Une culture de corruption qui pervertit le bien public

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Il est intéressant de constater que c’est dans les colonnes du Financial Times, quotidien réputé pour être un grand défenseur du monde des affaires, qu’on trouve l’une des critiques les plus tranchantes de l’affaire BAE/Yamamah qu’on ait pu lire. On la trouve sous la plume de l’éditorialiste Wolfgang Munchau et, effectivement, la conclusion est sans appel.

Munchau examine en parallèle l’affaire BAE et une récente affaire de corruption chez Siemens, qui a conduit la semaine dernière à l’arrestation d’un ancien membre du conseil d’administration. Il observe qu’il s’agit là, non de cas isolés mais d’une attitude de système, impliquant une “culture d’entreprise” qui embrasse sans aucune restriction la pratique de la corruption. Puisqu’il n’y a aucun cas d’enrichissement personnel dans ces affaires, on ne peut les réduire à des individus qui représenteraient des “pommes pourries” dans un panier de fruits restés sains. «Why would employees voluntarily commit a felony for the almost exclusive benefit of someone else? The only conceivable explanation is if the company rewarded such behaviour, for example through promotions or bonuses.»

Mais il faut bien finalement trancher entre les deux affaires. Laquelle est la plus grave dans ses effets et dans ses conséquences? Finalement, Munchau semble implicitement se décider pour l’affaire “Yamamah”/BAE parce qu’elle conduit à la perversion la plus extrême, qui est l’implication du gouvernement, le représentant du bien public et des intérêts de la nation. Ainsi met-il en évidence la monstruosité formelle et juridique que représente la démarche du gouvernement britannique (Lord Goldsmith, poussé par Tony Blair) dans la mesure où cette démarche tend à réduire la corruption au niveau des “crimes relatifs”, qui ne sont pas condamnables dans l’absolu, qui, dans certaines circonstances, deviennent le contraire orwellien d’un crime puisqu’ils sont implicitement salués comme un acte de vertu “dans l’intérêt national”. Il y a de ces paroles officielles qui resteront.

«A necessary, but not sufficient condition for an anti-corruption climate is the right system of legal incentives. In Germany, bribes to foreign officials were tax deductible until 1999. In other words, corruption was not only condoned, but officially encouraged. This is no longer the case.

»The UK seems to be moving in the opposite direction. The statement by Lord Goldsmith, the UK’s attorney-general, that “the wider public interest...outweighed the need to maintain the rule of law” in the case of BAE Systems may set a dangerous precedent. If bribery can occasionally be in the national interest, then it cannot be morally wrong in principle. It is a relative crime, depending on who does the bribing and who gets bribed. The logical error in Lord Goldsmith’s argument is the failure to take into account the effect of his own decision. If it leads to more corruption, as it undoubtedly will, it cannot be in the public interest.»


Mis en ligne le 19 décembre 2006 à 03H49