Une “guerre” de circonstance

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Rigolards, les journalistes russes en poste à Bruxelles ne cessent de clamer que, “tiens, comme ça tombe bien, déclencher une attaque le jour où tout le monde a les yeux tournés vers Pékin et les Jeux Olympiques...”. Ils parlent des accrochages puis des combats d’hier soir et d’aujourd’hui, entre la Géorgie et l’Ossétie du Sud, puis avec les Russes probablement, qui se sont aggravés durant toute cette journée du 8 août. L'affrontement devient-il une “guerre” de circonstance, et la “guerre” va-t-elle perdre ses guillemets pour devenir un conflit pur et simple?

• A Moscou, le chef de la commission sur la sécurité de la Douma, Vladimir Vassiliev, met en cause les USA. Novosti rapporte brièvement la chose, aujourd’hui: «“La Géorgie n'aurait rien pu faire sans le soutien des Etats-Unis”, a déclaré M. Vassiliev lors d'une conférence de presse. Selon lui, aux cours des dernières années, le président géorgien Mikhaïl Saakachvili a tout fait pour augmenter le budget militaire du pays. “Le pays se préparait à des actions militaires”, a souligné le parlementaire russe.»

• Cette thèse (interférence US en Géorgie) était en général envisagée ces dernières semaines à Bruxelles, dans les milieux européens, d’une façon informelle et à l’abri des regards indiscrets. Après avoir longtemps craint une attaque de l’Iran comme initiative déstabilisatrice majeure de l’administration GW Bush en fin de course, notamment pour aider le candidat républicain McCain, on cultivait l’hypothèse d’un coup de pouce au président géorgien, et des “conseils” de la Maison-Blanche ou de ses relais dans le sens d’une attaque. Les mêmes hypothèses allaient jusqu’à envisager une intervention US, de type symbolique, avec le stationnement officiels de détachements US sans participation aux combats.

• L'agence Novosti a été attentive à diffuser la nouvelle de l’intervention personnelle de Solana auprès du président géorgien. Cette intervention est directe, par téléphone, et elle alimenterait éventuellement la thèse de ceux qui jugent que l’Union Européenne, ou dans tous les cas Solana, croit à la responsabilité géorgienne dans l’affaire. Selon Novosti aujourd’hui: «…Solana a invité, vendredi matin par téléphone, le président géorgien Mikhaïl Saakachvili à prendre les mesures nécessaires afin de stopper la violence en Ossétie du Sud, rapporte le service de presse de M. Solana. Le Haut représentant de l'UE pour la PESC “s'est déclaré profondément préoccupé par la situation en Ossétie du Sud et a appelé à tout faire pour stopper au plus vite la violence et reprendre les négociations de paix entre les parties”, indique le communiqué.»

• L’OTAN est prudentissime. Le secrétaire général est extrêmement discret (absent ce matin) et, de toutes les façons, il fait renvoyer toutes les demandes d’entretien de journalistes à son porte-parole. La position officielle de l’OTAN, c’est la position officielle qu’on trouve un peu partout, dans les institutions internationales, surtout celles qui sont prudentissimes: on invite les deux parties à cesser le feu, à engager des pourparlers et ainsi de suite. Pour apprécier une éventuelle position détaillée et précise de l’OTAN, il faudra attendre que cette crise se décante.

• On trouve diverses indications sur la bataille en cours et sur les divers événements qui l’entourent, par exemple sur le site de CNN aujourd’huiRussian tanks 'rolling into Georgian breakaway'») ou sur le site du Times, également aujourd’hui. Le Times est attentif, outre à bien relayer les thèses géorgiennes, à mettre l’accent sur la menace pesant, avec ce début de conflit, sur le pipe-line entre l’Azerbaïdjan et la Turquie (voir le texte du Times à ce sujet):

«The 1,770km (1,100 miles) Baku-Tbilisi-Ceyhan pipeline, which entered service only last year, pumps up to 1 million barrels of oil per day from Baku in Azerbaijan to Yumurtalik, Turkey, where it is loaded on to supertankers for delivery to Europe and the US. Around 249km of the route passes through Georgia, with parts running only 55km from South Ossetia. (…)

»The first major attack on the pipeline took place only last week – not in Georgia but in Turkey where part of it was destroyed by PKK separatist rebels.

»Output from the pipeline, which is 30 per cent owned by BP and carries more than 1 per cent of the world's supply, is likely to be on hold for several weeks while the fire is extinguished and the damage repaired. But the threat of another attack by separatists in Georgia itself is very real.»

• C’est à la lumière de cette situation du pipe-line qu’une autre hypothèse, ou une hypothèse plus précise, ou une hypothèse complémentaire, circule à Bruxelles. La Géorgie et les USA, alertés par l’attaque en Turquie et les menaces éventuelles des séparatistes géorgiens, auraient convenu d’une “initiative” qui permettrait de mettre, ou tenterait de mettre le pipe-line à l’abri des menaces de ces séparatistes. La Géorgie trouverait dans ce cas l’appui décisif des USA pour une attaque, le cas géorgien devenant immédiatement stratégique pour Washington.

Quoi qu’il en soit, Le conflit constitue un des scénarios favoris de crise en Europe depuis plusieurs mois. La question qu’il soulève d’autre part, dans ses conséquences éventuelles selon son déroulement, sa durée et son ampleur, est d’apprécier l’effet qu’il aura sur l’UE, notamment sur la solidarité ou sur l’antagonisme entre les Etats-membres, et sur la coordination ou pas des attitudes entre l’UE et les USA.


Mis en ligne le 8 août 2008 à 17H26