Une décision qui fera date : Israël dit non au F/A-22

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Une décision qui fera date : Israël dit non au F/A-22

27 novembre 2003 — L’hebdomadaire Defense News du 24 novembre publie un article annonçant qu’Israël décline l’offre américaine d’acquérir des Lockheed Martin F/A-22 Raptor.

C’est une décision importante à plus d’un égard, pour une proposition d’une importance stratégique fondamentale. (C’est en 2000 que l’administration Clinton avait formellement proposé le F/A-22 à Israël. En réalité, les Israéliens discutaient avec les Américains depuis 1996-97 sur la possibilité d’un achat de cet avion de combat.)

Voici quelques extraits de l’article de Defense News (accès réglementé).

« Israel will not purchase America’s newest strike fighter, the F/A-22 Raptor, and instead will base its future front-line fleet on the planned multirole Joint Strike Fighter (JSF) and existing F-16 and F-15 jets.

» Maj. Gen. Dani Haloutz, who commands the Israel Air Force, said the service concluded it simply could not afford the stealthy aircraft, whose flyaway costs — according to conservative U.S. Air Force estimates — will exceed $100 million per copy.

» At one point, the Israel Air Force had hoped to buy 50 F/A-22s for use by decade’s end. The decision to abandon the Raptor caps years of internal evaluations and discussions with prime contractor Lockheed Martin and Pentagon representatives over costs, operational capabilities and the service’s desire to integrate myriad Israeli subsystems into the U.S. platform. “The F/A-22 is a great airplane, but now, any way we try to look at it, it’s too expensive for us,” Haloutz said.

» Severe cuts in Israeli defense spending for 2004 and later years have frozen, delayed or killed modernization programs in all branches of the Israel Defense Forces.

» Amos Yaron, the retired major general who directs Israel’s Ministry of Defense, confirmed Haloutz’s conclusion. “We all know the Air Force had high hopes for this aircraft, but I don’t think it ever was a formal item on our procurement agenda,” Yaron said. “And now, with the budget situation the way it is, there’s no way that we’ll be purchasing the F/A-22. The next new aircraft to be introduced to the Israel Air Force will be the JSF and even that is at least 10 years down the road.” »

Par ailleurs, les Israéliens annoncent l’arrivée d’une nouvelle version du F-16, le F-16I (premier des 200 exemplaires commandés remis aux Israéliens le 14 novembre), qu’ils présentent de la façon la plus flatteuse possible (déclaration du général Haloutz, qui dirige la force aérienne) : « “I believe this will be one of the best fighters flying in the 21st century,” the general said. “We have included all our operational experience and all of our technological expertise in this aircraft. It is designed from the very beginning to host a wide range of our own sensors and weapon systems, and it will be a main part of the Israel Air Force net, through which all our flying platforms are connected to one and to systems on the ground.” »

La décision israélienne de refus du F/A-22 est exceptionnelle à plus d’un égard. C’est, depuis que des liens stratégiques d’une force considérable se sont établis avec les USA (à partir de 1967-73), la première fois qu’Israël ne suit pas sa politique d’acquisition automatique des matériels américains les plus avancés. On peut avancer deux hypothèses, qui seraient, si elles se confirment, deux raisons extrêmement importantes expliquant cette décision, derrière les seules raisons d’“intendance” (le prix du F/A-22).

• Le refus d’Israël pourrait apparaître comme le premier refus significatif du développement maximal des technologies. Le F/A-22 est un “monstre” à cet égard, et le seul avion de ce type, tant en capacités qu’en intégration de technologies. Sa puissance et son statut en font un véritable “chasseur stratégique”, sans aucun équivalent. Le refus israélien, accompagné de l’affirmation que la flotte actuelle renforcée du F-16I (nouvelle version développée pour Israël) et, dans une dizaine d’années, éventuellement du JSF, devrait suffire pour les besoins aériens, pourrait bien signifier que les Israéliens ne voient plus l’intérêt de disposer des capacités d’un F/A-22. Fondamentalement, cette décision pourrait figurer comme le premier refus significatif, par une force aérienne d’un poids significatif, de la formule du développement maximal, sans contrôle ni limite, des systèmes de hautes technologies. La décision tendrait alors aussi bien à isoler de plus en plus l’Amérique dans sa recherche du progrès technologique à tout prix et sans contrôle, en même temps qu’elle contribuerait à poser d’une façon pratique la question du développement des équipements face à des conflits de moins en moins caractérisés par le besoin de systèmes de très haute technologie.

• Le refus israélien peut aussi être interprété d’une autre façon (laquelle pourrait également compléter la précédente), comme une certaine évolution tendant à envisager une intégration moindre d’Israël dans le dispositif stratégique US. On peut rapprocher alors la position israélienne sur le F/A-22 d’une autre position, l’intérêt montré par les Israéliens pour une éventuelle participation au système européen Galileo, de préférence au GPS américain. A cette lumière, on peut proposer effectivement une interprétation stratégique de la position israélienne.