Une doctrine Stavridis?

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Le nouveau commandant en chef suprême allié en Europe (SACEUR), l’amiral James Stavridis, de l’U.S. Navy, a inauguré ses nouvelles fonctions (effectives le 2 juillet) par diverses visites et réunions de courtoisie et de prises de contact. Arrêtons-nous à sa réunion du début du mois d’août avec le Comité Militaire, qui regroupe les chefs d’état-major nationaux des pays de l’Alliance. Elle a montré en effet combien l’arrivée au poste de SACEUR d’un amiral s’accompagne d’un état d’esprit remarquable du titulaire.

(Le poste de SACEUR va traditionnellement à un officier général US. C’est la première fois que l’U.S. Navy obtient ce poste, jusqu’ici essentiellement réservé à l’U.S. Army et, plus épisodiquement, à l’USAF et au Marine Corps (James Jones). On a vu l’attention et la signification que nous apportons à ce fait.)

Stavridis a fait une présentation jugée remarquable, notamment par ce qu’elle a montré de volonté de coopération et d’un esprit qu’on pourrait qualifier de “diplomatique”, particulièrement attentif aux sensibilités nationales. Stavridis n’a pas tari d’éloge sur les Français, qui ont réintégré le commandement intégré complet, et sur les perspectives de coopération avec eux, avec l’attention portée sur la forme. La moitié de son exposé a été faite en français (l’une des deux langues officielles de l’Alliance), attention dont on sait qu’elle est particulièrement appréciée des Français.

La présentation était accompagnée de slides censés illustrer la personne et les intentions. On a donc pu noter l’un d’eux, avec les drapeaux grec et turc, accompagnés du commentaire de Stavridis rappelant avec insistance sa nationalité grecque d’origine, et d’une famille grecque installée en Turquie lorsque le grand’père de l’amiral a décidé d’émigrer aux USA en 1910. L’allusion aux relations entre la Grèce et la Turquie et, même, à l’importance de la Turquie, autant que la volonté de Stavridis d’apparaître aux Européens comme “un des leurs”, est évidente. Stavridis a défini son programme par l’image du “pont”, désignant son intention d’établir ou de renforcer les coopérations (“les ponts”) entre les différents membres de l’Alliance et, aussi semble-t-il, en-dehors de l’Alliance. Donc, le dernier slide montrait effectivement un pont comme symbole de la chose et résumé du propos; elle fut accompagnée par ce commentaire énigmatique de Stavridis, tenant aussi bien du catalogue touristique que du sous-entendu politique: «Cette photo d’un pont a été prise en Iran». Le commentaire a été, on l’imagine, retenu et commenté.

La présentation et ses slides n’ont pas manqué d’illustrer ce que la position de l’U.S. Navy a d’original et de spécifique aujourd’hui, en même temps que de très affirmé, dans la répartition et l’orientation des centres de pouvoir US. Stavridis arrive au moment où l’Alliance connaît de facto une situation générale nouvelle, marquée essentiellement par l’affaiblissement de la puissance US sanctionnée par la crise du 15 septembre 2008, et donc de son influence. L’U.S. Navy a, depuis 4 ou 5 ans (certainement, depuis l’année passée en 2007-2008 par l’amiral Fallon à la tête de Central Command), tenté d’assurer une politique militaire beaucoup plus arrangeante et coopérative que la politique officielle US. Il est logique et très probable que la “doctrine Stavridis”, si “doctrine” il y a, ira très largement dans ce sens au sein de l’OTAN. On peut conclure avec l’hypothèse qu’il s’agira d’un SACEUR hautement politique, comme l’OTAN n’en a plus eu depuis les années difficiles de crises politiques au sein de l’OTAN (Norstad et Lemnitzer du temps de l’arrivée de De Gaulle au pouvoir, Haig et Rogers du temps de la crise des euromissiles).


Mis en ligne le 26 août 2009 à 06H39