Une guerre est déclarée

Les Carnets de Badia Benjelloun

   Forum

Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.

   Imprimer

 4748

Une guerre est déclarée

Déclaration

L’Homme à la Mèche Blonde et son Secrétaire au Département d’Etat se sont lancés dans une déclaration contre la Chine.

Ils l’accusent tour à tour d’avoir mis au point le Sars-CoV-2 dans un laboratoire de mauvaise qualité, de l’avoir laissé s’en échapper, de n’avoir pas empêché l’expansion de l’épidémie en permettant des voyages à l’étranger depuis le foyer initial de l’épidémie. Pour en venir au principal, ils mettent au point un train de mesures pour la « punir ». La dernière harangue de l’Homme à la Mèche ce dimanche signifiait aux dirigeants chinois leur obligation de respecter les termes du dernier accord sur les tarifs douaniers. Il faisait obligation à la Chine d’acheter sur deux ans pour $200 milliards de marchandises aux Usa dont 40 dans l’agro-alimentaire en échange d’une réduction des taxes sur $120 milliards de produits chinois importés. La baisse drastique de l’activité économique liée à la pandémie a en effet entravé les échanges commerciaux au niveau planétaire et donc annulé ou retardé les achats chinois. 

Les  menaces étasuniennes que les Usa se proposent de déployer concernent des sanctions économiques, une nouvelle politique commerciale et l’annulation des avoirs chinois investis dans la dette américaine. 

Le rédacteur en chef de la revue scientifique  The Lancet est intervenu pour réfuter toutes ces allégations fallacieuses, l’imbécile attribution à une origine humaine du virus est écartée par tous les virologues sérieux. Il a insisté au contraire sur l’intérêt des publications chinoises, riches en données, qui ont précocement mis en alerte. Il a de plus reproché leur inertie à nombre de pays qui n’ont pris aucune mesure pendant les mois de janvier et février face aux avertissements émis par les autorités chinoises. Mais que peut une main accrochée au continent englouti de la réalité quand d’aucuns professent que seule la leur, celle qu’ils créent par leur propagande est de bon aloi. Quand de plus, tout doute sur la réalité fictionnelle est frappé du signe infâme du complotisme, les esprits les plus sains chavirent. Le vrai n’est plus alors qu’un attribut du faux.

Les invectives antichinoises  se multiplieront sur fond de campagne électorale. Biden, l’improbable adversaire frappé de sénilité et reclus dans son bunker, a été accusé de ‘mollesse’ à l’égard de la Chine quand celui-ci reprochait à l’administration Trump de n’avoir rien fait pour empêcher le désastre annoncé du COVID-19.  Il faut un coupable à la dépression économique pour sauver le candidat Trump. Les deux camps vont sans doute tenter se hisser dans l’opinion par l’exercice périlleux d’une surenchère sur le mode ‘à qui sera le plus sinophobe ‘?

Logomachie

Cette logomachie a toute chance de demeurer à ce stade de bruit insignifiant. Les capacités militaires des Usa sont au plus bas, amputés qu’ils sont de moyens humains par l’exposition inconsidérée de leurs soldats à l’épidémie. Sur la dizaine de groupes aéronavals, formations centrées sur un porte-avions,  seuls deux sont en mer. La mission du porte-avion Truman et de son escorte après une mission de plusieurs mois est  prolongée jusqu’à nouvel ordre. La principale force de projection sur mer de l’armée américaine est donc bien fortement réduite, problème  récurrent,maintenant aggravé par l’atteinte des soldats par le COVID-19. Le nombre des soldats présents dans les foyers de guerre entretenus au Moyen Orient est plutôt en baisse en dépit du contingent supplémentaire de 3000 soldats promis dès après l’assassinat de Qassem Soulaymani et de Abou  Al Mahdi Al-Mouhandis. Les groupes terroristes qu’ils entretiennent dans la région  assurent plutôt bien la perpétuation des troubles et de la déstabilisation.

Les firmes privées du complexe militaro-Industriel dans ce contexte de désastre économique demandent une  attribution de fonds dont l’équivalent n’est pas allé à la sécurité sanitaire, leur perfusion permanente par les fonds publics pose la question  (comme pour l’entité sioniste implantée au Moyen-Orient) de savoir si l’Etat fédéral n’est plus qu’une institution au service de l’armée et de ses contractants. Le 19 mars, 130 membres de la Chambre ont joint leur voix pour faire  accroître de 24% le nombre de F35 à fournir aux différents corps d’armée, soit 98 unités à ½ $ milliard le coucou. Lequel bijou continue de montrer nombre d’imperfections dont certaines, jugées graves, comme le problème des pics de pression dans le cockpit ou de cloques sur le revêtement du furtif avion dès qu’il passe la vitesse de1,2 Mach ne sont pas résolues et que d’autres défauts apparaissent pendant que quelques  ‘lacunes’ sont comblées.

Les lignes de dépenses pour la Défense et les Anciens Combattants représentent près de 20% dans l’actuel budget fédéral qui s’élève à plus de  $4800 milliards pour l’année fiscale en cours. Le déficit prévu de $966 milliards viendra alourdir la dette fédérale déjà estimée hors engagements futurs (sécurité sociale, pensions des fonctionnaires retraités...) à $22 000 milliards. Vont se rajouter au plan initial les  $850 milliards projetés pour une relance nécessitée par la crise économique liée à la pandémie et les $100 milliards du plan d’urgence. Soit bien plus que ce qui avait été alloué en 2008 comme aides pour la crise financière. Le rapport de la dette publique ainsi rehaussée par le doublement du déficit sur un PIB qui se rétractera en raison du collapsus économique sur de nombreuses semaines le fera porter bien au delà des 110% actuels.

Les effets cumulés de ce type de dérive finissent par échapper aux lois qui les font évoluer. Une dette stratosphérique sur un PIB en recul font rentrer le système étasunien et donc mondial dans des zones de turbulence inédites.  

Réanimation d’une syncope

La syncope du système économique mondial a été évitée au cours de la crise de 2007-2008 par l’assistance des fonds souverains arabes  venus au secours des banques étasuniennes et à une politique de relance chinoise qui a stimulé la croissance et la demande en biens d’équipements, de matières premières et de services financiers. Il aussi grandement été ressuscité par l’activation de la pompe à dollars du QE ou  Quantitative Easing et de la dette fédérale. La Chine a en retour été renforcée moyennant quelque surchauffe du crédit et a entrepris une politique d’expansion de sa zone d’influence, assurée de la fragilité de la montagne de dettes occidentales.

Cet enchaînement préparait la crise suivante, celui de la Dette étasunienne.

Et nous y arrivons presque.

L’Homme à la Mèche dans la liste des injonctions et menaces proférées à l’encontre de la Chine a cité comme moyen de rétorsion le blocage des avoirs chinois, laissant profiler la possibilité du non paiement des intérêts dus au titre des obligations d’Etat détenues par Pékin. C’est l’arme ultime qu’il ne faut surtout pas brandir. Car tout l’art de l’escroquerie consiste à maquiller et masquer le brigandage étasunien à grande échelle qui pompe l’épargne des États au service de sa politique hégémonique moyennant une rente devenue minime. De tels dépôts sont en effet consentis pour leur sécurité fondée sur la réputation d’un État qui ne peut se déclarer en faillite pour ses obligations plus que pour leurs rendements.

Anticorps

La Chine a développé toutes sortes d’anticorps contre son exposition aux risques générés par le niveau de ses exportations aux Usa. Son orientation résolue vers la construction d’infrastructures en Afrique et dans les pays asiatiques voisins et même au-delà jusqu’en Irak et en Afghanistan la protège d’une dépendance absolue vis-à-vis de la consommation des Usa. Immunité également conférée vis-à-vis des actes de guerre que sont les sanctions du gouvernement étasunien. Si elle n’a pas diminué drastiquement ses avoirs en Bons du Trésor américain comme l’a fait la Russie, leur valeur absolue presque constante affaiblit sa participation au schéma de Ponzi que constitue la Dette étasunienne pour ses souscripteurs.

La Chine est bien devenue l’usine du monde. Pour s’en persuader, toutes les pénuries de masques et de médicaments dont souffrent les pays occidentaux viennent le rappeler à un public abusé par les noms des firmes pharmaceutiques apposés sur leurs boîtes car presque tout se fabrique en Chine. C’est moins cher là-bas car produit par une armée d’esclaves invisibles. Elle peut bouleverser l’état du monde en interrompant ses livraisons si elle met un arrêt à l’approvisionnement en médicaments ou composants électroniques. La relocalisation de telles productions nécessite de longs délais alors que les besoins sont immédiats et que les flux tendus et l’austérité ont détruit le principe de précaution du stockage stratégique. Les  terres rares enfin, si précieuses pour les nouvelles technologies, la Chine détient le monopole de leur production. 

Mais il y a désormais plus et mieux que le simple découplage de l’économie chinoise de l’étasunienne. Depuis longtemps, les nations non assujetties souhaitent être sevrées du dollar comme monnaie d’échange et de réserve. Toute entreprise qui n’applique pas les sanctions promulguées par l’administration de Washington se voient punies et risquent de ne plus avoir accès au système de règlement instantané  Swift  libellé en dollars.

Depuis des années, la Banque Populaire de Chine (BPOC) a cherché à mettre au point une monnaie digitale. L’essai de lancement par l’une des GAFA, Facebook, d’une crypto-monnaie échappant au contrôle des États a réactualisé le projet de la BPOC. La distanciation ‘sociale’ recommandée pour éviter le COVID l’a également stimulé.

Cette  currency and electronic payment  [DCEP] digitale permet en effet un règlement sans contact.

Mais elle permet surtout de shunter les règlements internationaux en dollar. La stabilité du Reminbi au cours de la crise sanitaire est un avantage supplémentaire qui favoriserait la DCEP dans les échanges internationaux. Une des différences avec les crypto-monnaies classiques est son contrôle total par le gouvernement qui centralise le grand livre de la chaîne de blocs plutôt qu’ils ne soient distribués à travers un système d’algorithmes. Elle s’apparente à du papier monnaie et devrait être simple d’utilisation. Elle est actuellement testée au niveau national. 

La Chine pourrait devenir le premier pays à disposer d’une  crypto-monnaie souveraine, une espièglerie de l’histoire car on lui doit  l’invention du papier.

Pour ceux qui se débattent avec les datations et la chronologie, l’histoire imaginée et magnifiée par les chroniqueurs, les dissimulateurs des romanquêteurs, il est temps de remarquer que nous avons changé d’échelle, de référentiel et de monde en somme.

Les deux gérontocrates qui vont se disputer les restes fumants d’une Rome dévastée donnent de cette partie du monde, – crimes sexuels, rétributions abusives par une entreprise ukrainienne corrompue, sénilité, – le tableau de la décadence d’un vieux monde l’agonie. Dans ce décor de désolation, faites de files interminables devant les banques alimentaires, bientôt d’émeutes urbaines, la Chine achète son pétrole au Venezuela.  

La guerre a été déclarée unilatéralement, vainement, le continent massif avance, proue en direction de la Lune.