitement, tant du point de vue des électeurs que du point de vue des candidats, que du point de vue des dirigeants (BHO en premier), l’état d’esprit autant que la situation politique aux USA : confusion, désordre, colère, angoisse généralisée. On cite ici quelques références qui illustrent cette observation.
• La campagne que mène Obama pour soutenir les candidats démocrates est jugée comme “erratique”. Politico.com juge cette campagne comme étant dans un état similaire à celle, désastreuse, de McCain en 2008 (« Barack Obama in 2010 on the path of John McCain 2008?», le 15 octobre 2010).
• Il y a un côté féministe très marqué, surtout du fait des candidates femmes soutenues par Tea Party. Mais ce côté féministe n’a rien à voir avec le mouvement du même nom mais avec la revendication de ces femmes exigeant des hommes qui détiennent l’essentiel du pouvoir d’affronter les problèmes et les crises des USA (et de leur laisser de la place pour les y pousser, en donnant l’exemple). Cette attitude est résumée par l’exhortation “Man Up !” (disons “debout les hommes !”), employée par l’une ou l’autre. (Voir «Candidates play man-upsmanship» le 15 octobre 2010 sur Politico.com.)
• Une illustration de cet campagne est donnée par le débat télévisé pour le siège de sénateur du Nevada, entre Harry Reid, le puissant leader démocrate du Sénat, et Sharron Angle, la candidate républicaine du Tea Party (voir le Daily Telegraph le 16 octobre 2010). Reid a été battu dans ce débat, mis en difficulté notamment par des questions sur sa fortune acquise durant sa carrière de politicien, et cela alors que les sondages donnent Angle victorieuse contre le plus puissant démocrate du Congrès.
• Il y a cet article du New York Times du 14 octobre 2010, qui rend compte d’une étude détaillée du journal sur les positions générales et l'impact de Tea Party, considérant de facto ce mouvement Tea Party comme une sorte de “troisième parti” et lui accordant une importance et une influence substantielles au Congrès après le scrutin du 2 novembre. Le NYT semble estimer que le regroupement des candidats Tea Party dans un caucus fera d’eux effectivement un “troisième parti”.
«Enough Tea Party-supported candidates are running strongly in competitive and Republican-leaning Congressional races that the movement stands a good chance of establishing a sizeable caucus to push its agenda in the House and the Senate, according to a New York Times analysis.
»With a little more than two weeks till Election Day, 33 Tea Party-backed candidates are in tossup races or running in House districts that are solidly or leaning Republican, and 8 stand a good or better chance of winning Senate seats.
»While the numbers are relatively small, they could exert outsize influence… […]
»An analysis of each House and Senate race found 138 Tea Party candidates, all Republicans, running for nearly half the Democratic or open seats in the House and a third of those in the Senate… […]Tea Party nominees have performed better than expected in many cases, including races in which the establishment candidates they defeated in the primaries were considered the stronger general election contenders.»
• La crainte de l’establishment du facteur Tea Party et du désordre qu’il peut amener dans la situation de routine de ce même establishment est encore reflétée par un article de DoDBuzz du 14 octobre 2010 présentant des objurgations d’idéologues et d’experts républicains orthodoxes demandant à Tea Party de ne pas chercher à réduire les dépenses de défense. C’est la confirmation que Tea Party est un enjeu colossal à cet égard. Les militaires eux-mêmes semblent anticiper la tempête qui menace le Pentagone, – et l’anticiper, c’est en quelque sorte contribuer à la susciter. (Voir Bloomberg.News le 13 octobre 2010.)
Il nous semble de plus en plus confirmé qu’on ne peut en aucun cas avancer une analyse des événements de l’après-2 novembre basée sur le pronostic et les projections des résultats de ces élections. Aucun des faits (des résultats) probables de ces élections, telles qu’elles se présentent, ne sera indicatif de la forme, de l’essence d’une évolution, d’un changement, etc., mais tous renforcent l’idée que la substance même du monde politique washingtonien sera changée. Nous confirmons notre appréciation que les élections du 2 novembre ne seront qu’une étape dans le processus déjà bien avancé de déstructuration du système politique washingtonien. Ce qui se passera après est du domaine de l’inconnu, avec la seule probabilité qu’aucun des schémas précédents, y compris d’élections amenant un bouleversement politique complet, ne peut servir de “modèle” car les “bouleversements” en question se firent à l’intérieur des normes de l’establishment.
Plus que jamais, Tea Party est au centre de toute l’attention, et l’étude du New York Times à cet égard est impressionnante. Le fait majeur de perception est que Tea Party est effectivement perçu comme une entité à part (chaque candidat républicain bénéficiant du soutien de Tea Party ou venu de Tea Party est labellisé automatiquement par les observateurs comme “candidat Tea Party” et non comme “candidat républicain”). Si les pointages du NYT sont justes, Tea Party occupera une position idéale, un pied en dedans et un pied en dehors (dans le parti républicain), c’est-à-dire impossible à marginaliser d’une part puisque dans le parti républicain, impossible à récupérer d’autre part puisque en position d’exercer une pression constante de critique et de désordre avec son rassemblement en un groupement autonome informel. Les républicains “orthodoxes”, pourtant donnés victorieux, sont aussi mal à l’aise que les démocrates dont le moral est catastrophique, avec un Obama à la dérive. Le résultat pourrait être à la fois une administration à la dérive par épuisement psychologique et un Congrès à la dérive par désordre institutionnalisé…
Car, répétons-le encore une fois, Tea Party, s’il s’installe avec un certain poids au Congrès, n’amènerait sûrement pas une nouvelle orientation précisément identifiée. Il amènerait le désordre. Tea Party est toujours insaisissable, sans cohésion fermement marqué, sans programme élaboré sinon son opposition furieuse aux dépenses publiques qui peut déboucher sur des pressions anarchiques fondées autant sur l’expression d’un sentiment public très fort que sur la démagogie naturelle qui va avec. Tea Party est bien un ensemble complètement déstructuré, mais qui pourrait s’implanter dans une force extrêmement structurée (le Congrès) dont la politique est par contre totalement déstructurante. Il s’agirait alors d’une pression déstructurante exercée contre une puissante structure qui génère une politique elle-même déstructurante faite à l’avantage de l’establishment au service du système de l’américanisme. D’effets indirects en effets indirects et selon notre théorie du “contre-feu”, c’est effectivement le système de l’américanisme qui est attaqué sans qu’ancun des acteurs n’ait conscience précise du rôle qu’il joue et des effets de ce rôle. (Voir sur cette conception du “contre-feu”, au 3 septembre 2010 : C’est la déstructuration en cours de l’ordre lui-même déstructurant qui domine d’une façon furieuse et extrémiste depuis la fin de la Guerre froide, et surtout depuis 9/11. La fameuse règle algébrique (“moins plus moins égale plus”) tout comme notre affection pour la tactique du “contre-feu”, ne peuvent que nous conduire à nous réjouir d’un tel “désordre”, qui s’avère effectivement “organisé” puisque son effet est de déstructurer un fonctionnement trompeusement rationnel, au nom d’une raison humaine pervertie, pour conduire à un affaiblissement dramatique d’un système déstructurant.»)
Quoi qu’il en soit, il s’agit du champ des hypothèses et les élections du 2 novembre restent très logiquement “une énigme enveloppée de mystère” ; et nous n’en saurons sans doute pas tellement plus le 3 novembre, à moins d’énorme surprise, tant il faudra un certain temps pour apprécier l’impact du phénomène. Par contre, ce qu’on peut avancer avec certitude, c’est que l’état d’esprit, la prévision inconsciente de ces élections comme on attend une fatalité, sont bien qu’elles mettront en place une paradoxale “structure de désordre” au cœur de l’establishment. On pourrait avancer que cette perception étant ce qu’elle est, et avec quelle puissance, elle aurait déjà créé les conditions pour que, effectivement, et dans la mesure où les résultats sont dans les bornes de ce qu’on en attend (voir l’étude du NYT), ces élections seront perçues comme installant effectivement cette “structure de désordre”, – et que, par conséquent, avec les effets de la perception sur la psychologie, “structure de désordre” il y aura…
Mis en ligne le 16 octobre 2010 à 06H41