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766L’observation à la mode dans la caste des dirigeants financiers du monde, surtout les institutionnels dont on nous assure qu’ils sont responsables, c’est ceci: la crise est en train de toucher l’économie réelle. C’est ce que dit, par exemple, Dominique Strauss-Kahn, socialiste français parfaitement globalisé made in IMF, dans le documentaire, diffusé sur Arte le 1er juillet, sur la crise financière. Et cela est dit, – “la crise est en train d’atteindre l’économie réelle”, – comme si la nouvelle était rassurante, sinon encourageante, – rejoignant la remarque du même Strauss-Kahn selon lequel le pire de la crise financière est derrière nous. (Encore qu’on puisse se demander à quelle “économie” appartiennent les centaines de milliers d’Américains virés de leurs logements depuis plus d’un an pour cause de crédit pourri? L’économie pas-de-pot-les-gars?)
Cela écrit, c’est-à-dire notre fiel ordinaire dispensé, il reste qu’effectivement nous entrons de plain-pied dans le réel, mais tout de même à pas comptés, – ce qui est une caractéristique intéressante. Le site WSWS.org, toujours excellent dans ses analyses de la situation financière et économiques, décrit aujourd’hui l’aggravation de la situation économique et sociale aux USA, avec les pertes d’emploi, des menaces directes de faillite contre des géants tels que General Motors et, en général, toute l’industrie automobile. Il est vrai qu’à la crise financière s’est ajoutée une autre crise virtuelle, celle du prix de pétrole.
Voici, selon WSWS.org, la situation du chômage aux USA (le chômage “réel” officiel approche les 10%):
«Last month the official unemployment rate jumped half a point to 5.5 percent, the biggest single month rise in 22 years. Goldman Sachs recently forecast the jobless rate would rise to 6.4 percent by late 2009 before any improvement occurred.
»Official government figures routinely underestimate the actual unemployment rate, since they do not count those who have given up looking for work and those reduced to part-time hours. If those workers were added, the “under-employment rate” in the US would rise to 9.7 percent, up from 8.3 percent in May 2007, according to the Labor Department.
»“It’s a slow-motion recession,” Ethan Harris, chief US economist for the Wall Street firm Lehman Brothers told the New York Times. “In a normal recession, things kind of collapse and get so weak that you have nowhere to go but up. But we’re not getting the classic two or three negative quarters. Instead, we’re expected two years of sub-par growth. Growth that’s not enough to generate jobs. It’s kind of a chronic rather than acute pain.”»
Ces conditions ne sont pas rassurantes, même par rapport à une chute brutale, impliquant une mobilisation et conduisant le plus souvent, par nécessité autant que par mécanisme, à une réaction vers la hausse («In a normal recession, things kind of collapse and get so weak that you have nowhere to go but up…»). Il s’agit d’une dégradation économique et sociale chronique, qui affaiblit régulièrement les structures économiques et le tissu social et ne trouve aucune occasion de redémarrage significatif. C’est alors que les dégâts psychologiques sont dévastateurs, en installant durablement une psychologie pessimiste et en instituant le repli sur soi, voire la paralysie. L’installation d’un tel climat peut alors provoquer, à son tour, par mise en cause “réelle” des structures financière à cause de l’attitude du public, des nouvelles conséquences, “réelles” cette fois, pour le système financier (le système bancaire, notamment).
C’est le schéma qui fut suivi pour la Grande Dépression des années 1930. Après l’effondrement de Wall Street d’octobre 1929, on constata une reprise boursière très nette, avant de voir les conséquences à terme du krach se faire sentir peu à peu dans l’économie “réelle”, à partir de la fin de l’été 1930, avec dégradation régulière de l’emploi, contraction régulière de la consommation, évolution parallèle et connectée dans le circuit bancaire avec des faillites également en augmentation régulière. Cette progression régulière conduisit à un rythme soutenu jusqu'aux conditions tragiques de l’hiver 1932-1933, où les USA semblèrent être entrés sans à-coup particulièrement spectaculaire dans un processus de désintégration. Le cheminement psychologique qui accompagna et alimenta ce processus joua ainsi un rôle essentiel dans le phénomène en lui donnant une forme structurelle irrésistible.
Mis en ligne le 3 juillet 2008 à 12H04
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